Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 décembre 2015 5 11 /12 /décembre /2015 17:30

http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2015/12/02/calais-le-controleur-des-libertes-denonce-les-methodes-du-ministere_4821892_1654200.html

A Calais, le ministère accusé « d’atteintes graves aux droits fondamentaux »

Par Maryline Baumard

En dix jours, c’est le deuxième désaveu officiel infligé à la politique menée par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, à Calais. Après le conseil d'état, qui, Lundi 23 Novembre 2015, exigeait un aménagement rapide du campement où vivent plus de cinq mille migrants, c’est au tour du contrôleur général des lieux de privation de liberté de dénoncer le non-respect des droits de l’homme, par les pouvoirs publics, dans ce no man’s land de misère et de détresse qu’est la jungle calaisienne.

Dans une recommandation rendue publique Mercredi 2 Décembre 2015, Adeline Hazan demande au ministre qu’il « soit mis fin » aux placements collectifs en rétention qui se succèdent à un rythme endiablé depuis plus de quarante jours. Elle dénonce l’enfermement de sept cent soixante dix neuf migrants entre le 21 octobre 2015 et le 10 novembre 2015, mille trente neuf au Mardi Premier Décembre 2015, selon la Cimade, « dans le but de désengorger Calais. Il s’agit là d’une utilisation détournée de la procédure qui entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes ainsi privées de liberté », constate-t-elle.

Aux yeux de cette haute autorité, la politique de Bernard Cazeneuve bafoue le droit des étrangers parce que ces migrants ne sont pas dans une situation où leur mise en rétention s’impose, mais aussi parce qu’on les prive « de l’accès à leurs droits » et que leur privation de liberté se fait « dans des conditions matérielles portant atteinte à leur dignité ».

Désengorger Calais

Ces violations du droit découlent du choix fait le 21 octobre 2015 par le ministre de l’intérieur. Ce jour-là, Bernard Cazeneuve annonce un plan pour Calais. Officiellement, il propose d’offrir un hébergement, quelque part en France, aux migrants qui acceptent de renoncer à leur projet migratoire vers la Grande-Bretagne. Il décide en même temps de renforcer largement la présence des forces de police sur le lieu afin de rendre la frontière hermétique. Pas un mot, alors, sur les places réservées jusqu’à fin décembre dans sept Centres de Rétention Administrative (CRA) aux quatre coins du pays. Toutes les facettes de sa politique convergent vers un but unique, désengorger le site de Calais en le vidant par tous les moyens de quelques-uns des six mille cinq cent migrants qui y résident alors.

Selon les textes juridiques en vigueur, le placement en rétention n’est pas prévu pour vider un campement, il est réservé à la préparation effective du retour d’un migrant dans son pays ou un pays tiers. Or, le contrôleur, qui a fait les calculs jusqu’au 10 novembre 2015, est arrivé à la conclusion que seules quatre pour cent des personnes retenues avaient effectivement quitté la France. Preuve que l’enfermement n’avait pas pour but premier de leur faire quitter l'hexagone, même si, dans sa réponse à Adeline Hazan, le ministre rappelle que « tous les étrangers placés en CRA ont vocation à être éloignés et y sont placés dans ce seul but ».

Le contrôleur ne donne les nationalités des « déplacés » que jusqu’à mi-novembre 2015 mais la Cimade les a consignés jusqu’au Mardi Premier Décembre 2015. Sur les mille trente neuf personnes enfermées depuis le mois d'octobre 2015 dans les sept CRA semi-réquisitionnés, figuraient notamment cent quarante sept érythréens, cent treize irakiens et cent trente huit syriens, autant de migrants qu’il est impossible de renvoyer chez eux parce que cette mesure les exposerait à des risques importants. Un bilan fait par la même association montre d’ailleurs que quatre vingt quatorze pour cent de ceux qui ont été enfermés depuis la mi-octobre 2015 ont été libérés, soit par la préfecture elle-même, soit par un juge. Selon nos informations, la plupart d’entre eux sont retournés à Calais par le premier train.

Entassement et indignité

Afin de disposer de tous les éléments, le contrôleur des lieux de privation de liberté et six de ses collaborateurs se sont rendus à deux reprises à l’hôtel de police de Coquelles, dans le Pas-de-Calais, qui jouxte Calais. Ils ont suivi le transfert par avion de quarante six personnes vers le centre de rétention de Nîmes et assisté à l’arrivée de trente deux autres personnes à Vincennes, dans le Val de Marne.

Ils ont ainsi pu observer qu’une bonne partie des migrants mis en rétention avaient été enfermés suite à des contrôles d’identité aléatoires dans Calais et non alors qu’ils tentaient de passer la frontière. La plupart avaient en outre une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) « présentant une motivation stéréotypée et un argumentaire identique ».

Un élément qui témoigne d’une absence d’examen de la situation individuelle, ce qui est contraire au droit.

Le contrôleur a en outre pu observer que les policiers menaient les interpellations en fonction des places disponibles dans les CRA et non en fonction des projets de renvoi. « Il reste quatre personnes à interpeller », a entendu l’un des enquêteurs de terrain, alors que quarante six personnes étaient déjà gardées à vue ou retenues dans le centre de Coquelles dans des conditions d’entassement et d’indignité dénoncées par le rapport. La liste des violations des droits est tellement longue que le fait que « l'information relative à la possibilité de déposer une demande d’asile soit parfois omise lors de l’énumération des droits » pourrait paraître accessoire.

Le contrôleur des lieux de privation de liberté n’est pas la seule à critiquer l’attitude des pouvoirs publics à Calais.

Mardi Premier Décembre 2015, l’Observatoire de l'Enfermement des Etrangers, qui regroupe seize associations, de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) aux syndicats d’avocats, a publié une lettre ouverte interrogeant le premier ministre, Manuel Valls, sur le sens de ces déplacements forcés.

Partager cet article
Repost0

commentaires