Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 juillet 2017 7 16 /07 /juillet /2017 18:00

 

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article41533

 

Ensemble et le Mouvement de la France Insoumise (MFI), de quelques inquiétudes et des moyens de les lever

 

Par Francis Sitel

 

Vendredi 14 Juillet 2017

 

Les échanges, écrits et oraux, des derniers jours paraissent confirmer les raisons des inquiétudes qui existent pour Ensemble, mais aussi les possibilités de surmonter celles-ci.

Inquiétude que des choix de portée stratégique soient opérés en fonction de considérations tactiques.

Beaucoup d’arguments échangés dans le débat actuel sont de nature tactique, autour de la question des investissements militants, et d’autres sont d’ordre stratégique, dès lors qu’on évoque un changement d’époque, ou qu’on juge obsolètes les questions de l’unité, ou de l’organisation sous forme de parti.

Si le débat sur ces deux ordres de problèmes est utile, le danger est de prendre des décisions stratégiques au nom d’arguments tactiques. Rappelons ce sur quoi nous serons nécessairement d’accord. D’abord qu’une réflexion stratégique ne peut être bornée à un cadre purement français, il faut prendre en compte que nous sommes confrontés à plusieurs ondes de choc internationales, état du capitalisme, dérèglement climatique et plus généralement crise écologique, signification de l’élection de Donald Trump, signification du Brexit pour l’Union Européenne et déstabilisation du Moyen-Orient avec ses effets, guerre, terrorisme et mouvement de population. Ensuite que cette réflexion ne saurait être surdéterminée par les résultats d’une séquence électorale, certes fort importante, mais aussi très spécifique, du fait des logiques de type bonapartiste qui l’ont dominée.

Tous considérants qui invitent à prendre le temps et à se donner les moyens d’approfondir nos analyses en prenant en compte ces données dans toute leur ampleur et complexité.

Inquiétude de voir que les appels à rejoindre le MFI ne s’accompagnent guère d’analyses un peu travaillées sur les raisons du succès de ce mouvement et même de ce qu’est actuellement ce même mouvement dans sa diversité, dans ses forces et dans ses faiblesses.

Ne faut-il pas prendre en considération ce qu’on pourrait pointer comme une double nature du MFI ?

D’une part, le MFI a été le vecteur de la campagne de Jean Luc Mélenchon et, à ce titre, il a cristallisé une puissante mobilisation de gauche, permise par les axes sociaux et écologistes développés par le candidat et forte dans les villes populaires et dans la jeunesse, et il a capté une part de la puissante volonté qui s’est manifestée au cours de cette campagne de rejet du Parti Socialiste et de renouvellement de tout le personnel politique ainsi que des formes du débat et d’engagement politique. D’où la force du vote en faveur de Jean Luc Mélenchon et la place prise par le MFI.

D’autre part, le MFI ne peut être totalement dissocié du projet politique au service duquel il a été constitué. Ce projet est d’abord présidentialiste, construit depuis 2012 avec l’objectif de gagner les élections présidentielles par la conquête de l’hégémonie sur la gauche.

De ce point de vue, le pari objectivement gagné, pour reprendre la formule d’Eric Coquerel, ce sont aussi les défaites et les crises additionnées du Parti Socialiste, du Parti Communiste Français (PCF), d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) et d’Ensemble. Et cela en fonction d’une orientation prenant ses distances avec la référence à la gauche pour développer un discours empreint de populisme, de nationalisme et d’autoritarisme.

Le paradoxe, permis par la prégnance des logiques bonapartistes lors de cette campagne, est que le succès électoral de Jean Luc Mélenchon, et à un moindre degré celui du MFI lors des élections législatives, a été rendu possible par un audacieux équilibre entre la mobilisation de la gauche plutôt anti sociale libérale que radicale et une orientation marquée de populisme, d’où l’invention dudit populisme de gauche.

Au sortir de la séquence, il y a un fait incontestable. Le MFI représente un capital politique important, sur le plan militant, matériel et symbolique, mais cristallisé autour de la figure de Jean Luc Mélenchon.

D’où une inconnue quant au devenir possible du MFI en tant que mouvement politique. Des tensions sont prévisibles dès lors que le MFI est appelé à muter de mouvement ayant porté la campagne de Jean Luc Mélenchon au premier tour des élections présidentielles, puis sous le patronage de ce dernier celle des candidats pour les élections législatives, en mouvement politique pérenne appelé à se définir par rapport à la gauche.

Nous pouvons penser que le MFI est appelé à devenir une composante de la gauche en cours de redéfinition. Mais tant que cette décantation n’est pas réalisée, il est trop rapide de décréter que le MFI a d’ores et déjà gagné l’hégémonie sur la gauche. Alors qu’on ne sait pas ce qu’est appelée à devenir cette gauche, qui restera nécessairement diverse, ni même si le MFI ambitionnera une telle hégémonie définie par rapport à la gauche.

Il serait raisonnable à cette étape de considérer que le MFI présente un grand intérêt et une importance décisive pour toute perspective de recomposition à gauche et pour tout projet de construction d’une force de transformation sociale, écologique et démocratique.

Un tel jugement, qui peut être largement partagé, suffit pour reconnaître l’importance de l’intervention des militants qui sont investis dans le MFI et pour chercher à préciser de quelle manière Ensemble se doit d’intervenir positivement en direction du MFI.

En revanche, moins raisonnable est l’agitation consistant à dire qu'il faut qu’Ensemble intègre le MFI. En effet un tel mot d’ordre peut renvoyer à des options très différentes. Il y a la dissolution d’Ensemble dans le MFI. Il y a le projet d’un investissement militant dans le MFI pour y constituer un courant anticapitaliste sur le modèle d’Anticapitalistas au sein de Podemos, sans préciser si l’on songe à une telle entrée comme négociée avec le MFI ou résultant de la somme d’insertions individuelles. Il y a un investissement de type entriste, avec la volonté de défendre au sein du MFI des méthodes de fonctionnement démocratique et le pluralisme politique. Il y a plus prudemment la volonté d’engager avec le MFI un débat sur ce que pourrait être un mouvement effectivement pluraliste et démocratique.

Le moyen de lever les inquiétudes est de prendre le temps de clarifier entre ces diverses options et de s’intéresser au devenir réel du MFI.

Inquiétude quant à une possible inversion des normes de notre militantisme.

Soit on considère comme décisive l’existence d’Ensemble, comme mouvement politique, avec ses capacités, certes limitées mais non négligeables, d’élaboration, de débat et d’action, pour envisager quelles interventions possibles en direction du MFI. Soit on inverse les termes du problème, en posant l’impératif d’intégrer le MFI, en fonction duquel on envisage à quoi peut éventuellement servir Ensemble et ce que pourrait être son devenir.

Il semble que cette seconde approche lorsqu’elle est défendue soit justifiée moins par les qualités du MFI que par les défauts d’Ensemble. Certaines réflexions actuelles sont dominées par un dénigrement, voire un ressentiment à l’égard d’Ensemble. Cela renvoie aux difficultés auxquelles Ensemble a été confronté tout au long de sa courte existence. Mais aussi à un phénomène qu’il convient d’aborder de front, le sentiment qu’Ensemble aurait fait la démonstration de son inutilité.

Cette question demande à être débattue clairement et sérieusement. Elle résulte d’un état de fait au sortir de cette incroyable campagne électorale. Ensemble a soutenu la candidature de Jean Luc Mélenchon, mais en a tiré moins de bénéfices que de divisions aggravées en son sein et des frustrations. Est-ce de la faute d’Ensemble, ou d’une partie d’Ensemble, celle qui aurait traîné des pieds, qui aurait manqué d’enthousiasme ? Certains camarades le pensent.

Pourtant, les désaccords très profonds qui existent au sein d’Ensemble à propos des positions défendues par Jean Luc Mélenchon n’ont pas empêché Ensemble en tant que mouvement de soutenir sa candidature, de proposer qu’un cadre pluraliste soit mis sur pied et qu’une campagne commune soit menée. Jean Luc Mélenchon ne voulait pas de cela. On peut penser qu’il a eu tort, mais on ne saurait relativiser ni la cohérence ni la détermination de ses choix, tout centrer sur lui et affirmer l’hégémonie du MFI. Il est clair qu’au terme de sa campagne il ne s’interroge pas pour savoir où étaient les six cent cinquante mille voix qui pense-t-il lui ont fait défaut, mais considère que les sept millions de voix obtenues confortent la validité du choix qu’il a fait.

Une explication honnête et sérieuse est également nécessaire quant à ce qu’a été l’expérience du Front De Gauche (FDG) et à propos du bilan d’Ensemble. Cela en vue de clarifier quelques questions, sans obligation de tomber d’accord au terme de l’échange.

Quelles étaient les attentes des uns et des autres par rapport au FDG et pour Ensemble ?

Quelles explications apportons-nous à l’échec du FDG ? Ainsi qu’à propos des limites qui sont celles d’Ensemble ?

Des désaccords existent entre nous, mais il convient de les formuler, et non les laisser à l’état de non-dits, justifiant des faits accomplis et des choix non débattus.

Cette fois encore cette réflexion n’a pas à être surdéterminée par les seuls choix d’ordre électoral faits au cours de la dernière période.

Le projet fondateur d’Ensemble est d’une tout autre portée, en termes de défense de thèmes sociaux, démocratiques, écologistes, féministes et internationalistes. Ensemble a-t-il démérité de ce point de vue ? Quant à la perspective de constitution d’une force politique nouvelle répondant aux intérêts des exploités et des dominés, elle a subi des échecs, les conditions de sa défense ont incontestablement changé, discutons-en. En évitant les emballements pouvant conduire à une désagrégation non voulue du capital que porte Ensemble.

Partager cet article
Repost0

commentaires