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8 mai 2017 1 08 /05 /mai /2017 19:58

 

Emmanuel Macron rassure l'Europe mais n'aura pas d'état de grâce (Reuters)

 

L'élection d'Emmanuel Macron à la présidence française rassure l'Europe en donnant un coup d'arrêt à la montée du populisme, mais le plus jeune président de la cinquième république sait qu'il ne pourra pas miser sur un état de grâce dans le pays.

C'est le paradoxe d'un scrutin qui fait de l’ancien ministre de l’économie un des chefs d’état français les mieux élus, un an après la création du Mouvement En Marche, mais dont le score, plus de soixante cinq pour cent des voix, est en partie en trompe l'oeil.

« Vu de l'étranger, c'est excellent parce que cela rajeunit le pays, qui en avait besoin, et cela envoie un signal extrêmement fort en Europe, sur l'équilibre de la construction européenne », estime le constitutionnaliste Philippe Cossalter.

Le porte-parole d'Angela Merkel a félicité Emmanuel Macron dans les minutes qui ont suivi l'annonce de sa victoire, « une victoire pour une Europe unie et forte et pour l'amitié franco-allemande », a-t-il écrit dans un tweet.

L'euro a franchi Dimanche 7 Mai 2017 le seuil de 1,10 dollar pour la première fois depuis l'élection de Donald Trump.

Il n'en reste pas moins que plus de dix millions d'électeurs ont voté pour Marine Le Pen, le meilleur score du Front National, près de deux fois plus que son père, Jean-Marie Le Pen, face à Jacques Chirac en 2002. Quelque onze millions d'autres électeurs se sont abstenus et quatre millions ont voté blanc ou nul.

Emmanuel Macron va devoir présider un pays qui a voté au premier tour à près de cinquante pour cent pour des candidats anti-européens et antilibéraux et dont une partie des électeurs du second tour ont voté pour lui par rejet du Front National plus que par adhésion.

Tout sauf un blanc-seing, comme l'a reconnu lui-même après sa victoire Emmanuel Macron, qui a promis de ne pas refaire l'erreur de Jacques Chirac en 2002, présider avec une majorité et un gouvernement limités à sa famille politique.

« Je ne ferai pas comme si rien ne s'était passé », jurait il y a quelques jours le successeur de François Hollande, qui a fait du renouvellement politique son image de marque.

Sa première tâche sera la constitution d'un gouvernement faisant appel à des femmes et à des hommes expérimentés sans dénaturer son projet.

Mais son premier vrai défi sera de convertir sa victoire en majorité, lors des élections législatives du Dimanche 11 Juin et du Dimanche 18 Juin 2017, avec les candidats de la République en Marche.

« Emmanuel Macron revendique une majorité de plein exercice. C'est notre objectif », confie le député Christophe Castaner, un soutien de la première heure, qui n'exclut cependant pas une majorité relative.

S'il ne paraît pas hors d'atteinte, cet objectif reste un pari, à en juger par les premiers sondages sur les élections législatives.

Selon une enquête Harris Inter Active M6 publiée Dimanche 7 Mai 2017, l'alliance du Mouvement En Marche et du Mouvement Démocrate recueillerait vingt six pour cent des voix, devant la coalition des Républicains et de l’Union des Démocrates et des Indépendants (UDI) avec vingt deux pour cent des voix, le Front National avec vingt deux pour cent des voix et le Mouvement de la France Insoumise (MFI) avec treize pour cent des voix.

« Je n'aurai pas d'état de grâce », admettait Emmanuel Macron deux jours avant le verdict des urnes.

« C'est pour cela qu'il faut aller vite », complète Christophe Castaner, « y compris en assumant l'impopularité d'outils comme les ordonnances. Il n'est pas question que nous mettions deux ans pour être efficace sur les politiques en faveur de l'emploi ».

Le nouveau chef de l’état entend ainsi dès cet été lancer une réforme par ordonnances du marché du travail, qui fait déjà grincer les dents des syndicats, en particulier la Confédération Générale du Travail (CGT) et la CGT Force Ouvrière, ainsi que des mesures de simplification des relations avec l'administration, dont un droit à l'erreur en matière fiscale.

« Nous pouvons nous attendre à une mobilisation syndicale et populaire extrêmement forte » contre la réforme du marché du travail, estime l'économiste Nicolas Bouzou.

« Nous sous estimons complètement le fractionnement du pays. Une très grande partie de la population déteste Emmanuel Macron et ce qu'il représente et il faudra quand même réformer pour eux », ajoute le directeur du cabinet d'études Asteres. « Il va falloir une seule chose pour que cela marche, tenir ».

Pour Emmanuel Macron, l'enjeu n'est pas seulement d'obtenir des résultats rapidement en France, il est aussi de convaincre ses partenaires européens que la France a bien changé d'époque.

Ces réformes, ainsi que celles de l'assurance chômage et de la formation professionnelle, qui suivront, et le plan quinquennal de finances publiques que le gouvernement présentera à l'automne avec un effort de soixante milliards d'euros sur cinq ans, « sont la condition de notre crédibilité sur le plan européen », expliquait-il pendant la campagne.

Pour l'économiste Ludovic Subran, la voix de la France peut de nouveau être entendue en Europe si Emmanuel Macron joue à la fois sur les craintes des européens, après la poussée populiste de ces dernières années, et le retour d'une France plus forte.

« Il peut faire changer les choses de l'intérieur de l'Union Européenne », ajoute cet analyste d'Euler Hermes, « nous pouvons très vite enclencher une dynamique positive ».

Celui qui fut le plus européen des candidats à cette élection a un programme ambitieux en matière de réformes européennes, avec notamment l'instauration d'un budget de la zone euro, des mesures anti-dumping et d'harmonisation fiscale ou un renforcement des capacités de la défense européenne.

Pour ces sujets européens, les discussions devront cependant attendre les élections allemandes du 24 septembre 2017, dit-on dans son entourage, « ce qui n'interdit pas de formuler des idées ».

En attendant, Emmanuel Macron n'aura guère le temps de souffler sur le front international. Il enchaînera dès les prochain jours un voyage auprès des forces françaises en opération extérieure, une visite à Angela Merkel à Berlin, un sommet de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à Bruxelles le 25 mai 2017, un sommet du G7 le 26 mai et le 27 mai 2017 à Taormina en Italie, un conseil européen le 22 juin et le 23 juin 2017 et un sommet du G20 le 7 juillet et le 8 juillet 2017 à Hambourg.

Entretemps, la commission européenne publiera le 11 mai 2017 ses prévisions économiques de printemps et le 17 mai 2017 l'évaluation du déficit public français. De quoi éclairer Emmanuel Macron sur ses marges de manoeuvre.

 

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