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25 avril 2015 6 25 /04 /avril /2015 15:09

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/04/25/mort-suspecte-du-chef-de-la-securite-politique-d-assad_4622631_3218.html

Mort suspecte du chef de la sécurité politique d’Assad

Par Benjamin Barthe, correspondant permanent du Monde à Beyrouth

L’ancien proconsul syrien au Liban a vécu. Le général Rustom Ghazaleh, âgé de soixante et un ans, qui fut l’homme le plus puissant de Beyrouth dans les dernières années de l’occupation du pays du cèdre par la Syrie, entre 2002 et 2005, est décédé, Vendredi 24 Avril 2015, dans un hôpital de Damas. Annoncée par sa famille, sa mort a été confirmée par la chaîne de télévision libanaise al Mayadeen, qui dispose de nombreuses entrées dans les cercles du pouvoir syrien.

Rustom Ghazaleh, qui dirigeait dernièrement la sécurité politique, l’une des multiples polices secrètes du système Assad, avait été admis au début du mois de mars 2015 à la clinique Chami, l’établissement de la nomenklatura syrienne, à la suite d’une violente dispute avec l’un de ses alter ego, le chef du renseignement militaire, Rafic Chehadé. Les deux hommes avaient été peu après limogés sur ordre de la présidence.

Comme il est de coutume dans le régime syrien, royaume de l’opacité, la disparition de Rustom Ghazaleh, un sunnite originaire de Deraa, dans le sud du pays, n’a fait l’objet d’aucun commentaire officiel mais a suscité un flot de rumeurs invérifiables, à la mesure de l’aversion suscitée par le personnage dans les milieux anti-Assad. L’une des versions les plus colportées affirme que l’ancien baron des services de sécurité syrien, roué de coups par les gros bras de son rival, a fait les frais de son opposition à l’implication grandissante des pasdarans iraniens, l’unité d’élite de la république islamique, dans la conduite des combats contre les rebelles syriens.

Mise en coupe réglée du Liban

Une autre thèse attribue le différend entre les deux hommes au refus de Rafic Chéhadé de laisser son homologue prendre part à l’offensive lancée cet hiver dans sa province natale de Deraa. Dans une vidéo diffusée en décembre sur les réseaux sociaux, des hommes étaient filmés en train de mettre à feu une villa présentée comme celle de Rustom Ghazaleh, dans le village de Qarfa, dans le but d’éviter que celle-ci ne tombe entre les mains des insurgés.

D’autres rumeurs, tout aussi impossibles à authentifier, relient l’algarade fatale à des histoires de trafic de mazout, ou encore à l’intention prêtée à Rustom Ghazaleh de publier ses mémoires, ce qui aurait pu inquiéter Bachar al Assad, compte tenu du rôle de premier plan joué par son affidé dans la mise en coupe réglée du Liban.

L’ancien chef des services de renseignements syriens dans ce pays est considéré comme l’un des principaux responsables de la faillite de la banque al Madina, à Beyrouth, en 2003.

Plombée par un déficit de deux cent cinquante millions d’euros, cet établissement avait servi de pompe à finances et de plateforme de blanchiment pour de nombreux politiciens libanais et haut gradés syriens. Mais Rustom Ghazaleh a surtout été soupçonné d’avoir collaboré à l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri, farouche opposant à la tutelle de Damas, mort en 2005, en plein Beyrouth. Le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), formé pour enquêter sur ce drame, juge actuellement à La Haye, par contumace, des membres du Hezbollah, la milice chiite libanaise, alliée à Damas.

Disparitions supectes

Les milieux anti syriens au Liban font remarquer que d’autres cadres du régime, possiblement impliqués dans l’attentat contre Rafic Hariri, ont disparu ces dernières années, dans des circonstances floues. C’est notamment le cas de Ghazi Kanaan, le prédécesseur de Rustom Ghazaleh à Beyrouth, trouvé mort en 2005, dans son bureau du ministère de l’intérieur, dans ce qui ressemblait à un suicide maquillé. Autre décès suspect, celui du général Jameh Jameh, le numéro deux syrien au Liban en 2005, qui selon Damas, a été tué dans des combats contre les rebelles, à Deir al Zor, en octobre 2013.

Selon le ministre libanais Nabil de Freige, cité par le quotidien L’Orient-Le Jour, Rustom Ghazaeh était « l’homme qui en savait trop ». Il était « le dernier témoin du TSL capable de prouver que le régime syrien a éliminé l’ancien premier ministre Rafic Hariri », a déclaré pour sa part Walid Joumblatt, le chef de la communauté druze. Ironie de l’histoire, le décès de l’homme que craignaient tous les libanais coïncide avec le dixième anniversaire du retrait de l’armée syrienne de leur pays.

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