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18 septembre 2008 4 18 /09 /septembre /2008 20:15

Sémira Adamu rappelons-nous !

Il y a 10 ans, le 22 septembre 1998, mourrait Sémira Adamu, étouffée par un coussin maintenu sur son visage écrasé sur les genoux d'un gendarme lors de sa sixième et fatale tentative d'expulsion.

Jeune femme de 20 ans, elle avait fuit son pays, le Nigéria, pour échapper à un mariage forcé, coutume interdite en Belgique.  Elle s'était déjà réfugiée au Togo pour s'éloigner du sexagénaire dont elle aurait dû devenir la quatrième épouse.  Mais, arrivée en Belgique où elle demandait l'asile, celui-ci lui fut refusé.  Enfermée comme une coupable alors qu'il eut fallu la traiter comme une victime d'une violence subie en raison de sa condition de femme. 

Mais le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides a préféré ne pas la croire. 

La Convention de Genève, dans sa définition du "réfugié" ne prend pas en considération ce type de maltraitance des femmes.

Sémira dans sa lutte a été largement médiatisée et est rapidement devenue une figure emblématique.  Le cabinet du Ministre de l'Intérieur (Tobback) a voulu en faire un exemple et procéder absolument et le plus rapidement possible à un éloignement. Cinq tentatives avaient déjà eu lieu, lors de l'avant-dernière, le coussin avait déjà été utilisé. Pour l'ultime tentative 3 gendarmes bien préparés étaient prévus pour le vol, ils étaient entourés de 6 autres, dont un avec une caméra vidéo qui a filmé une grande partie du drame.  Il n'y avait ainsi pas moins de 9 gendarmes dans l'avion et 3 membres de la sécurité de la Sabena.

Sémira fut placée à l'arrière, les 6 gendarmes formaient écran autour d'elle.  Ses mains et pieds ligotés, elle a commencé à chanter à l'entrée des passagers.  Immédiatement les gendarmes lui ont mis le coussin devant la bouche, l'ont pliée en deux, lui poussant la figure dans le coussin sur les genoux d'un des gendarmes.  Après 10 à 15 minutes de maintient dans cette position et en se relayant tout en rigolant, les gendarmes se rendent compte qu'elle étouffait. A l'audience lors de son procès l'un des gendarmes raconte : " On ne voulait pas lui laisser la possibilité de se redresser sur son siège et de retrouver ses forces" (…)

"À un moment très important je l’ai entendu renifler ou haleter (snikken), j’ai cru qu’elle pleurait alors on a continué. (...)"

Le coma a été ensuite constaté.

Trois gendarmes ont été poursuivis, les faits ont été requalifiés en "coups et blessures involontaires" ce qui a permis à la justice de considérer les faits comme un "accident".  Un an avec sursis pour les 3 ex-gendarmes qui ont étouffé Sémira, leur supérieur : 14 mois.  NO COMMENT !

La commémoration ne revêt évidemment pas uniquement l'aspect "affectif" de la perte de Sémira.  Elle permet de se poser la question sur la situation aujourd'hui : l'usage du coussin n'est plus autorisé, mais les expulsions violentes continuent.  Les personnes sont littéralement ligotées, parfois traînées sur le tarmac, devant leurs enfants si nécessaire, maintenues avec force dans l'avion ….

Les expulsions se banalisent, les forces en présence se sentent de plus en plus à l'aise et invulnérables.  L'inhumanité n'est pas dénoncée, au contraire. Actuellement ce ne sont plus uniquement les comités de soutien qui sont accusés de porter la responsabilité ; même les citoyens qui se permettent simplement de manifester leur désapprobation dans l'avion sont malmenés et accusés.  Ils le sont tant par les services de sécurité des compagnies d'aviation que par les forces de l'ordre.

La SN Brussels va jusqu'à bannir lesdits passagers de ses vols !!

Et la situation générale des demandeurs d'asile n'est guère plus aisée, on le sait. 

A ce propos un parallèle peut être fait du traitement injuste du dossier de Sémira et celui de certains demandeurs d'asile actuellement. Ainsi, une demandeuse d'asile iranienne qui a fuit son pays en raison de maltraitance tant parce qu'issue d'un milieu d'opposition au régime iranien qui ne respecte pas les droits de l'Homme, mais également à cause de sa condition de femme se voit malgré tout refuser l'asile.  Ces critères ne semblent pas suffisants pour qu'elle puisse être accueillie dans notre pays. 

Mais quels sont alors les critères ?

Y en a-t-il ?  Ou sommes-nous dans le régime de l'arbitraire ?



septembre 2008
Geneviève Parfait

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