Le président Wade aurait demandé le rappel de l'ambassadeur de France
LE MONDE | 25.12.08 | 14h54 • Mis à jour le 25.12.08 | 19h34
Inquiet de la situation politique et financière du Sénégal, l'ambassadeur de France à Dakar, Jean-Christophe Rufin, aurait déconseillé à Paris d'accorder "une aide financière massive" sans
l'assortir d'"exigences très fermes" et de "l'ouverture d'un dialogue avec l'opposition". Cette appréciation, contenue dans deux télégrammes "confidentiel défense" datés du 3 octobre, serait
parvenue aux oreilles du président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui aurait demandé le rappel de l'ambassadeur, écrit le Canard Enchaîné dans son édition du mercredi 24 décembre. L'aide en question
a été accordée sans condition le 10 décembre sous la forme d'un prêt de 125 millions d'euros. L'Elysée a répondu qu'il n'avait "rien à dire à ce sujet". Le Quai d'Orsay et le Sénégal ont
démenti.
"Le président (sénégalais) multiplie les voyages planétaires (...) et lance des projets somptuaires tels que la statue géante construite actuellement par les Nord-Coréens, dans un inimitable
style Kim Il-sung, pour la somme de 14 milliards de francs CFA (21,3 millions d'euros), aurait écrit M. Rufin, selon l'hebdomadaire. Venir en aide au Sénégal sans lui demander de réformer
profondément son système politique reviendrait à fournir à un toxicomane la dose qu'il demande, mais qui le conduit un peu plus sûrement vers sa fin", aurait également écrit le diplomate. En
ajoutant : "Le président Wade et son fils (Karim, reçu à deux reprises par Nicolas Sarkozy) font sentir qu'ils disposent de canaux de communication privilégiés de nature "privée" avec le
président Sarkozy".
Jean-Christophe Rufin, médecin, écrivain à succès récemment entré à l'Académie française et proche de Bernard Kouchner a été nommé ambassadeur à Dakar en août 2007. A la mi-décembre, une remarque
ironique de M. Rufin avait fait polémique au Sénégal. L'ambassadeur, faisant référence aux "fuites" parues dans la presse sur le montant du prêt, avait déclaré : "Au Sénégal, il est très
difficile de garder des secrets. Tout le monde sait tout, ou tout le monde croit tout savoir, donc dit n'importe quoi." Une vice-présidente du Sénat avait demandé des "excuses publiques".
En janvier 2005, le président Wade avait demandé et obtenu le départ de l'ambassadeur de France à Dakar, Jean-Didier Roisin, jugé coupable de contacts avec Idrissa Seck, un premier ministre en
disgrâce.
Philippe Bernard (avec AFP)