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21 juin 2017 3 21 /06 /juin /2017 18:57

 

L ETAT DE NOTRE URGENCE

 

Par Pierre Merejkowsky

 

Lundi 19 Juin 2017

 

Au début, j’ai accueilli avec un grand scepticisme l’occupation de la place de la République par le mouvement des Nuits Debout.

Comme d’autres, j’avais l’impression d’assister à une opération de communication destinée à amplifier la sortie nationale du film Merci Patron de François Ruffin qui ancrait le spectateur dans sa jouissance d’une lutte sociale par procuration orchestrée par un super héros réalisateur.

Ma vision de cette occupation fut bouleversée par un message qui m’invita quelques semaines plus tard à participer à l’occupation de la Cinémathèque Française.

Les syndicalistes, les militants encartés, les individus sans-partis et les cinéphiles présents échangèrent sans aucun ordre du jour une série de ressentis désordonnés qui abordèrent dans une même confrontation enthousiaste les conditions de travail d’une caissière abusivement licenciée, l’abandon manifeste de toute contestation de l’objet filmé par le cinéma d’auteur et le refus d’une conservation d’un patrimoine cinématographique commun fondé sur le seul plan comptable approuvé par les membres du conseil d’administration de la cinémathèque française qui, malgré leurs passés d’opposants radicaux aux valeurs du gaullisme, n’hésitèrent pas à faire appel aux Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS).

Cette intrusion inouïe des CRS dans un lieu dédié au cinéma n’ayant suscité aucune indignation des professionnels de la profession, ma quête d’une révolution sans révolutionnaire désigné, qui avait traversé la réalisation de mes quarante neuf films précédents, trouva immédiatement son prolongement dans le mouvement des Nuits Debout qui se développait sur les places de la république de notre territoire sans aucune directive d’un comité, en refusant ainsi toute forme d’avant-garde qui, au nom d’une efficacité d’une nécessaire lutte sociale, aurait nié toute singularité rejoignant ainsi l’imposture d'une consommation de masse fondée sur le concept du vivre ensemble. Cette analyse peut être naïve de ma part me conduisit à proposer la production d’un film qui, sur le modèle de Nuit Debout, remettrait en cause le poste de commandement d’un film, c'est-à-dire, dans le cas présent, la fonction de l’auteur réalisateur démiurge et omniscient.

J’ai commencé à faire circuler une brochure reliée par une ficelle ayant pour titre « l’état de notre urgence, un acte collectif cinématographique désintéressé initié par Pierre Merejkowsky ».

Le groupe de réalisation qui se constitua autour de ce projet réalisa cinq vidéos d’appel à un financement participatif.

Il ne s’agissait pas dans notre esprit de collecter uniquement des fonds sur la plateforme Ulule pour financer la réalisation d’un film, mais bien de créer une zone temporaire d’intervention qui serait une intersection entre le coût de production d’un film et une libre expression collective.

Les souscripteurs de « l’état de notre urgence » réunis en assemblée générale auront en effet l’entière liberté de monter et de diffuser, par tous les vecteurs de leurs choix, leurs propres visions, films, commentaires, votes et non votes, du tournage en continu des douze épisodes du web feuilleton de CC et AA, un couple révolutionnaire sexuel poélitique.

Ce mouvement ainsi initié sera un mouvement permanent.

L'assemblée générale des souscripteurs et le tournage des douze épisodes du web feuilleton forment un front uni contre une démagogie populiste.

La réalité économique s’implique dans le champ d’une prophétie séduisante et elle écarte ainsi de son champ d'action toutes les formes des différents narcissismes qui récupèrent pour leur seul profit la promesse d’une mutation révolutionnaire.

Sept cents euros furent collectés.

La Galerie Dubuisson hébergea le temps d'une soirée une présentation publique du projet « l’état de notre urgence ».

Le groupe de production se livra en accord avec moi même à une violente attaque contre ma fonction d’artiste soumis à sa seule auto promotion.

Et j’écrivis la continuité dialoguée, commentaire, vision, réappropriation de cette première assemblée générale des souscripteurs de « l'état de notre urgence » qui fut diffusée en direct sur Youtube.

 

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