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2 janvier 2015 5 02 /01 /janvier /2015 20:24

https://www.ensemble-fdg.org/content/portugal-le-bloc-de-gauche-la-croise-des-chemins

Le Bloc de Gauche à la croisée des chemins

Par Flavia Verri, représentante d’Ensemble à la neuvième convention du Bloco de Esquerda

Mardi 25 Novembre 2014

Le Portugal est actuellement un pays ravagé par trois années de politiques d'austérité menées de concert par la troïka et le gouvernement de Passos Coelho et Paulo Portas. La dévastation de l'économie se traduit par une dette extérieure record, une dette publique au-dessus de cent trente pour cent, un PIB qui recule de six pour cent, la destruction de plus de cinq cent mille emplois et le départ vers l'étranger de trois cent trente personnes par jour. L'austérité s'est matérialisée aussi par de nombreuses privatisations, la fin de l’état social et par « l’intérioricide », la déqualification et la disparition des services publics des régions intérieures. C'est dans ce contexte que s'est tenue la neuvième convention du Bloc de Gauche.

Après quinze ans d'existence, pour ce parti-référence de la gauche européenne, l'enjeu était de taille, adopter une orientation qui rompe avec les politiques d'austérité imposées par la troïka, crédible et audible à une échelle de masse, qui ne s'allie pas au Parti Socialiste et à la logique du bipartisme, qui affirme l'unité dans l'action et la construction de mobilisations porteuses d'une alternative.

Ces objectifs ont été affichés par Joao Semedo, qui a clôturé la convention en rappelant qu'il fallait retrouver le Bloco des origines, riche de sa diversité et de sa pluralité, inséré dans le mouvement de masse, profondément uni et unitaire. Il a accompagné son discours d'un geste symbolique, en faisant monter l'ensemble du bureau politique nouvellement élu sur le podium.

Entouré de Pedro Filipe Soares, député à l’assemblée nationale, et de Joana Mortagua, présidente de l’UDP, qui applaudissaient son intervention conciliatrice. Il a insisté sur quatre points, que le débat polémique devait s'achever, que le Bloco était le parti de tous les bloquistes, qu'une solution de direction nationale et de représentation publique devait être trouvée à la réunion du prochain bureau national et que de larges plages d'accord existaient.

Un discours rassembleur après un débat polémique et des divisions internes importantes qui reflètent la crise que traverse actuellement le Bloco.

Electoralement, les résultats du Bloco n'ont fait que baisser ces dernières années. Il a connu un premier frein à sa progression depuis sa création en perdant huit de ses seize députés aux élections législatives anticipées de juin 2011. Cette chute s’est amplifiée lors des élections municipales du mois de septembre 2013, le Bloco perdant sa seule mairie et n’ayant plus aucun élu au conseil de Lisbonne. Le nombre de voix des listes du Bloco a baissé tandis qu’il a augmenté lorsque le parti s’est allié, dans quelques localités, à des listes « citoyennes » plus larges. Cette tendance à la baisse s’est confirmée par les résultats des élections européennes de mai 2014, au cours desquelles le Bloco a perdu deux de ses trois sièges au parlement européen, avec seulement 4,6% des suffrages exprimés.

La politique d'alliance en « zig-zag » avec le Parti Socialiste a été une des causes de cette crise du Bloco et le bilan des élections municipales n’a fait que l’intensifier. La direction sortante, élue à quatre-vingt pour cent à la dernière convention, s’est disloquée au bureau national d’octobre 2013.

Cette crise s’est aussi manifestée par des départs groupés ou individuels des rangs du parti. Le Bloco semble avoir perdu de son attrait même si sur les réseaux sociaux son audience s'élargit.

En toute logique, le débat préparatoire à cette neuvième convention a principalement opposé deux motions défendues par chacune des deux parties de l'ancienne majorité. D'un côté la motion U, « motion unitaire en construction », soutenue par Joao Semedo, Catarina Martins et Francisco Louça, proposait une campagne pour une sortie de crise centrée sur la restructuration de la dette et la rupture avec le traité budgétaire. Tandis que la motion E, « bloc pluriel facteur de tournant », appuyait plutôt sur la défense de la constitution comme axe de campagne face aux attaques des politiques d’austérité, elle était soutenue par Luis Fazenda, Pedro Filipe Soares et Joana Mortagua. Cette motion a présenté une série d’amendements adoptés par le congrès, réformant les statuts et introduisant la proportionnalité à la commission politique du parti.

Cette convention a connu sa meilleure participation de l'histoire du Bloco avec deux mille six cent cinquante-trois votants aux assemblées locales. Les résultats ont donné une très légère avance de six délégués à la motion E avec deux cent soixante-deux délégués pour deux cent cinquante-six attribués à la motion U. Les autres motions ont obtenu huit délégués pour la motion A, « une réponse à gauche, pour un Bloco qui réponde de suite aux problèmes des personnes », quarante-quatre délégués pour la motion B, « refonder le Bloco dans la lutte contre l’austérité » et trente-huit pour la motion R, « réinventer le Bloco ».

Les débats ont inversé les résultats des assemblées locales puisque, suite au vote final à main levée, la motion U a obtenu huit voix d’avance sur la Motion E, avec deux cent soixante-six voix pour la motion U, deux cent cinquante-huit voix pour la motion E, sept voix pour la motion A, trente-quatre voix pour la motion B et trente voix pour la motion R.

Mais, pour l’élection du bureau national, le vote à bulletin secret a donné un résultat ex aequo avec trente-quatre membres pour chacune des deux motions U et E, sept membres pour la motion B et quatre membres pour la motion R. A signaler que dans la composition finale de ce bureau national, il ne reste plus du groupe fondateur que Luis Fazenda, dirigeant historique d'UDT, puisque Francisco Louça et Fernanda Rosas l'ont quitté.

La réforme statutaire adoptée à cette convention va donc devoir s’appliquer, malgré la posture de la motion U indiquant dans son document « qu’au nom de l’unité politique de la représentation du Bloco, les électeurs de la liste de cette motion ne participeront à aucune coordination qui résulterait d’arrangements entre des motions politiques différentes ».

L’enjeu était donc aussi celui de qui représentera publiquement le Bloco. D’après Joao Semeda, dans son discours de clôture, un arrangement devra être trouvé au prochain bureau national qui se réunit le 30 novembre 2014.

Le Bloco est donc à la croisée des chemins, le défi est de réussir à faire la synthèse, d’unir et être inclusif pour éviter de perdre le souffle des origines et de se perdre dans une guerre de tendances. Le défi est surtout de réussir à reconstruire des mobilisations de l’ampleur de celles de 2012 et 2013, comme la campagne « que se lixe a troïka », qui avaient rassemblé des millions de personnes. Et pour cela, il faut un Bloco pluraliste, uni et prêt pour la lutte.

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