LE MONDE | 06.06.08 | 11h35 • Mis à jour le 06.06.08 | 12h45
New York, correspondant
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"On m'a fait dire beaucoup de choses", a clamé Khaled Cheikh Mohammed, évoquant les propos partiellement rendus publics où il revendique avoir préparé "de A à Z" le 11-Septembre.
"Tout cela m'a été extorqué sous la torture, vous le savez très bien." L'armée américaine admet qu'il a été soumis à des séances de "waterboarding" (simulacre de noyade). A un
autre moment, il a déclaré : "Je ne peux pas mentionner la torture, je sais que c'est la ligne rouge." Plusieurs accusés ont évoqué les traitements "inhumains" auxquels ils
ont été soumis.
A quelques reprises, les journalistes ont été privés de leurs propos. Les médias sont en effet confinés dans une salle annexe, où l'audience est retransmise sur écrans avec 20 secondes de
retard, permettant au juge de couper le son et éventuellement l'image. Il l'a fait lorsque Ali Abdul Aziz Ali a évoqué sa détention, ou Ramzi Ben Al-Chaiba ses troubles mentaux. Les audiences
se tiennent en effet dans le cadre d'une justice militaire d'exception. Les avocats multiplient d'ailleurs les procédures pour en contester de multiples aspects et les conditions mêmes des
audiences. Ils jugent que les droits de la défense et son accès aux dossiers ne sont pas respectés.
Mercredi, dans le Wall Street Journal, le vice-amiral Mark Buzby, commandant du camp de mai 2007 à mai 2008, publiait un article titré : "Guantanamo est vraiment une prison
modèle". Un lieu qui, "contrairement à ce que dit l'opinion internationale, (…) rendrait fier tout Américain". Le même jour, le ministre de la justice, Michael Mukasey, assurait
que les procès de Guantanamo se mèneraient "selon les meilleures traditions du système légal américain". Il a justifié les procédures militaires d'exceptions, car "des situations
différentes exigent des solutions différentes". Au même moment, les militants de l'ONG Human Rights Watch manifestaient à l'extérieur pour que Khaled Cheikh Mohammed et ses coaccusés
soient jugés par un tribunal fédéral. A ce jour, ils n'ont pas été entendus.
L'avocat Eldon Greenberg, qui représente trois des 9 Syriens détenus à Guantanamo, attend avec anxiété la décision de la Cour suprême qui, le 30 juin, doit statuer si la loi sur les commissions
militaires, adoptées par le Congrès en octobre 2006, est constitutionnelle ou non. Si elle se prononce négativement, cela signifie, dit-il, "que les avocats de la grande majorité des
détenus, bénéficiant de l'habeas corpus, pourront se pourvoir devant des juridictions américaines usuelles". Qu'en serait-il alors des cinq accusés entendus jeudi? Normalement, la décision
des juges suprêmes ne devrait pas les concerner. Mais, la procédure étant extrêmement complexe, d'autres avocats estiment possible qu'un verdict d'inconstitutionnalité de la loi remette aussi
en cause la tenue de leur procès.
Depuis le début de la campagne électorale, ni les procédures en cours ni Guantanamo n'ont fait débat. Mais l'"image" de l'Amérique dans le monde est une réelle préoccupation pour une
partie de l'opinion.
A l'issue de la journée, le juge militaire a décidé de ne pas laisser aux accusés la possibilité de plaider coupable ou non coupable. Si la procédure suit son cours normalement, le procès
pourrait s'ouvrir vers le 15 septembre.