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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 17:24

REPONSE A RAOUL MARC JENNAR ET A CLAIRE BOUTHILLON

Par Robert Duguet

Mardi 15 Décembre 2015

Raoul Jennar prend l’initiative d’un appel à un débat politique sur le fond, ceci recoupant plusieurs contributions que des militants m’ont fait parvenir avant et après le résultat du deuxième tour des élections régionales. Une aspiration s’y fait jour.

Je cite Claire Bouthillon, « la Vague Citoyenne est née en Aquitaine, de cette colère qui mine au quotidien l’existence de tous ceux qui misèrent en silence. Elle est mue par cette indignation partagée face à la trahison du trop petit nombre de ceux à qui l’on a confié le pouvoir de gouverner les affaires de la cité et qui ont trop souvent confondu l’intérêt général et l’intérêt particulier. Elle croît avec la volonté de dépasser ces sentiments immédiats par l’action joyeuse et le rassemblement populaire. Elle ne croit plus en la simple représentation mais veut la participation concrète. Elle a des fondamentaux simples mais à dimension universelle et les affiche depuis le départ, sans se cacher, la démocratie, la solidarité et l’écologie. Parce qu’il n’y a pas d’autre enjeu politique que celui de remettre le peuple au centre des décisions collectives, de redistribuer les richesses pour rendre l’existence de tous digne d’être vécue et de protéger notre écosystème pour qu’il continue à être le lieu commun de la vie sur terre ».

Je reprends ce qu’écrit Raoul Jennar, « j’appelle à un débat de fond. Nous seulement pour analyser les causes de la destruction de la gauche par la gauche elle-même, mais surtout pour construire l'avenir. Un chantier immense s'ouvre au peuple de France, celui de construire un autre système politique où le peuple garde la maîtrise de son destin et où celle-ci n'est plus confisquée par une classe politique pour qui faire carrière est devenu le seul projet politique. Un système politique fondé sur un principe absolu, seul le peuple décide ».

Un peu plus tôt ou un peu plus tard, les obstacles politiques qui ont été placé sur notre route pour interdire au mouvement social de déboucher sur la construction d’un Podemos à la française seront brisés. Pour ma part je partage cette conviction, nous avons absolument besoin d’un mouvement de ce type et, de toutes les façons, il va se produire. La question n’est pas de savoir si ce mouvement se produira, mais plutôt quel bilan nous tirons nous de notre activité passée et quelle orientation politique nous serons capable d’y défendre.

Si nous analysons ce qui s’est produit dans plusieurs pays du sud de l’Europe néo libérale, cette prison des peuples, ces dernières années, principalement en Grèce et en Espagne, c’est une émergence de mouvements politiques de type nouveau dépassant la crise de représentation des vieux partis institutionnels issus de la deuxième internationale « socialiste » et des anciens partis staliniens. Le mouvement Izquierda Unida d’Espagne qui représentait un cartel électoral du même type que le Front De Gauche (FDG) français s’y déclarait submergé par le tsunami Podemos. Toutefois, l’expérience de Syriza en Grèce doit nous forcer à aller au fond des problèmes, à peine les drapeaux et les pancartes électorales étaient-elles repliées que le gouvernement d’Alexis Tsipras tournait le dos à son propre programme électoral, implosait et capitulait devant les exigences de la troïka. Gageons que Podemos d’Espagne accédant au pouvoir sera confronté à des difficultés identiques.

Aussi bien l’analyse qui est faite par Raoul Jennar que par Claire Bouthillon revendique un mouvement du peuple construisant un système politique « où le peuple garde la maitrise de son destin ». Jean Luc Mélenchon, dans l’ouvrage écrit pendant l’été 2014, « l’ère du peuple », et préparant la constitution dans l’espace feutré de son bureau du Mouvement pour la Sixième République (MSR), n’a pas écrit autre chose. Il y a, d’un côté, l’oligarchie politique et, de l’autre, le peuple. Pour régler la question de la représentation alternative, il faut la révolution citoyenne.

Celle-ci étant sensée prendre la place de la révolution socialiste de nos aînés. Aujourd’hui où en est-on avec cette orientation? L’absence de lisibilité politique du FDG a conduit au fait que d’un côté l’électorat ouvrier et la jeunesse s’abstiennent tandis que les couches moyennes lourdement ponctionnées par la crise expriment leur volonté de renverser la table en votant pour l’extrême droite nationaliste. Jean Luc Mélenchon aujourd’hui prend sa place dans l’union de la gauche, dans la version de Jean Christophe Cambadélis. Il faut donner une explication, sans rire ni pleurer, comme disait Baruch Spinoza, pour éviter les ornières à venir.

Ce qui s’est passé aussi bien en Grèce qu’en Espagne, c’est un mouvement qui gagne toutes les classes de la société, pas seulement le salariat, mais tout le corps social est en face d’une impasse. Nous l’avons constaté à l’échelle d’une région au moment du mouvement des bonnets rouges en Bretagne, deux entreprises en voie de liquidation entrainent un mouvement social à Quimper qui fait apparaitre les problèmes économiques cruciaux de toute une région. On a vu alors la position désastreuse du FDG qui laisse le terrain aux organisations régionalistes. Quand le corps social dans son ensemble entre en mouvement, le problème est de savoir quelle est la classe sociale qui est alors en capacité de diriger la société ? Qui doit être le maître, le banquier, l’actionnaire ou le salariat constitué en mouvement politique autonome et quel est le programme ? Aujourd’hui, la gauche radicale et l’extrême gauche française sont un champ de ruine. On ne fera pas l’économie d’une critique positive de l’électoralisme, Raoul Marc Jennar pose la question de fond qui est celle de la « confiscation par une classe politique pour qui faire carrière est devenu le seul projet politique ».

Il faut discuter sur le fond de ce qu’est la démocratie, ce n’est pas le droit de coller des affiches et de distribuer des tracts aux élections pour élire des représentants aux assemblées qui ensuite demandent aux militants de rentrer chez eux jusqu’à la prochaine fois. Depuis le virage de la rigueur de 1983, toutes les tentatives de construire une alternative à gauche de la sociale démocratie se sont heurtées à la question de la place des élus par rapport à l’organisation dont ils étaient issus.

Dans la courte histoire du Parti de Gauche, on pourrait prendre quelques exemples locaux et voir comment les élus du Parti de Gauche ont très vite repris les mauvaises habitudes du Parti Socialiste et se retrouvent en opposition parfois violentes avec les militants, quand ils ne sont pas tout simplement retournés au Parti Socialiste, comme dans ma commune. En fait le Parti de Gauche n’a jamais vraiment été construit comme un parti, outil démocratique offert au militants, mais comme instrument à la botte d’un chef suprême qui décide de la pluie et du beau temps. Le Parti de Gauche, avec son cortège d’excommunications majeures et mises sous tutelle des fédérations récalcitrantes, s’est construit comme un parti de la cinquième république bonapartiste, l’ombre portée du successeur de Charles de Gaulle et dont l’élection présidentielle est le seul but. Passé l’objectif de la présidentielle, le FDG et le Parti de Gauche se sont fracturés. Quant au hochet du MSR, Jean Luc Mélenchon a réussi ce tour de force de proposer la construction d’un parti virtuel, plus besoin d’exclure les opposants, il suffit d’un clic de souris pour décider qui est digne de porter son drapeau.

La démocratie ne peut se concevoir que par son contenu anticapitaliste, sans la démocratie interne à un mouvement politique, il ne peut y avoir de constitution du salariat comme classe politique sortant la société et la civilisation de l’impasse dans laquelle le néo-libéralisme l’a plongé. Nous devons avoir une exigence double, la république sociale, c’est la destruction des institutions issues du coup d’état de 1958, dans laquelle la gauche mitterrandienne s’est vautrée. Souvenons-nous de l’admiration sans borne de Jean Luc Mélenchon pour François Mitterrand. Dans l’histoire de la gauche institutionnelle, le recours au mot d’ordre de la sixième république s’est toujours limité à sa définition institutionnelle, mais jamais à la question fondamentale, qui doit exercer le pouvoir, le banquier et l’actionnaire ou l’ouvrier qualifié, le technicien et l’ingénieur, le capital ou le travail ? Il n’y a pas de voie institutionnelle, c’est le mouvement pour une république sociale qui détruira les institutions bonapartistes. A l’âge du capitalisme mondialisé et du néo-libéralisme, à l’échelle internationale, c’est la nécessité de construire un mouvement de rupture avec l’Union Européenne, prison des peuples.

L’alternative aujourd’hui n’est pas 2017, de ce point de vue les dés en sont jetés, mais comment renverser la table avant 2017. Est-ce qu’un tel mouvement aura lieu dans les mois qui viennent, nous ne sommes pas devins, ce n’est pas quelque officine politique qui en décide, mais ce sont les masses.

En revanche, le travail militant que nous avons à faire, c’est de mettre à l’ordre du jour la question de savoir qui doit gouverner la société, quel mode de production du travail social, quelle redistribution des richesses au profit du corps social dans son ensemble et quelle représentation ?

Socialisme ou barbarie, pour l’instant, si on prend toutes les réformes accomplies depuis 1983, c’est la barbarie qui l’emporte.

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