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1 août 2015 6 01 /08 /août /2015 17:34

http://www.clubpolitiquebastille.org/spip.php?article127

La crise de l’humanité, du Courant Communiste Internationaliste (CCI) et du Parti Ouvrier Indépendant (POI)

Samedi Premier Août 2015

Ce texte est le résultat d’une discussion collective. Les rédacteurs sont pour la plupart d’anciens militants de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI). Naturellement, le Club Politique Bastille est prêt à publier d’autres contributions.

Le CCI, héritier de l’OCI, a explosé, avec une minorité et une majorité. De nombreux camarades s’interrogent, au premier chef des anciens du mouvement lambertiste, quelles sont les divergences politiques ?

Un mot sur « l’état de l’union »

Le CCI, sa projection le POI, est une organisation qui végète, la plupart des adhérents et des militants sont des vieillards. Le CCI est une maison de retraite. Il n’y a pas de jeunes, c’est d’ailleurs normal dans une organisation qui n’a plus d’orientation politique dans la jeunesse.

Voilà des années que le CCI n’a plus d’existence à l’université et dans les lycées, bref le CCI est une organisation fatiguée qui ne recrute plus et dont la plupart des militants actifs sont des cadres syndicaux, essentiellement dans Force Ouvrière.

Et la plupart de ces cadres syndicaux s’alignent, grosso modo, sur le bureau confédéral. Les rapports d’activités sont votés sans état d’âmes. Récemment, Informations Ouvrières a organisé une réunion nationale de syndicalistes essentiellement des militants du CCI plus quelques élus.

Neuf cent militants réunis, pas de quoi crier victoire.

L’OCI n’a jamais atteint l’objectif des dix mille militants, à partir d’une base de quatre mille à cinq mille militants dans les années 1980.

Le CCI a officiellement deux mille militants. Lorsque la scission sera effective et définitive, dans chaque camp des dizaines de militants voteront avec leur pied en abandonnant la politique.

Des camarades étudient les textes produits par les uns et les autres et tentent de discerner les bases politiques de cette explosion.

En fait, l’origine de cette scission n’est pas dans les textes, mais dans les actes, un affrontement brutal et violent entre deux groupes de permanents. La bagarre est menée par les responsables de chaque côté de l’appareil.

Les arguments

Ils nous interdisent de créer une tendance clame les minoritaires, les « suspendus ». C’est vrai.

La majorité applique à Sedjouk et ses camarades le traitement qu’en commun ils ont infligé à ceux qui voulaient créer une tendance, Stéphane Just, Pierre Broué, André Langevin, Michel Panthou, Pedro Carrasquedo, les militants du groupe Communiste Révolutionnaire Internationaliste (CRI) et tous ceux exclus qui n’ont pas eu le temps de s’exprimer. À partir de l’exclusion de Balazs Nagy, l’OCI est devenu progressivement mais irréversiblement une machine à exclure par les moyens de violences verbales et physiques, comme les staliniens.

Stéphane Just après son exclusion expliquait à qui voulait l’entendre, en se passant la main sur la nuque, « heureusement que nous n’avons pas exercé le pouvoir ».

Donc la minorité est dans la posture de la « victime ». Les « majoritaires » autour de Lacaze, Schapira et Dan Moutot sont les « méchants ». Ils refusent la démocratie ouvrière, évidemment.

Ils font circuler un texte d’attaques abominables contre Seldjouk, ce qui n’est pas très fraternel.

Les haines de ceux qui ont « travaillé » dans les mêmes bureaux pendant trente-cinq ou quarante ans sont terribles, jusqu’alors, rien que de très banal.

Un acte politique majeur mérite d’être souligné dans cette tragi-comédie. À peine la minorité était-elle « suspendue » que les dirigeants du CCI ont changé les serrures des locaux, la « crise de l’humanité » et la serrurerie.

L’appareil contre l’appareil avec des méthodes d’appareil

Brutalité, violence, calomnie et protection du « capital », puisque les immeubles payés par les militants de l’Alliance des Jeunes pour le Socialisme (AJS) et de l’OCI valent un sacré magot.

Cet acte représente le véritable texte politique illustrant cette scission, la caisse, les locaux et les titres de journaux. Le débat n’aura pas lieu, d’aucune partie. Car le terreau de cette scission, c’est l’échec, l’échec du parti des dix mille militants et l’échec de l’appréciation des fronts populaires, dernières ressources avec le fascisme.

C’est l’échec de l’entrée massive des militants trotskystes dans Force Ouvrière puisque le mouvement ouvrier allait s’organiser sur un « nouvel axe » avec la crise fatale du stalinisme.

C’est l’échec de la politique dans l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), aboutissant au départ de tous les étudiants trotskystes et offrant le syndicat étudiant sur un plateau à François Mitterrand.

C’est l’échec dans la lutte pour la reconstruction de la quatrième internationale, par exemple le Parti des Travailleurs algérien lié au gouvernement négociant avec son ministre de l’intérieur les résultats aux élections.

C’est l’échec de l’appréciation politique internationale des années 1980 et 1990 selon laquelle nous étions entrés dans l’époque de l’imminence de la révolution alors que la mondialisation organisait l’une des plus importantes agressions historique contre la classe ouvrière en Europe et aux Etats-Unis. La mondialisation c’est la contre-révolution.

C’est l’échec de l’appréciation politique française depuis les années 1970.

« L’agonie de la cinquième république s’approche du spasme mortel. Oui vraiment il faut être aveugle, ou ne pas vouloir voir, pour ne pas se rendre compte que l’agonie de la cinquième république s’approche de son stade fatal et que s’avance la crise révolutionnaire », la Vérité, juin 1979, Stéphane Just, congrès de l’OCI.

C’est évidemment l’accumulation de ces échecs jamais discutés qui est à l’origine de cette scission. Au bout du bout, c’est l’absence de démocratie à l’intérieur de l’organisation qui explique l’actuelle scission. On discute de comment appliquer la ligne, jamais de la ligne elle-même. C’est la célèbre méthode objectif résultat. Et partout à l’étranger la même structuration disciplinaire accordant les pleins pouvoirs à la direction au nom du centralisme démocratique aboutit au même résultat.

Scission, explosion, paranoïa et secret, ces caractéristiques ne sont pas exagérées. La divergence lorsqu’elle s’affirme et lorsque les militants qui l’expriment ne veulent pas céder à la direction est immédiatement caractérisée, de la pire des manières, pression de la bourgeoisie, clique sans bases politiques, voire militants manipulés par l’Élysée quand ce n’est pas pire.

Secret, quid par exemple de l’affaire Lionel Jospin, dans les années 1970

Un travail de fraction dans le Parti Socialiste avait été décidé. L’OCI pensant être en mesure de jeter les bases du parti révolutionnaire directement. Inutile comme dans les années trente, préconisé par Léon Trotsky, d’entrer drapeau déployé, dans la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) pour se lier aux meilleurs éléments prolétariens.

Non, le nouveau Parti Socialiste ne valait pas cette politique. La direction décida et mit en œuvre un travail de fraction. Les militants qui ne pouvaient pas avoir d’activité publique et qui l’acceptaient entraient dans le Parti Socialiste pour s’y implanter. L’objectif était clair, au moment où les masses s’affronteraient au gouvernement du front populaire, les militants trotskystes formeraient un courant avec les socialistes qui résisteraient à cette politique et convergerait vers le parti révolutionnaire en construction. C’est ainsi que Lionel Jospin, comme plusieurs dizaines d’autres, rejoignit le Parti Socialiste.

Les camarades pouvaient accepter des responsabilités sauf, bien sûr, celles qui pouvaient les amener à mettre en œuvre la politique d’un gouvernement bourgeois d’union de la gauche. Cette politique valait pour tous les militants en fraction à l’intérieur du Parti Socialiste.

En 1981, coup de théâtre

Le bureau politique décide que Lionel Jospin acceptera la proposition de François Mitterrand, de devenir premier secrétaire du Parti Socialiste. Concrètement, cela signifie que Lionel Jospin a mis en œuvre la politique de François Mitterrand contre les salariés.

Ainsi, l’orientation est battue en brèche. Le travail dans le Parti Socialiste se transforme en espionnage politique. Les militants en fraction sont désemparés.

Les militants de l’OCI n’en savent rien. Lorsqu’après une tribune libre de Jacques Kirsner et François Chesnais cet épisode sera rendu public, l’OCI n’en dira mot. Lionel Jospin s’expliquera publiquement, à minima, pas un mot de l’OCI pour les militants.

La politique du secret transforme les militants en soldats sourds, muets et aveugles chargés de tenir les objectifs sans disposer des informations et des explications possibles. Le secret, c’est la négation de la démocratie ouvrière. Le CCI et le POI sont en crise. La presse publie des informations, sauf Informations Ouvrières. Circulez, il n’y a rien à voir.

La quatrième internationale fondée par Léon Trotsky se fixait pour objectif de bâtir le parti mondial de la révolution et ses sections. La lutte contre la bourgeoisie et le stalinisme fondait sa stratégie.

La révolution n’a jamais été à l’ordre du jour dans les pays industrialisés

À la Libération, pendant un bref moment, on a pu penser que la question du pouvoir serait posée, par exemple en Italie. L’appareil stalinien est parvenu à maintenir l’ordre, rôle déterminant dans la reconstruction des états. La quatrième internationale n’a joué qu’un rôle mineur dans toute cette période. C’est sur le terrain de la lutte contre le stalinisme que le mouvement trotskyste a joué un rôle significatif, le meilleur de l’action de l’OCI.

Mais nulle part, malgré la mobilisation révolutionnaire des masses en Pologne, en Hongrie et en Tchécoslovaquie, la révolution politique ne l’a emporté. Pire, en union soviétique, le prolétariat atomisé par les pertes colossales de la seconde guerre mondiale, la surexploitation et la terreur policière n’a joué aucun rôle dans la lutte contre l’appareil, accompagnant même la bureaucratie qui, après la chute du mur de Berlin, s’unissait au capital étranger et expropriait les conquêtes d’octobre 1917, privatisant à tout crin et créant une nouvelle bourgeoisie de parvenus.

Une nouvelle période historique s’ouvrait. Le programme de la quatrième internationale rédigé par Léon Trotsky n’était plus efficient. Pour reprendre une de ses formules, lorsqu’il envisageait un échec de la révolution mondiale, il faudra, disait-il, tout « recommencer ».

Repenser l’état du monde

Il fallait engager un débat pour préciser la signification actuelle du socialisme après les terribles échecs historiques. En fait, la défaite de la révolution d’octobre pèse sur la conscience des masses, à l’échelle mondiale, quelle alternative opposer à la mondialisation ?

Sur ces questions, la plupart des organisations de la quatrième internationale sont restées muettes. L’OCI a refusé d’admettre les nouvelles conditions historiques à l’échelle internationale, répétant les mêmes analyses.

Elle a, comme un disque usé, repassé en boucle le programme de transition tout en menant une politique ultra opportuniste, sur les plans politiques et syndicaux.

Le lambertisme s’affirmera comme le molletisme du mouvement trotskyste

Ce sont quelques-uns de ces problèmes qu’il faut exposer et débattre. Le CCI a refusé de faire face à cette réalité se réduisant progressivement à un appareil occupé, comme tous les appareils, à défendre ses petits privilèges.

Le numérique va bouleverser les conditions de l’exploitation capitaliste. Le numérique et les nouvelles générations d’automates vont modifier les conditions de la production capitaliste, provoquant de véritables saignées parmi les salariés.

C’est l’uber-économie. Mais le numérique va également modifier les conditions de l’exercice du pouvoir politique. La révolution industrielle du dix-neuvième et du vingtième siècle avait forgé le pouvoir centralisé du capital et du mouvement ouvrier. Les socialistes et les communistes s’étaient organisés dans cette verticalité, c’était le centralisme démocratique. Le numérique met à l’ordre du jour l’horizontalisme. La forme des regroupements politiques et des nouvelles formations révolutionnaires s’en trouvera radicalement métamorphosée.

Ni la minorité ni la majorité ne veulent de bilan politique et de véritable débat. Le plus probable c’est qu’il ne sortira rien de positif de cette crise peut-être fatale. Espérons que quelques militants chercheront à établir les véritables racines de cette situation.

Le CCI après l’OCI a vécu avec un corps de permanents énorme par rapport à sa puissance militante. Actuellement pour deux mille militants, il y a vingt à trente permanents. Ils sont en première ligne dans les affrontements actuels. Et cependant ils sont également d’une certaine manière des victimes de ce système.

Qu’on imagine, la plupart d’entre eux ont trente-cinq ans ou quarante ans de « métier ».

C’est terrible. Totalement coupés de la réalité sociale, ces ratés sont les dirigeants du mouvement. Ils vivent sur une autre planète que les salariés et les militants.

Papa, c’est quoi ton métier ? Je suis révolutionnaire professionnel.

La crise du CCI est l’une des manifestations de la décomposition des organisations léguées par l’histoire du mouvement ouvrier. Pour toutes ces raisons plus quelques autres, sa crise s’inscrit dans une fin de partie. « Les lois de l’histoire sont plus fortes que les appareils bureaucratiques », en effet.

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