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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 18:57

https://www.ensemble-fdg.org/content/grande-bretagne-la-victoire-de-jeremy-corbyn-serait-un-seisme-politique

http://www.grey-britain.net/2015/08/25/philippe-marliere-la-victoire-de-corbyn-serait-un-seisme-politique

http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-marliere/270815/la-victoire-de-jeremy-corbyn-serait-un-seisme-politique

La victoire de Jeremy Corbin serait un séisme politique

Contrairement à beaucoup de dirigeants réformistes européens acquis au néo libéralisme, Jeremy Corbyn est un authentique social-démocrate, dans la tradition de la première internationale. Membre du Labour Party depuis ses plus jeunes années, il n’a jamais été ni membre d’une organisation de la gauche radicale, ni trotskiste. Son élection à la tête du parti constituerait un séisme politique.

Interview de Philippe Marlière par Nathanaël Uhl.

Samedi 29 Août 2015

Nathanaël Uhl. Le leadership pour le Labour Party rentre dans sa dernière phase avec le vote des adhérents. Le candidat de gauche, Jeremy Corbyn, semble capable de l’emporter. Quelles répercussions cette élection pourrait-elle avoir ?

Philippe Marlière. A mon sens, si Jeremy Corbyn est élu, ce serait potentiellement plus important que la victoire électorale de Syriza en Grèce, au printemps dernier. La Grande-Bretagne est la deuxième économie de l’Union Européenne, le Labour Party est l’un des partis de gauche les plus importants à l’échelle européenne et il rassemble des éléments aussi différents que des socialistes au sens propre du terme, ou appelons les des sociaux-démocrates véritablement sociaux et démocrates, comme Jeremy Corbyn ou John Mac Donnell, et des néo libéraux héritiers du blairisme. C’est un parti de masse avec une emprise solide sur la société britannique, contrairement à Syriza en Grèce, notamment au travers de ses liens historiques et, pour douze d’entre eux, statutaires avec les syndicats. Jeremy Corbyn a d’ailleurs reçu le soutien explicite des deux plus importantes organisations syndicales du Royaume-Uni. Sa victoire créerait un séisme politique, créant une situation nouvelle et originale en Europe.

Nathanaël Uhl. En quoi la victoire de la gauche travailliste peut-elle ouvrir un espace original ?

Philippe Marlière. D’abord, il y a le profil politique de Jeremy Corbyn lui-même. Contrairement à beaucoup de dirigeants réformistes européens acquis au néo libéralisme, c’est un authentique social-démocrate, dans la tradition de la première internationale. Membre du Labour Party depuis ses plus jeunes années, il n’a jamais été ni membre d’une organisation de la gauche radicale, ni trotskiste. Il a travaillé, pendant quelques années pour le mouvement syndical, avant de devenir membre du parlement pour le Labour Party. Il a fait le choix d’un parti de masse et défend, depuis le début, la même ligne socialiste, très à gauche, mais réformiste.

Nathanaël Uhl. Les commentateurs britanniques qualifient Corbyn de socialiste libertarien. Est-ce que ce qualificatif est adapté ?

Philippe Marlière. Il faut d’abord revenir à la tradition britannique qui se nourrit, depuis plusieurs siècles, d’une méfiance vis-à-vis du pouvoir central et de l’état. Le socialisme britannique s’appuie certes sur l’état pour faire progresser le bien commun, c’est tout le sens des nationalisations effectuées par le gouvernement de Clement Attlee au sortir de la deuxième guerre mondiale ou des propositions portées par Jeremy Corbyn de renationaliser les services publics fondamentaux, le rail, l’énergie et la poste. Mais la gauche britannique estime qu'il faut aussi se protéger des excès de l’état vis-à-vis des libertés individuelles et sur les questions sociétales. Rappelons-nous que Jeremy Corbyn s’est engagé en politique à partir du moment où Margaret Thatcher a commencé à gouverner le pays. Le thatchérisme repose sur un socle qui propose une dérégulation économique avec son cortège de privatisations et sa lutte contre les syndicats, mais aussi une gestion policière des conflits sociaux, comme par exemple la grève des mineurs, et des questions sociétales, comme par exemple les droits des minorités ethniques, des femmes, des gays et des lesbiennes. La tradition politiquement libérale de la gauche britannique et l’expérience thatchérienne expliquent le rapport tempéré de Jeremy Corbyn vis-à-vis de l’état. C’est un aspect que la gauche française a beaucoup de mal à saisir parce qu’en France on pense que l’état est bon par nature. En Grande-Bretagne, même à gauche, ce n’est pas le cas. Sur le plan international, ses positions ont souvent été radicales, voire avant-gardistes. C’est un farouche partisan de la libre détermination des peuples, d’où ses engagements en faveur des républicains irlandais dès les années 1970, de la Palestine, mais aussi contre l’apartheid. Il est aussi favorable à la libre détermination des individus, c’est-à-dire la liberté de concevoir pour soi-même ce qu’est la « vie bonne », sans l’intervention de l’état.

Nathanaël Uhl. Quoi qu’il en soit, Jeremy Corbyn apparaît comme un extra-terrestre en Grande-Bretagne. Est-ce que son succès n’est pas aussi l’expression d’une révolte contre l’establishment travailliste ?

Philippe Marlière. C’est exact. Revenons au point de départ. Le Labour Party dirigé par Ed Miliband a perdu les élections, contre toute attente. C’est un moment clé. Le parti est déboussolé et les militants sont abattus. Très vite, les blairistes, l’aile droite du parti, ont développé un discours sur le thème « nous avons été battus parce que le programme électoral était trop à gauche et nous n’étions pas crédibles sur le plan économique ». C’est un récit négatif. Or, Ed Miliband n’a jamais eu les mains libres au sein du Labour Party, confronté à des rumeurs de rébellion interne tous les six mois, il n’a eu de cesse de faire des compromis avec les uns et les autres. Au final, son programme prônait une sorte d’austérité light qui n’a satisfait personne. Jeremy Corbyn s’est démarqué totalement de ce récit négatif et droitier et cela a suscité l’adhésion des militants. Comme le dit Andy Burnham, l'un de ses adversaires au poste de leader, le vétéran socialiste a capté l’humeur du parti travailliste. Mais il bénéficie aussi d’un positionnement positif dans le parti, contrairement à ses trois rivaux, il n’a jamais tenu aucun rôle dans l’establishment blairiste ou browniste. Il apparaît donc crédible sur des positions de gauche. Il fait des propositions qui épousent les attentes de l’électorat. Avec un discours offensif, Jeremy Corbyn a pu marquer des points très rapidement.

Nathanaël Uhl. Mais finalement, en quoi Jeremy Corbyn est-il innovant, politiquement parlant ?

Philippe Marlière. Depuis plus de trente ans, il a été de tous les combats de la gauche. Il est particulièrement connu pour son engagement pacifiste, en tant que président de la Stop The War Coalition, il a contribué à l’événement politique le plus significatif de ces dernières années, deux millions de personnes sont descendus dans les rues de Londres en 2003 contre la guerre en Irak. Il y a aussi son programme politique dont les dimensions sociétales et écologiques, en plus de ses aspects économiques et sociaux, ouvrent la voie à une coalition politique de gauche, avec le Green Party et d’autres composantes de la gauche de transformation en Grande-Bretagne, sans oublier une alliance avec les partis nationalistes, le parti national écossais (SNP) et Plaid Cymru au Pays de Galles. Et cela, c’est vraiment novateur en Grande-Bretagne.

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