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7 mai 2015 4 07 /05 /mai /2015 18:50

http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/05/04/que-contient-la-loi-sur-le-renseignement_4627068_4408996.html

Le projet de loi sur le renseignement massivement approuvé à l’assemblée nationale

Par Martin Untersinger

Les députés ont, sans surprise, adopté à une large majorité, par quatre cent trente-huit voix pour, quatre-vingt-six voix contre et quarante-deux abstentions, le projet de loi sur le renseignement défendu par le gouvernement lors d’un vote solennel, Mardi 5 Mai 2015. Il sera désormais examiné par le sénat, puis le conseil constitutionnel, prochainement saisi par soixante-quinze députés. Dans un souci d'apaisement, François Hollande avait annoncé par avance qu'il saisirait les sages.

Ont voté contre dix députés du Parti Socialiste sur deux cent quatre-vingt-huit, trente-cinq députés de l’UMP sur cent quatre-vingt-dix-huit, onze députés d’Europe Ecologie Les Verts sur dix-huit, onze députés de l’UDI sur trente, douze députés du Front De Gauche sur quinze et sept députés non-inscrits sur neuf. Le détail est disponible sur le site de l’assemblée nationale.

Parmi les députés ayant voté contre figurent notamment des opposants de la première heure, comme La députée UMP Laure de la Raudière ou le député EELV Sergio Coronado, mais aussi quelques poids lourds de l'opposition comme Patrick Devedjian ou Claude Goasguen. A gauche, on trouve parmi les quelque opposants au texte Aurélie Filipetti. Christian Paul, qui avait été très actif lors d'autres débats sur les libertés numériques, s'est abstenu.

Pouria Amirshahi, député socialiste des français de l'étranger qui a également voté contre, a annoncé qu'il transmettrait un « mémorandum argumenté » au conseil constitutionnel et demanderait à se faire auditionner sur le projet de loi. D'autres députés ont prévu de faire la même démarche.

Ce texte, fortement décrié par la société civile pour son manque de contre-pouvoir et le caractère intrusif des techniques qu’il autorise, entend donner un cadre aux pratiques des services de renseignement, rendant légales certaines pratiques qui, jusqu’à présent, ne l’étaient pas.

Retour sur ses principales dispositions, après son passage en commission des lois et après le débat en séance publique

Définition des objectifs des services

Le projet de loi énonce les domaines que peuvent invoquer les services pour justifier leur surveillance. Il s’agit notamment, de manière attendue, de « l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la défense nationale et de la prévention du terrorisme », mais également des « intérêts majeurs de la politique étrangère », ainsi que de la « prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions et de la criminalité et de la délinquance organisées ». Des formulations parfois larges qui inquiètent les opposants au texte qui craignent qu’elles puissent permettre de surveiller des activistes ou des manifestants.

La commission de contrôle

Le contrôle de cette surveillance sera confié à une nouvelle autorité administrative indépendante, la Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement (CNCTR), composée de six magistrats du conseil d’état et de la cour de cassation, de trois députés et trois sénateurs de la majorité et de l’opposition et d’un expert technique. Elle remplacera l’actuelle Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité (CNCIS).

Elle délivrera son avis, sauf cas d’urgence, avant toute opération de surveillance ciblée. Deux types urgences sont prévus par la loi, d’un côté une « urgence absolue », pour laquelle un agent pourra se passer de l’avis de la CNCTR mais pas de l’autorisation du premier ministre.

De l’autre, une urgence opérationnelle extrêmement limitée, notamment en termes de techniques, à l’initiative du chef du service de renseignement, qui se passe de l’avis de la CNCTR. Ces cas d’urgence ne justifieront pas l’intrusion d’un domicile ni la surveillance d’un journaliste, un parlementaire ou un avocat. Dans ces cas, la procédure classique devra s’appliquer.

L’avis de la CNCTR ne sera pas contraignant, mais cette commission pourra saisir le conseil d’état si elle estime que la loi n’est pas respectée et elle disposera de pouvoirs d’enquête. Ce recours juridictionnel est une nouveauté dans le monde du renseignement.

Les « boîtes noires »

Une des dispositions les plus contestées de ce projet de loi prévoit de pouvoir contraindre les Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) à « détecter une menace terroriste sur la base d’un traitement automatisé ». Ce dispositif, autorisé par le premier ministre par tranche de quatre mois, permettrait de détecter, en temps réel ou quasi réel, les personnes ayant une activité en ligne typique de « schémas » utilisés par les terroristes pour transmettre des informations.

En pratique, les services de renseignement pourraient installer chez les FAI une « boîte noire » surveillant le trafic. Le contenu des communications, qui resterait « anonyme », ne serait pas surveillé, mais uniquement les métadonnées, origine ou destinataire d’un message, adresse IP d’un site visité et durée de la conversation ou de la connexion. Ces données ne seraient pas conservées.

La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) critique fortement cette disposition. La CNIL soulève notamment que l’anonymat de ces données est très relatif, puisqu’il peut être levé.

Le dispositif introduit une forme de « pêche au chalut », un brassage très large des données des français à la recherche de quelques individus. Le gouvernement se défend de toute similarité avec les dispositifs mis en place par la NSA américaine, arguant notamment que les données ne seront pas conservées et que cette activité sera contrôlée par une toute nouvelle commission aux moyens largement renforcés. Il s’agit cependant d’un dispositif très large, puisqu’il concernera tous les fournisseurs d’accès à internet, et donc tous les internautes français.

L’élargissement de la surveillance électronique pour détecter les « futurs » terroristes

La surveillance des métadonnées sera aussi utilisée pour tenter de détecter de nouveaux profils de terroristes potentiels, prévoit le projet de loi. Le gouvernement considère qu’il s’agit d’une manière efficace de détecter les profils qui passent aujourd’hui « entre les mailles du filet », par exemple des personnes parties en Syrie ou en Irak sans qu’aucune activité suspecte n’ait été décelée avant leur départ.

Pour repérer ces personnes, la loi permettra d’étendre la surveillance électronique à toutes les personnes en contact avec des personnes déjà suspectées. En analysant leurs contacts, la fréquence de ces derniers et les modes de communication, les services de renseignement espèrent pouvoir détecter ces nouveaux profils en amont.

De nouveaux outils et méthodes de collecte

Les services pourront également procéder, après un avis de la CNCTR, à la pose de microphones dans une pièce ou de mouchards sur un objet, une voiture par exemple, ou à l’intérieur d’un ordinateur. L’utilisation des IMSI catchers, fausses antennes qui permettent d’intercepter des conversations téléphoniques, est également légalisée, pour les services de renseignement, dans certains cas. Le nombre maximal de ces appareils sera fixé par arrêté du premier ministre après l’avis de la CNCTR.

La loi introduit également des mesures de surveillance internationale, concrètement, les procédures de contrôle seront allégées lorsqu’un des « bouts » de la communication sera situé à l’étranger, concrètement, un français qui parle avec un individu situé à l’étranger.

Cependant, comme l’a souligné l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP), sollicitée pour le versant technique de cette mesure, il est parfois difficile de s’assurer qu’une communication, même passant par l’étranger, ne concerne pas deux français.

Un nouveau fichier

La loi crée un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), dont les données pourront être conservées pendant vingt ans.

Ce fichier concerne les personnes ayant été condamnées, même si une procédure d’appel est en cours. Les mineurs pourront aussi être inscrits dans ce fichier et leurs données conservées jusqu’à dix ans. L’inscription ne sera pas automatique et se fera sur décision judiciaire.

Certaines mises en examen pourront aussi apparaître sur ce fichier. En cas de non-lieu, relaxe, acquittement, amnistie ou réhabilitation, ces informations seront effacées.

Renseignement pénitentiaire

Le renseignement pénitentiaire pourra, dans des conditions qui seront fixées par décret, profiter des techniques que légalise le projet de loi pour les services de renseignement. La ministre de la justice, Christiane Taubira, était défavorable à cette disposition, soutenue par le rapporteur du texte, la droite et une partie des députés de gauche. Pour la ministre, cette innovation va dénaturer le renseignement pénitentiaire et le transformer en véritable service de renseignement.

Conservation des données

La CNIL a fait part à plusieurs reprises de sa volonté d’exercer sa mission de contrôle sur les fichiers liés au renseignement, qui seront alimentés par ces collectes. Ces fichiers sont aujourd’hui exclus du périmètre d’action de la CNIL.

La durée de conservation des données collectées, et l’adaptation de cette durée à la technique employée, a par ailleurs été inscrite dans la loi, contrairement au projet initial du gouvernement qui entendait fixer ces limites par décret. Elle pourra aller jusqu’à cinq ans dans le cas des données de connexion.

Un dispositif pour les lanceurs d’alerte

La loi prévoit également une forme de protection pour les agents qui seraient témoins de surveillance illégale. Ces lanceurs d’alerte pourraient solliciter la CNCTR, voire le premier ministre, et leur fournir toutes les pièces utiles. La CNCTR pourra ensuite aviser le procureur de la république et solliciter la commission consultative du secret de la défense nationale afin que cette dernière « donne au premier ministre son avis sur la possibilité de déclassifier tout ou partie de ces éléments ». Aucune mesure de rétorsion ne pourra viser l’agent qui aurait dénoncé des actes potentiellement illégaux.

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