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22 juillet 2014 2 22 /07 /juillet /2014 17:43

http://www.mediapart.fr/journal/france/200714/barbes-manifestation-interdite-et-souriciere-policiere

http://www.alencontre.org/europe/france/france-la-solidarite-avec-le-peuple-palestinien-met-en-echec-un-pouvoir-exhalant-lere-coloniale.html

La solidarité avec le peuple palestinien met en échec un pouvoir exhalant l’ère coloniale

Par Stéphane Alliès

« Cela aurait été plus simple de l’autoriser ». Ce soupir d’un CRS (Compagnies Républicaines de Sécurité), au coin du boulevard et de la rue de Rochechouart, a dû rôder dans bien des têtes parmi ses collègues. Samedi 19 Juillet 2014, à Paris, dans le quartier populaire de Barbès, la manifestation de soutien à la Palestine a réuni entre cinq mille et dix mille manifestants selon les moments et les lieux. En dépit de l’interdiction prononcée la veille par la préfecture de police, avec l’accord de l’exécutif. Ceci pour empêcher d’éventuels « troubles à l’ordre public », au terme d’une semaine mouvementée. In fine, et sans conteste, la stratégie gouvernementale s’est avérée être un fiasco.

Prévenues par le maintien de l’appel à manifester annoncé par les organisateurs la veille, les forces de l’ordre mettront en œuvre un quadrillage policier progressif, mais vaste. Entre 14 heures et 15 heures, au carrefour des boulevards Barbès, Rochechouart et Magenta, la circulation est peu à peu bloquée par des cordons de CRS. Parmi les premiers arrivés, on compte beaucoup de jeunes et de femmes, pour partie venus de banlieue, qui arborent pour certains des tenues vestimentaires religieuses. Les slogans restent à tout moment politiques, « résistance de Paris à Gaza », « nous sommes tous des palestiniens », « Palestine vivra, Palestine vaincra ». Seuls quelques « allah akbar » retentissent parfois, mais sporadiquement et du fait d’un ou deux individus.

La tension est relative, les jeunes se rapprochent des barrages policiers, et les dernières voitures circulent au compte-gouttes. Puis quelques jeunes montent sur un échafaudage pour brûler un drapeau israélien (deux autres le seront peu avant les échauffourées), avant d’en brandir un du Djihad islamique.

L’arrivée d’un cortège du NPA, peu avant 15 heures, permet de canaliser la foule. Il a été retardé par les multiples barrages tout autour du quartier, et sera rejoint ensuite par des militants d’Ensemble (anticapitalistes du Front De Gauche). Après discussion avec les policiers, ils organisent une marche sur le boulevard Barbès, malgré quelques mécontentements des premiers arrivés, plus ardents que la moyenne d’un rassemblement qui grossit considérablement.

Dans le cortège, qui s’étend sur près de cinq cent mètres, on retrouve, comme dimanche dernier, l’Union des Juifs Français pour la Paix (UJFP), on aperçoit le chercheur Julien Salingue (spécialiste du Proche-Orient) en pleines négociations avec les CRS, Sandra Demarcq, dirigeante du NPA, Youssef Boussoumah, du Parti des Indigènes de la République, ou Clémentine Autain, du Front De Gauche.

On aperçoit aussi plusieurs drapeaux français, agités ou portés sur les épaules, au côté d’un drapeau palestinien ou d’un keffieh. « C’est nécessaire qu’on le montre nous aussi, ce drapeau », explique une étudiante, avant de lancer dans la foulée un slogan immédiatement repris par un bout de foule, « on est français, on a le droit de manifester ». On croise aussi de jeunes couples avec enfant, de jeunes militants anarchistes, ou des retraités.

La foule est bigarrée et se répartit assez équitablement entre blancs, arabes et noirs, les voiles et les foulards de différentes tailles cohabitent avec entrain avec les masques d’Anonymous et les distributions d’auto collants des militants de BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanction) appelant au boycott économique d’Israël. Les discussions sont multiples entre ceux qui ne veulent pas être récupérés par des partis, et d’autres qui regrettent qu’ils ne soient pas plus présents, pour grossir et « respectabiliser » la mobilisation.

A Barbès, il n’y avait aucun drapeau communiste ou écologiste, en tout cas pas visible.

Un militant du NPA reconnaît que « la situation est free style, mais comme les CRS ne veulent pas nous laisser passer, on ne peut que rester ici, on ne va pas aller dans les petites rues ». Pour lui, « il est impensable de laisser la rue. C’est comme pour les bonnets rouges, ce sont avant tout des classes populaires qui se mobilisent ».

Lacrymogènes avant dispersion

Vers 15 heures15, l’arrivée d’un cortège d’environ deux cents hommes en t-shirts noirs, et pour certains d’entre eux gantés et casqués, a un temps inquiété les manifestants déjà présents.

En mode « club de supporters », ils tapent dans leur main sur l’air de chant de football, « la LDJ est une salope », en référence à la Ligue de Défense Juive. Puis entonnent une puissante Marseillaise. Avant de faire passer dans la foule des répliques de linceuls victimaires, comme on en voit beaucoup ces temps-ci à Gaza.

Incrédules, certains se demandant s’il s’agissait de « dieudonnistes » (référence à Dieudonné figure du néo-antisémitisme) ou de « soraliens » (référence à Alain Soral, militant d’extrême-droite qui avait publié sur son site « les chambres à gaz pour les nuls »). Les manifestants plus « traditionnels » prennent davantage de distance, se regroupent à une station de métro et, à quelques centaines mètres de là, à Château Rouge, à côté du quartier populaire de la Goutte d’Or.

Ce sont les mêmes qui, une demi-heure plus tard seront à l’origine des débordements.

Beaucoup sont aussi remontés par l’interdiction de manifester, vécue comme une humiliation, et qu’ils raccrochent à un changement de politique internationale opéré par François Hollande, un alignement sur les positions de l’état hébreu. « Israël assassin, Hollande complice » aura été de loin le slogan le plus entonné, avant que n’éclatent les premières bombes lacrymogènes. Bloqués par un nouveau cordon de policiers, plusieurs militants de la cause palestinienne, ainsi que le service d’ordre du NPA, discutent avec les CRS pour essayer de négocier une sortie de cette souricière policière que n’aurait pas reniée le Jules Moch (en 1948, le ministre social-démocrate a mobilisé quelque soixante mille CRS contre les mineurs en grève dans le Nord) de la grande époque. Mais aux alentours de 16 heures, en quelques minutes, la situation a dégénéré.

La tension monte rapidement devant le barrage de CRS. Ceux-ci subissent immobiles les premiers jets de pétards, dans l’impossibilité légale de transformer un rassemblement statique en manifestation, puisque interdite. Alors en milieu de cortège, l’auteur de ses lignes n’a pas assisté à la scène, ainsi que le rapporte Willy Le Devin pour le quotidien Libération, « vers 15 heures 40, c’est le début du troisième temps. Soudain, des groupes extrêmement équipés et organisés ont commencé à fendre la foule pour monter au contact des CRS. Ils avançaient en ligne, le visage couvert. A l’évidence, ils n’avaient rien de militants venus défendre la cause palestinienne. Certains arboraient des tee-shirts du virage Auteuil, une tribune du Parc des Princes. Un étrange service d’ordre s’est alors déployé pour empêcher que ces groupes n’en viennent aux mains avec les policiers. Au départ, il fut efficace. Mais quelques jeunes, montés sur un conteneur, commencèrent à jeter de gros pétards sur les forces de l’ordre, un, puis deux, puis trois. Les CRS ont répliqué par de premières capsules de gaz peu avant 16 heures. Dès lors, c’en était fini de toute manifestation et le dix-huitième arrondissement s’est transformé en vaste champ de bataille ».

Les premières grenades lacrymogènes sont lancées, et le gaz se propage à l’ensemble du rassemblement, méthode classique de post-manifestation dispersée sur grande place. A la légère différence que la manifestation n’était pas dispersée (elle était même assise en sit-in).

Quant aux voies d’évacuation, alors que le métro était fermé, elles prenaient la forme de petites rues commerçantes, souvent barrées par d’autres filtrages policiers. Les ruelles de la Goutte d’Or auront même été le cadre d’affrontements.

La très grande majorité des manifestants aura continué sa route, certains marchant pacifiquement à quelques centaines vers Châtelet (au centre de Paris). D’autres rejoignant le parvis de la Gare du Nord, où un gros millier de personnes n’ayant pu accéder à la manifestation s’est rassemblé, d’autres se repliant près du pont des voies ferrées, dans la Goutte d’Or, d’autres enfin errant par poignées dans Montmartre, seule échappatoire possible vers le nord-ouest de la capitale.

Manifestation nationale samedi prochain

Comme pour rappeler un bien plus ténébreux et sinistre décompte à l’origine de la mobilisation parisienne, la soirée aura été rythmée sur les chaînes d’information par l’évolution du bilan de la manifestation interdite. A 21 heures, il était de trente-huit interpellations, et de quatorze policiers blessés. Plusieurs affrontements, « jets de pierre contre lacrymogènes », se sont éternisés jusqu’en fin de journée, autour du carrefour de Barbès. Quelques poubelles et deux voitures ont été vues brûler sur les boulevards.

Dans un communiqué, les organisateurs de la manifestation parisienne dénombrent aussi « au moins vingt manifestants blessés et souffrant de troubles respiratoires, notamment des femmes et des enfants ». Et accusent la stratégie de maintien de l’ordre de la police.

« A la Gare du Nord, le rassemblement s’est déroulé de façon plus calme. Sans surprise, la police a réservé un traitement plus violent aux habitants du quartier populaire de Barbès, alors que la présence de nombreux touristes à la Gare du Nord semble avoir favorisé une relative retenue, cela rappelle les plus sombres heures de l’ère coloniale ».

Avant de conclure que « c’est la décision politique, pour ne pas dire idéologique, du gouvernement usant d’une violence disproportionnée qui a créé les conditions des troubles à l’ordre public, dont le gouvernement porte donc la totale responsabilité ».

Dans le reste de la France, hormis Sarcelles, toutes les manifestations ont été autorisées. Ils ont été plus de quatre mille à Lyon et Marseille, plus de mille cinq cent à Saint-Etienne, Lille, Montpellier, Nantes ou Strasbourg, en tout, une quinzaine de villes de province, sans aucun heurt.

Dans un communiqué les organisateurs interpellent l’Elysée, « le président Hollande a déclaré aujourd’hui que ceux qui veulent à tout prix manifester en assumeront la responsabilité. En nous mobilisant massivement, nous lui avons répondu que ceux qui veulent à tout prix user d’un droit démocratique fondamental ne céderont pas à ses menaces ».

Ils appellent d’ores et déjà à « une manifestation nationale Samedi 26 Juillet 2014 à 15 heures place de la République à Paris ». De son côté le NPA appelle « l’ensemble des forces de gauche et démocratiques, syndicales, associatives et politiques, à exprimer leur refus de la répression et leur solidarité active avec la lutte du peuple palestinien ».

Pendant ce temps-là, entre Grenoble et Risoul, Manuel Valls était un peu en vacances au Tour de France. Il a pu parler à un cycliste et à Gérard Holtz (commentateur caricatural sur France 2 du cyclisme à l’eau claire), pour dire qu’avec le tour, il « retrouve de la confiance et de l’optimisme » et vante « la beauté de ces paysages », qui lui « donne envie de continuer ».

Puis, il s’est fait davantage martial, les orteils droits dans ses tongs, « l’ordre et la règle doivent s’imposer dans notre pays. Nous ne laisserons en aucun cas dire des slogans antisémites, des slogans contre les juifs de France, car ce n’est pas cela la France. Je veux dire à nos compatriotes que nous serons, le président de la république et moi-même, extrêmement déterminés à faire respecter l’ordre républicain ».

Pied de nez à l’inconséquence primo-ministérielle ayant bien choisi son jour pour venir sur le tour, son homonyme dans le peloton, l’espagnol Rafael Valls, a choisi d’abandonner la course. Cela pourrait faire sourire à Risoul, si, en voyant, la réussite de la manifestation pacifique à Londres, ce n’était pas à pleurer à Paris.

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