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17 juin 2017 6 17 /06 /juin /2017 14:56

 

https://tendanceclaire.org/article.php?id=1217

 

Rencontre nationale du Samedi 10 Juin 2017 du Front Social

 

Près de cinq cent personnes se sont réunies Samedi 10 Juin 2017 pour la rencontre nationale du Front Social. D’après le recensement, le Front Social compte vingt trois regroupements locaux à la date de la rencontre nationale. Treize d’entre eux étaient présents. Cent deux structures ont rejoints officiellement le Front Social, parmi elles soixante dix neuf structures syndicales, principalement des Syndicats Unitaires et Démocratiques (SUD), et vingt trois associations. Des représentants de quarante structures observatrices non encore signataires sont venus à cette journée organisée dans l’annexe de la Bourse du Travail de Paris, rue du Temple à côté de la place de la République, dans la salle Hénaff. Sur une toile blanche est projetée en boucle tout au long de la journée des photographies de militants et de manifestations.

 

Une exigence de la situation

 

C’est un constat partagé largement dans les couches militantes, les ordonnances d'Emmanuel Macron contre le code du travail s’annoncent comme une attaque majeure sans précédent et, pourtant, le sentiment d’impuissance et d’incapacité à la mobilisation est plus que jamais présent. Et tout cela a parfaitement été analysé au cours d’un certain nombre d’interventions qui ont eu lieu au cours du débat du matin, centré spécifiquement sur les ordonnances d'Emmanuel Macron, ce qu’elles sont et comment y résister. Les directions syndicales participent aux discussions. Elles n’informent pas particulièrement leurs syndiqués. Ne parlons même pas de critique ou d’opposition. Le Front Social est une réponse à cette impuissance. Il permet de mettre en lien des militants et des équipes combatives, syndicalistes ou associatives, qui refusent en bloc les projets du gouvernement d'Emmanuel Macron. On ne peut que se montrer enthousiaste de trouver un tel regroupement à la fois unitaire et combative.

Quoiqu’un nombre trop important d’interventions se soient montrées soit trop autocentrées sur les causes des intervenants, soit cédant à une facilité incantatoire à la lutte, à la grève, voire à la grève générale, un certain nombre de questions à l’intérêt tant de la construction du front que de la construction d’un mouvement social que de problématiques tactiques ont été posées. Les méthodes et les pratiques de luttes semblent assez homogènes dans l’assistance, l’élément qualitatif est là, mais la problématique de la croissance quantitative du mouvement a finalement été trop peu abordée. Comme nous l’avons dit, l’intérêt du Front Social est là, il est l’instrument de lutte dont peuvent se saisir tout un tas de militants isolés et il prend cette place dans le cadre où les confédérations syndicales ne jouent pas ce rôle de cohésion, d’appartenance, de perspectives et de possibilités de défense sociale.

Plusieurs interventions ont souligné que personne, pas même Philippe Martinez, n’était en mesure d’appuyer sur un bouton pour mettre tout le monde dans la rue. Néanmoins le sentiment partagé était que les luttes isolées qui existent aujourd’hui seraient nettement plus fortes si le travail de coordination était fait. A notre avis les animateurs de la rencontre ont cependant tendance à exagérer la combativité actuelle, comme le fait le site de Jacques Chastaing, « les luttes invisibles », pour qui il « n’y avait jamais eu autant de jours de grève ». Les relevés effectués depuis le début des années 1970 indiquent à l’inverse une baisse constante et l’arrivée à un niveau minimum depuis 2010. La version initiale du manifeste distribué lors de la rencontre est aussi trop triomphaliste lorsqu’il est dit que « le début d’extension nationale du Front Social et l’écho qu’il rencontre montrent que l’inertie, les fausses négociations et la parodie de concertation ont fait long feu ». Il ne fait aucun doute qu’il y a un large rejet d'Emmanuel Macron parmi les travailleurs, historique pour un nouveau président. Mais pour l’instant, l’essentiel de cette colère ne s’exprime pas par une combativité syndicale.

Mais le créneau existe et peut servir à définir ce qu’est le Front Social, son rôle, ses objectifs et ce qu’il défend. Et à partir de là des questions se posent. Le Front Social est-il un substitut aux syndicats ? Cherche-t-il juste à agglomérer des militants et des équipes combatives ou également à défendre dans chaque strate de la hiérarchie syndicale des perspectives de luttes ? Se donne-t-il les moyens d’intervenir dans les confédérations pour faire stopper le dialogue social des dirigeants ? Interpelle-t-il les directions ? Se contente-t-il de les dénoncer de l’extérieur ou pas ?

Des questions pratiques aux implications immédiates et qui déterminent déjà une fiche d’identité de ces camarades qu’on peut déjà définir comme des militants de lutte de classes, prônant l’indépendance de classe et allergiques à la logique du dialogue social.

Nous avons particulièrement apprécié l'intervention du dirigeant du syndicat de l'information et de la communication de la Confédération Générale du Travail (CGT) qui a énoncé en termes clairs la fonction que devrait avoir le Front Social selon lui. Il ne doit pas être un substitut aux confédérations, cherchant à développer la mobilisation en ignorant les confédérations, car il n'en a pas la base sociale. Il doit mener des actions tout en cherchant à s'appuyer sur ces actions pour mener le combat à l'intérieur des confédérations pour les forcer à aller plus loin que leur intention initiale. Des camarades de la CGT du Rhône ont par ailleurs insisté à juste titre sur la nécessité de mener la bataille pour imposer la rupture du dialogue social aux directions syndicales.

Des questions tactiques sur le calendrier ou l’avancement de certaines revendications sont demeurées sans réponse à la fin de la journée. La journée du Lundi 19 Juin 2017 est clairement appelée contre les ordonnances d'Emmanuel Macron et elle tente d’avoir une envergure nationale en fonction de l’implantation locale acquise par les émanations locales du Front Social. D’autres dates, en rapport avec la préparation et présentation de la loi d’habilitation pour les ordonnances, ont été évoquées pour la fin du mois de juin 2017. Des discussions ont aussi eu lieu sur la forme antidémocratique des ordonnances qui ne doit pas remplacer la dénonciation du fond. Le projet d'Emmanuel Macron serait tout aussi détestable par la voie législative ordinaire. Mais d’autres ont souligné que l’on pouvait gagner du temps pour convaincre si le gouvernement se sentait obliger de revenir vers la voie parlementaire ordinaire. Tout cela se discute et il y a des jours identifiés dans le calendrier concernant les étapes de passage de la loi d’habilitation qui pourrait faire office de mobilisation de front unique plus large en mettant en avant spécifiquement cette question sans pour autant taire notre refus complet des attaques en cours.

 

Un manifeste de quoi et pour qui ?

 

L’après midi s’est centré sur la discussion autour d’un manifeste élaboré par l’équipe d’animation du Front Social, consistant en une présentation et une définition du Front Social. Les problématiques, bien qu’irrésolues, furent vite oubliées et nous sommes passés d’un débat du matin assez pertinent à un débat beaucoup trop hors-sol. Cela était dû principalement à un défilé d’interventions de certains militants d’extrême gauche faisant comme si l’enjeu de la rencontre nationale était de discuter d’un programme politique révolutionnaire. C’était bien sûr logique que des militants politiques viennent défendre certains traits de leurs conceptions et de leurs orientations. Nous pensons par exemple que les révolutionnaires ont un rôle à jouer en rappelant l’importance de l’auto-organisation et de la lutte contre le bureaucratisme. Mais le débat sur les revendications à intégrer au manifeste a clairement montré que certains n’ont pas saisi l’importance d’une démarche de front unique qui s’étende au-delà de l’extrême gauche. Non seulement certaines discussions étaient trop avancées par rapport à cet objectif, mais elles viraient parfois à l’argutie, êtes vous par exemple plutôt pour l'expropriation ou pour l'appropriation des moyens de production ? D’autres interventions, tout en restant davantage dans le champ syndical, avaient tendance à vouloir multiplier les revendications particulières liées aux terrains d’activités des unes et des autres. Or, une plateforme de lutte exhaustive est trop ambitieuse pour ce qui encore un modeste regroupement qui tente en priorité de diffuser quelques axes susceptibles d’amorcer la lutte contre ce gouvernement et ses ordonnances.

Une situation qui a régulièrement conduit les animateurs de la rencontre, à chaque début de leurs propres interventions, à recentrer les débats et à rappeler les termes et les objectifs de l’écriture d’un tel texte qu’ils voyaient comme un document à diffuser largement et accessible aux travailleuses et aux travailleurs.

Le manifeste n’a pas été adopté. Une nouvelle version sera envoyé ultérieurement prenant en compte des éléments de débats.

 

Quel fonctionnement pour le Front Social ?

 

La dernière partie a été trop courte car du retard avait été accumulé au cours de la journée. Plusieurs interventions ont insisté sur la nécessité de démocratiser le fonctionnement interne du Front Social qui devrait fonctionner sur la base du vote et du mandatement. Il n'est pas normal que le collectif national d'animation ne soit pas élu et soit constitué par les membres fondateurs. Cette réunion nationale aurait pu permettre l'élection d'un collectif national élargi, mais cette question a été renvoyée à plus tard, au nom du fait que la priorité était de construire des collectifs locaux. Mais les deux ne s'opposent pas et il faut que les groupes qui ont eu l'immense mérite de lancer le Front Social prennent le risque de perdre le contrôle.

Par ailleurs, comme l’ont souligné plusieurs camarades, la tribune était entièrement blanche et masculine. Peu d’interventions ont fait le lien entre la lutte de classe et les luttes contre les oppressions spécifiques.

Même si Michaël Wamen a parlé dans son introduction de la scandaleuse garde à vue d’Amal Bentounsi du collectif Urgence Notre Police Assassine (UNPA), ce point de jonction avec les quartiers populaire peine à se concrétiser et passe très vite au second plan.

D’autre part, certaines expressions virilistes ou homophobes montrent l’importance du féminisme et des luttes LGBTI. Nous n’avons pas besoin de traiter les patrons d’enculés pour exprimer notre combativité.

Le Front Social a ses limites, liées notamment à l’état actuel de ses forces, mais nous n’avons pas à l’heure actuelle d’autre point d’appui pour amorcer la nécessaire mobilisation contre Emmanuel Macron. Nous devons porter la discussion dans nos structures syndicales, essayer de les faire rejoindre le Front Social, impulser la création de fronts sociaux locaux et développer la mobilisation et la pression contre les directions syndicales pour qu'elles rompent le dialogue social et pour qu'elles proposent un plan de mobilisation.

 

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