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12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 20:49

http://www.humanite.fr/grece-les-calculs-cyniques-des-creanciers-dathenes-601788?IdTis=XTC-FT08-GF0GWV-DD-DLH85-FUMG

Les calculs cyniques des créanciers d’Athènes

Par Rosa Moussaoui, envoyée spéciale de l'Humanité à Athènes

Vendredi 11 Mars 2016

L’Union Européenne et le Fonds Monétaire International (FMI) maintiennent la pression sur le gouvernement grec, prié d’aller au plus vite et plus loin dans l’application du programme d’austérité imposé au mois de juillet 2015.

Le quartet des créanciers est de retour à Athènes. Arrivés Mercredi 9 Mars 2016, les représentants du FMI, de la Banque Centrale Européenne (BCE), de la commission européenne et du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) doivent « évaluer » la mise en œuvre du nouveau plan d’austérité imposé aux grecs le 12 juillet 2015 malgré la victoire du « non » au référendum.

Objectifs, accélérer les « réformes en suspens » et renforcer la discipline budgétaire à laquelle doit se plier le pays pour la période de 2016 à 2018, date à laquelle la Grèce est priée d’atteindre un excédent primaire de 3,5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) pour le conserver les années suivantes. Au cœur de ce nouveau cycle de « négociations » qui n’en sont pas, la refonte du système de retraites, l’accélération d’un programme de privatisations aux allures de grande braderie d’actifs publics ainsi que le problème des « prêts rouges », ces emprunts que des particuliers ne peuvent rembourser, ils concerneraient cent mille personnes et porteraient sur un montant total de cent vingt milliards d'euros.

Les exigences des usuriers ne connaissent pas de limites

Cette « revue » du programme d’austérité, lancée au début de l’année 2016, avait été interrompue au mois de février 2016, les créanciers jugeant encore trop clément le projet de réforme du système de retraites, qui prévoit pourtant un relèvement progressif de l’âge de départ en retraite à soixante sept ans et conduirait à de nouvelles amputations dans les pensions. S’agissant des « prêts rouges », les créanciers exigent toujours le démantèlement de la législation protégeant les résidences principales des saisies immobilières. Quant à la liquidation des biens publics grecs, le quartet veut hâter la création du fonds de privatisation que le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, prétendait domicilier au Luxembourg, au mois de juillet 2015.

Alors que la Grèce est exsangue, encore fragilisée par la crise humanitaire frappant des réfugiés pris au piège sur son sol par la fermeture de la route des Balkans, les exigences des usuriers ne connaissent pas de limites. « Le paquet de mesures doit être encore plus solide, aller plus loin que ce qui a été mis sur la table jusqu’à présent », ordonnait Lundi 7 Mars 2016 le président de l’Eurogroupe, le néerlandais Jeroen Dijsselbloem. Problème, alors que la dette grecque dépasse les trois cent vingt milliards d’euros, un fardeau insoutenable pour une économie qui s’est encore contractée de 0,3 % en 2015, la viabilité économique de ce troisième programme d’austérité suscite des doutes jusque dans les cénacles du FMI, où l’on juge inévitable un allégement de la dette. Question discutée ces jours-ci, à Athènes, où les créanciers se disent prêts à examiner les options d’un allongement des échéances et d’une réduction de certains taux d’intérêt à condition que le gouvernement d'Alexis Tsipras se montre docile dans la poursuite des politiques d’ajustement structurel imposées depuis six ans au pays.

Mais, de ce côté-là, rien n’est encore fait, Berlin refusant toujours obstinément la perspective d’un allègement de la dette grecque.

Sur le front social, la menace d’un nouveau tour de vis austéritaire suscite toujours des remous. Mercredi 9 Mars 2016, des manifestants ont brièvement occupé les locaux de la représentation de la commission européenne, dans le centre d’Athènes, avant d’être évacués par la police.

Parmi eux, Panayotis Lafazanis, Costas Issychos et Dimitris Stratoulis, anciens poids lourds du gouvernement d'Alexis Tsipras, qui ont quitté Syriza l’été dernier pour fonder le parti Unité Populaire. Le même jour, plusieurs centaines de protestataires étaient rassemblés sous les fenêtres du parlement grec, à l’appel des syndicats, pour exiger le retrait du plan de réforme des retraites. « Cette réforme va réduire à néant les droits des travailleurs à la retraite et désorganiser davantage notre système de protection sociale. Elle prévoit de nouvelles coupes dans des pensions déjà réduites de quarante pour cent », s’indigne Adamidis Gogos, président du syndicat des travailleurs de DEI, l’entreprise publique d’électricité dont le troisième mémorandum exige la privatisation. Parmi les banderoles déployées sur la place Syntagma, celle-ci résume bien la nouvelle épreuve infligée au pays, « des barrières pour les réfugiés, un mémorandum d’austérité pour les grecs ».

Après le sommet du Lundi 7 Mars 2016, à Bruxelles, où l’Union Européenne a conclu avec la Turquie un marché de dupes dans l’espoir de repousser les demandeurs d’asile hors de ses frontières au mépris des conventions de Genève, le sort des réfugiés bloqués en Grèce n’échappe pas, en effet, aux cyniques calculs des créanciers. « Cette crise humanitaire pesant sur les épaules de la Grèce leur offre l’occasion de redoubler de férocité », remarque la journaliste Effi Yiannopoulou.

« En transformant le pays en immense hot spot où seraient parqués et triés les réfugiés, le quartet table sur une évolution de l’échiquier politique grec en faveur des conservateurs, voire de l’extrême droite. Mais rien n’est joué. Même si la situation est fragile, pour l’instant, c’est un profond élan de solidarité qui se manifeste ». Du coup d'état financier du mois de juillet 2015 aux naufrages dans la mer Égée, c’est l’idée même d’Europe qui n’en finit plus de se noyer.

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