INDIGNES ESPAGNOLS A PARIS

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Ils sont venus de Barcelone pour coacher les français

Les indignés espagnols débarquent dans le mouvement des Nuits Debout

par Robin d'Angelo

Vendredi 15 Avril 2016

Depuis le Jeudi 31 Mars 2016, des espagnols font la navette entre Paris et Barcelone pour participer au mouvement des Nuits Debout. Rodés au web-activisme lors du mouvement des indignés, ils donnent des conseils à leurs camarades français.

« C’est une véritable mine d’or ». Sur la place de la République à Paris, un petit groupe de militants du mouvement des Nuits Debout s’est formé autour d’Hector. Emmitouflé dans son écharpe bordeaux, l’activiste espagnol fait défiler sur son smartphone la liste de ses contacts militants à travers le monde. Cent, deux cent, trois cent, cinq cent, mille, le répertoire d’adresses électroniques, classées pays par pays, est inépuisable. Il tombe à pic alors que le mouvement des Nuits Debout prépare une journée de mobilisation internationale pour le Dimanche 15 Mai 2016. « Avec cela, nous allons préparer une liste de diffusion massive », s’enthousiasme un activiste français.

Spanish connexion

Hector est arrivé le Samedi 9 Avril 2016 à Paris. Dans ses bagages, il y a ses conseils, acquis des mobilisations précédentes. Ce trentenaire au crâne chauve est un militant aguerri. En 2011, il faisait partie des équipes qui ont coordonné la marche des indignés entre Madrid et Bruxelles.

Hector a aussi côtoyé les zapatistes au Chiapas, il a participé à « l'autre campagne », une mobilisation organisée par le sous-commandant Marcos pour hacker les élections présidentielles mexicaines de 2005.

Sur Telegram, la messagerie instantanée utilisée par les deboutistes, un groupe de discussion regroupe les hispanophones. Ils sont presque trois cent à l’avoir rejoint. « Le mouvement des Nuits Debout a été trending topic sur twitter à Madrid et à Barcelone dès le premier soir de mobilisation », commente Noémie, une des occupantes qui gère la page facebook du mouvement. Depuis le Jeudi 31 Mars 2016, elle a déjà hébergé quatre militants espagnols dans son appartement qu’elle a transformé en auberge de jeunesse. La trentenaire estime à une vingtaine le nombre d'indignados qui font des allers et des retours entre la France et l’Espagne pour participer au mouvement des Nuits Debout.

Des professionnels de l'activisme

Vendredi 15 Avril 2016 dans le salon de Noémie, une réunion a été organisée pour préparer le Dimanche Premier Mai 2016 du mouvement des Nuits Debout. Autour des croissants et des thermos de café, des activistes français comme Baki Youssoufou, fondateur du site de pétition en ligne www.wesign.it, ou Benjamin Ball, l’hyper-militant que www.streetpress.com vous a déjà présenté.

Les espagnols en plein travail

Hector est installé dans un fauteuil club, son ordinateur sur les genoux. Il est rejoint au saut du lit par Toret. Ce catalan à bouclettes de trente huit ans est un activiste de haut vol. Il a codirigé avec succès la stratégie sur le web d’Ada Colau, la maire de Barcelone, lors de la campagne des élections municipales de 2015.

Toret est également chercheur à l’université ouverte de Catalogne où il dirige un laboratoire qui travaille sur le rôle des réseaux sociaux dans les mobilisations politiques. Un travail qui l’a fait voyager à Hong-Kong pour la « révolution des parapluies » ou à Rio de Janeiro lors des manifestations contre la coupe du monde de football. « Le mouvement des Nuits Debout, c’est incroyable », jure-t-il. « C’est très proche de ce qui s’est passé à Madrid, avec le mouvement du 15 mai 2011 ».

Un Media Center made in spain

Quelques jours avant le Jeudi 31 Mars 2016, Emma était déjà au courant que la place de la République allait être occupée. Militante dans le mouvement des indignés, cette espagnole s’est constitué un solide réseau à Paris, lors d’un séjour prolongé en 2012. Parmi ses contacts, des activistes d’Alternatiba, un collectif français mobilisé pendant la conférence climatique, la mettent dans la confidence qu’une occupation se prépare en marge des manifestations contre la loi travail. Dès la fin du mois de mars 2016, la jeune femme de trente six ans déboule place de la République.

Depuis, elle multiplie les voyages entre Paris et Barcelone, où elle gère une Organisation Non Gouvernementale (ONG), la plateforme citoyenne pour un audit de la dette.

Grosses chaussures de randonnée et vêtements passe-partout, elle a impulsé le Media Center du mouvement des Nuits Debout. Jeudi 14 Avril 2016, un petit groupe de manifestants se réunit autour d’elle pour une formation au web-activisme dans un café de la place de la République. A ses côtés, Toret est venu présenter Flocker, un module créé par son laboratoire de recherche qui permet de cibler les hashtags et les influenceurs les plus efficaces sur twitter. Plus loin, Hector est en train de créer le compte App Gree du mouvement des Nuits Debout. Cette application permet de réaliser des votes en temps réel au sein d’une communauté virtuelle. « Si nous avions eu cet outil au moment du mouvement des indignés, nous aurions beaucoup mieux réussi », regrette-t-il. Emma, elle, est amère vis-à-vis de Podemos, le parti politique créé dans le sillage du mouvement des indignés, « ce sont des politilogues venus de l’université qui ont vu une ouverture après le mouvement du 15 mai 2011 ».

Lundi 18 Avril 2016, elle repartira à Barcelone. Mais elle promet déjà de revenir à Paris, au début du mois de mai 2016.