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Reconstruire un rassemblement
Par Amaury Couderc
Les mots n’auraient il plus le même sens rue de Solferino que dans le reste du pays ?
« Nous faisons une politique sociale éclairée par les valeurs de gauche », déclare le porte-parole du Parti Socialiste Jean Marie Le Guen.
Avant d’entamer la moindre discussion sur la possibilité de rassembler la gauche, encore faudrait-il s’entendre sur la signification et le contenu que nous donnons à certains mots. Est-ce que nous parlons tous de la même chose lorsque nous parlons de « la gauche », du « socialisme » ?
Il semblerait à l’évidence que non.
Sinon, pourquoi différencier la « gauche de gouvernement » de la gauche tout court. Faire cette différenciation présuppose déjà que la gauche au pouvoir devrait faire une politique différente de la gauche, donc trahir ses promesses ?
Ces réflexions nous emmènent immanquablement à nous poser la question, qui est à gauche et qui ne l’est plus ?
Le Parti Socialiste est-il toujours un parti de gauche ?
Le Parti Socialiste est-il encore un parti « socialiste », est-il encore possible de le classer à gauche sur l’échiquier politique alors que l’on connait tous les choix qu’il a entériné officiellement de construire une Europe économique sur la base de la « concurrence libre et non faussée » après avoir été le parti qui a le plus privatisé de toute l’histoire de la république, assurément non.
Poser cette question, le Parti Socialiste est-il toujours une organisation de « gauche », conditionne bien sûr la suite logique d’une recherche des moyens de rassembler sinon « la gauche », pour le moins « à gauche ».
Les élections municipales et ensuite les européennes ont vu « la gauche » disparaitre au profit de l’extrême droite, de la droite, mais surtout de l’abstention massive des citoyens devant les promesses trahies par ce que certains continuent à appeler « la gauche ». Bien que la presse tente de nous faire croire qu’il s’agit d’un désintérêt des citoyens pour les élections, comment peut-on continuer à classer à gauche une organisation qui soutient une politique consistant à donner cinquante milliards d’euros au patronat et un milliard deux cent millions d’euros pour les familles et les plus défavorisés, reniant par la même toutes ses promesses de campagne.
Assumer la rupture avec l’appareil du Parti dit Socialiste.
L’exemple de ce qui ce passe en Grèce, mais aussi en Espagne, ou encore de manière différente en Italie ou au Pays-Bas montre bien que la gauche ne peut progresser que si elle assume la rupture avec les organisations qui ne sont même plus sociales démocrates mais sont passées au service du patronat bien qu’elles continuent honteusement à se réclamer du socialisme, voire de Jaurès.
Le rapprochement avec le parti « socialiste » est un échec électoral.
En ce qui concerne le PCF, bien sûr, le problème est différent, ses positions en faveur du salariat sont souvent de bonnes positions, il n’en reste pas moins vrai que ses choix stratégiques d’alliance avec le Parti Socialiste à l’occasion des élections municipales a rendu le « Front De Gauche » absolument inaudible et l’a remisé au rang des organisations privilégiant les « combinaisons d’appareil » au détriment de la clarté politique.
L’abstention massive montre bien que les français n’ont pas été dupes de cette opération qui visait uniquement à garantir l’élection de quelques caciques de l’appareil. La traduction électorale a été la mise en échec de cette opération par une abstention massive des électeurs de gauche.
Du même coup le Front De Gauche qui représentait l’espoir d’une gauche enfin au service du salariat a été brisé.
Un rassemblement nécessaire, mais sur des accords clairs.
Aujourd’hui le nécessaire rassemblement ne peut plus se faire au niveau d’accords d’appareil (quels qu’ils soient), il ne peut se faire que sur la base d’un programme clair, de positions claires par rapport à l’Europe et à la monnaie commune, sachant qu’il est impossible de réformer ce monstre européen puisque la moindre modification nécessite l’unanimité de tous les pays constitutifs de cette Europe. Que c’est un leurre de faire croire qu’il suffirait d’élever le ton pour faire plier la totalité de ces pays.
Par contre il existe un article de la constitution européenne qui permet de sortir unilatéralement de l’Europe des banquiers, et de là, construire une autre Europe, avec les peuples qui aujourd’hui sont étranglés par cette concurrence libre et non faussée.
Il faut un rassemblement nécessaire sur un programme clair, sur une construction européenne des peuples, sur un refus de voir se disloquer la France des départements, c’est-à-dire la France héritée de la révolution, et sur une stratégie unique.
La base sociale sera donnée de surcroit…
Un parti de masse, ou une avant-garde éclairée ?
L’espoir qu’avait fait naître la candidature à l’élection présidentielle de Jean-Luc Mélenchon et son score à deux chiffres a été broyé pour deux raisons essentielles :
Parce que les camarades du Parti Communiste Français et d’une fraction de « Gauche Unitaire » ont passé dès le premier tour des élections municipales des accords avec le Parti Socialiste incompréhensibles pour les électeurs.
Parce que les camarades du Parti de Gauche n’ont pas compris qu’avec un peuple politisé comme l’est le peuple français, l’outil nécessaire à la prise de pouvoir démocratique ne peut pas être une « avant-garde éclairée » mais un parti de masse largement ouvert au débat et aux sensibilités qui se retrouvent dans la société.
Oui, le Parti de Gauche est dans une nasse et son porte-parole Jean Luc Mélenchon avec lui.
Je suis parfaitement à l’aise pour en parler, d’autant que je m’étais fait écarter de la direction (conseil national) pour avoir dénoncé par avance l’attitude de ce qui allait être les différentes positions des appareils constituant le Front De Gauche.
Constatons le repli du PCF sur ses élus (et son retour dans le giron du Parti Socialiste).
Là où je me suis trompé, c’est dans l’analyse de « Gauche Unitaire » que je n’aurais jamais cru capable de se fourvoyer avec un Parti Socialiste complètement décrédibilisé.
S’assumer comme alternative.
Le vote des élections municipales n’avait pas qu’une dimension locale, la question était de savoir si le Front De Gauche allait s’assumer comme alternative crédible à gauche.
La réponse a été clairement non, et c’est ce qui m’a fait dire en son temps que le Front De Gauche est mort.
Il est clair que la disparition d’une alternative à gauche a renforcé d’autant le Front National qui, lui, s’est clairement présenté comme une alternative à la droite largement déconsidérée par ses affaires.
Assumer la rupture au sein du Parti Socialiste.
Aujourd’hui un rassemblement à gauche n’a de sens que s’il se met en capacité, non seulement, de mettre en échec le politique soutenue par le Parti Socialiste mais aussi et surtout de présenter une alternative crédible susceptible de rassembler une majorité. Une simple « opposition de gauche » n’aura aucune crédibilité.
La recherche de contacts avec les élus socialistes en opposition avec la politique actuelle n’a de justification que si ces derniers assument clairement la rupture avec leur parti.
Dans le cas contraire ils apparaissent aux yeux de l’opinion pour ce qu’ils sont réellement, la voiture balai électorale d’un parti en décomposition.
S’allier à ces élus qui se contentent de critiquer, de dénoncer, sans jamais remettre en cause l’existence de ce gouvernement, ne ferait que décrédibiliser encore plus un rassemblement comme le « Front De Gauche » déjà bien controversé.