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17 mars 2015 2 17 /03 /mars /2015 20:10

http://www.humanite.fr/plus-de-50-de-la-dette-grecque-est-illegitime-568201

Plus de cinquante pour cent de la dette grecque est illégitime

Par Stéphane Aubouard

Jeudi 12 Mars 2015

D’après le Collectif pour un Audit Citoyen (CAC), la dette publique grecque d’avant la crise est le fruit du mariage de deux maux nés l’un après l’autre. Les taux d’intérêt exorbitants contractés par l’État dans les années 1980 et la baisse des recettes publiques au début des années 2000.

Il y a dix jours, le parlement grec annonçait la création d’une commission d’audit de la dette du pays pour distinguer la part légitime de l’illégitime. « Cet outil permettra ainsi de rétablir une injustice majeure commise à l’encontre du peuple grec et de savoir comment le pays en est arrivé là », espérait alors la présidente de la Vouli, Zoé Konstantopoulou. Moins de deux semaines plus tard, les premières réponses à cette question cruciale arrivent. Le Collectif pour un Audit Citoyen de la dette publique publie aujourd’hui la version finale de sa « contribution à l’audit de la dette grecque ». Et force est de constater que les conclusions détaillées de la note fournie par le collectif français ne vont pas dans le sens des prêtres de l’ultra libéralisme.

« L’envolée de la dette grecque avant la crise est largement imputable à des taux d’intérêt extravagants, entre 1988 et 2000, et à une baisse des recettes publiques provoquée par des cadeaux et des amnisties fiscales à partir de 2000 », affirme ainsi le rapport du collectif.

« Sans ces dérapages, elle n’aurait représenté que quarante-cinq pour cent du PIB en 2007 au lieu de cent trois pour cent. On peut en conclure que cinquante-six pour cent de la dette grecque acquise avant la crise était illégitime ». C’est net et sans bavure.

Les demandes du gouvernement grec d’un audit de la dette ont déjà reçu leur première réponse en forme de pavé dans la mare pour les tenants de l’orthodoxie libérale. Il faut dire que le Collectif pour un Audit Citoyen (CAC) de la dette publique, composé de membres des économistes atterrés, d’ATTAC et d’autres penseurs critiques de la doxa libérale, n’en est pas à son coup d’essai. L’an dernier déjà, le même collectif français avait produit un travail sur la dette de la France en utilisant les mêmes méthodes que pour la présente note. À l’époque déjà, nous apprenions que cinquante-neuf pour cent de la dette publique française n’était pas légitime.

Quelles sont les raisons de ce bond de la dette grecque ?

Pour le problème grec, l’idée était simple, remonter concrètement aux sources de la dette. Car s’il est admis que l’explosion de la dette publique hellène, aujourd’hui de cent soixante-quinze pour cent du Produit Intérieur Brut (PIB), est principalement liée aux politiques d’austérité menées à marche forcée par la troïka du Fonds Monétaire International (FMI), de la Banque Centrale Européenne (BCE) et de la commission européenne, il ne faut pas oublier que cette même dette culminait déjà à cent trois pour cent du PIB en 2007, à l’aube de la crise financière.

« Selon la vulgate économique et médiatique ordinaire, les déficits publics proviendraient d’une administration pléthorique, sept pour cent du PIB contre trois pour cent en Europe, et d’une difficulté à lever l’impôt et à maîtriser les dépenses », rappelle ainsi l’économiste Michel Husson, l’un des principaux contributeurs de cette note qui se plaît à prendre le contre-pied de ce chant funèbre. Basé sur l’étude approfondie des comptes nationaux de la Grèce et révisé par Eurostat, le rapport du CAC offre de nouveaux arguments et pose de nouvelles questions. Comment, en effet, la dette d’un pays peut-elle passer de vingt pour cent du PIB en 1980 à cent trois pour cent du PIB au début des années 2000, soit huit ans avant la crise financière ?

La réponse du collectif est limpide, « malgré une forte hausse de la fiscalité dans les années 1990, l’envolée de la dette grecque avant la crise est largement imputable à des taux d’intérêt extravagants, entre 1988 et 2000, et à une baisse des recettes publiques provoquée par des cadeaux et des amnisties fiscales à partir de 2000 », affirme ainsi le rapport du CAC, concluant dans la foulée que cinquante-six pour cent de la dette grecque était illégitime. Et pour cause, les taux d’intérêt, en moyenne douze à treize pour cent dans une période située entre 1980 et 1993, ont fait bondir de soixante-dix points la dette du pays. Dans cette même période, l’étude du CAC fait observer que les intérêts contribuaient pour cinquante-sept pour cent à l’accroissement de la dette, une proportion qui atteint même soixante-cinq pour cent entre 1988 et 1993. « Ce poids des intérêts correspond en grande partie à l’effet boule de neige qui se déclenche quand le taux d’intérêt est plus élevé que le taux de croissance du PIB », précise Michel Husson.

Mais alors quelles sont les raisons de ce bond de la dette grecque dans les années 1980 et 1990 ? Thomas Coutrot, membre des économistes atterrés et coprésident d’ATTAC, met en avant le rôle néfaste des marchés financiers et des banques. « La crise monétaire du début des années 1990, beaucoup de pays se préparaient alors à entrer dans l’euro, est la cause principale de ce bond de la dette grecque », explique l’économiste à l’Humanité. « La spéculation sur les monnaies européennes a eu un effet désastreux. Et trente ans plus tard on continue de payer cher cette crise spéculative qui représente environ trente pour cent de la dette actuelle de la Grèce. Ce qui est d’ailleurs aussi valable pour la France ». Pour bien cerner l’ampleur des dégâts, le texte montre quel devrait être le montant « normal » de la dette grecque, en prenant pour référence un taux d’intérêt réel ne dépassant pas trois pour cent. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, « si le taux d’intérêt de la dette n’avait pas dérapé entre 1988 et 2000, le ratio entre la dette et le PIB aurait été, en 2007, de soixante-quatre pour cent au lieu de cent trois pour cent, soit un différentiel de trente-neuf pour cent de PIB. » Autrement dit, une moyenne de quatre points de moins par an.

Mais ce n’est pas tout, outre l’effet boule de neige provoqué par des taux d’intérêt iniques, la Grèce est aussi victime d’un manque cruel de recettes depuis l’entrée du pays dans la zone euro. « Les recettes publiques, toujours en proportion du PIB, ont commencé à baisser aussi vite qu’elles avaient monté. Puis, à partir de 2005, la remontée des dépenses a été accompagnée d’une progression concomitante », constate Michel Husson. Si les recettes publiques n’avaient pas baissé à partir de 2000, la dette publique grecque aurait représenté quatre-vingt-six pour cent du PIB au lieu de cent trois pour cent, soit un écart de dix-sept pour cent du PIB.

Les chiffres ne mentent pas, n’en déplaise à Angela Merkel

Conclusion, si les taux d’intérêt imposés à la Grèce étaient restés raisonnables, autour de trois pour cent, et que le maintien des recettes avait été assuré par les politiques, alors la dette grecque n’aurait représenté que quarante-cinq pour cent du PIB au lieu de cent trois pour cent du PIB, soit un écart de cinquante-huit pour cent du PIB. Les chiffres ne mentent pas. Et n’en déplaise à Angela Merkel, la fainéantise prêtée par les populistes aux grecs n’a décidément rien à voir avec la dette qu’on leur demande de payer aujourd’hui.

Alexis Tsipras veut faire payer Berlin. Le bras de fer se poursuit. Mardi 10 Mars 2015, devant le parlement grec, le premier ministre Alexis Tsipras annonçait sa volonté de mettre sur pied une commission sur les réparations allemandes dues en raison de l’occupation.

« L’Allemagne, malgré les crimes du Troisième Reich, a bénéficié, avec raison, d’une série de soutiens. La plus importante d’entre elles a été la restructuration des dettes de la seconde guerre mondiale avec le traité de Londres de 1953 », a-t-il asséné. Le ministre de la justice, Nikos Paraskevopoulos, s’est, quant à lui, dit prêt à saisir des biens immobiliers allemands afin de garantir le remboursement.

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