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25 avril 2009 6 25 /04 /avril /2009 19:26


Notes de printemps

par Jacques Kirsner

www.socialisme-maintenant.org

Il fait soleil et la situation est passionnante pour qui tente de réfléchir sans a priori, sans formules toute faites. Répétons-le, pour l’essentiel la situation française est déterminée par la marche mondiale à la crise. Tant que dans un pays important le rapport des forces entre les classes n’aura pas été sérieusement ébranlé, les « traits nationaux » de la lutte des classes ne modifieront pas la situation internationale.

Pour l’heure le plan de relance chinois s’épuise et les différents plans pour stabiliser le système bancaire américain ne semblent guère porter leurs fruits. De l’avis général le G20 a accouché d’une souris. Surtout dans la plupart des grands pays la mobilisation sociale est inexistante (USA) ou très fragmentée (Chine-Japon). Certes, la bourgeoisie est inquiète parfois même effrayée par une crise qu’elle ne maîtrise absolument pas, mais de son côté la classe ouvrière s’avère pour l’instant incapable de résister avec un minimum de force, de cohérence, d’ampleur.
Sauf en France.

Il ne s’agit pas de crier cocorico, mais de constater, une fois encore, la spécificité française. Certes demain d’autres salariats rejoindront, dépasseront la lutte des classes en France, mais pour l’heure, la France est seule ; à certains égards, elle est isolée. Donc, depuis plusieurs mois salariés et jeunes combattent. Contre les réformes sarkozystes, contre le blocage des salaires, la montée du chômage, la liquidation -par centaines- des entreprises. Participation toujours plus massive aux journées d’action organisées par les confédérations pour freiner la mobilisation, la faire échouer et dans tous les cas l’encadrer pour en garder le contrôle. De sorte que, pour l’heure, les directions syndicales ne sont pas parvenues à briser la tendance à la mobilisation. Enfin, il y a l’essentiel, le mouvement spontané, auto-organisé. Les enseignants-chercheurs avec l’aide des étudiants mais sans participation massive ont
mené -mènent encore- une bataille remarquable contre Darcos et Pécresse. Ils ont obtenu des avancées significatives, les décrets ont été réécrits, malgré les fanfaronnades de Sarkozy, il a dû reculer et c’est, finalement le soutien des syndicats (FSU-FO-UNEF) qui une fois de plus a permis, pour l’heure d’éviter une débacle gouvernementale. De même, il faut apprécier, dans les écoles les refus de centaines d’enseignants, d’appliquer la loi…

Ce ne sont pas des méthodes habituelles de lutte du mouvement ouvrier, mais ce sont des luttes qui font sens, qui affirment, sélectionnent de nouvelles générations de combattants. A des degrés divers, qu’on ne peut généraliser, qui sont donc hétérogènes, les luttes se frottent, se heurtent à la politique des dirigeants syndicaux qui passent leur temps à « négocier » avec le MEDEF et N. Sarkozy.

C’est donc en ayant à l’esprit le dispositif d’ensemble qu’il faut aborder la flambée d’occupation et de séquestrations de cadres et dirigeants dans les usines. Rien n’est égal. Il faut solliciter la dialectique, « Il n’y a pas de mouvement sans matière, comme il n’y a pas de matière sans mouvement » (F. Engels). Il y a une progression de ces actions : elles ont toutes pour origine des plans de licenciements ou des fermetures d’usines. La plupart des grèves avec séquestrations réclament de meilleurs plans sociaux, pas la remise en cause des plans de licenciements ! Cet objectif pour l’instant semble inatteignable... Enfin nulle part -encore ?- une usine n’a séquestré ses dirigeants pour une longue période -la SNIAS à Nantes en 1968- permettant d’en faire un point de résistance régional, voire national.

Je ne cherche pas à minimiser ces actions mais à bien apprécier leur juste place. L’enthousiasme, le gauchisme verbal qui saluent ces formes d’actions sont ridicules ! Il faut raison garder. Si ces occupations ne s’élargissent pas, ne débouchent pas contre le MEDEF, Sarkozy, elle seront défaites. Ces mobilisations font partie d’un processus de maturation social et politique qui est en cours. Pour le réussir, ce ne sont pas les techniques de mobilisation qui comptent mais le contenu politique, l’objectif à atteindre pour vaincre.

De quoi s’agit-il ? Ces vagues mondiales de délocalisation, de désindustrialisation, ces millions de nouveaux chômeurs, ces dizaines, ces centaines de millions de nouveaux précaires sont à l’image de la crise écologique menaçant la planète, les pathologies d’un système à bout de souffle.

C’est d’abord cette question qu’il faut expliquer, illustrer. La crise actuelle du système capitaliste peut être surmontée par une société encore plus violente, inégalitaire, condamnant régions, nations à la pauvreté absolue ou, par l’organisation par les salariés, les chômeurs, d’une société par eux dirigée, mettant au cœur des actions et des préoccupations l’intérêt général et non pas celui d’une couche ultra privilégiée de propriétaires prédateurs. Cela peut se nommer socialisme. Chaque plan de licenciement, chaque « réforme » gouvernementale pose cette question.

Il faut mettre au cœur de la lutte les responsabilités du MEDEF et de N. Sarkozy. Hors de tels objectifs aucune chance de l’emporter, de les faire reculer.

Il est faux, vain, d’imaginer que l’aggravation de la crise augmentera inévitablement la résistance du salariat. Sans clarté, les salariés peuvent reculer, être gagné par la démoralisation, demain être sensibles aux discours fascistes sur la responsabilité de la crise.

A cet égard, la mobilisation chez Carterpillar est intéressante. Les grévistes commencent à comprendre qu’ils doivent contrôler leurs dirigeants, ici les délégués de la CGT. Ca c’est intéressant. Je ne généralise pas, je note simplement ici un progrès majeur. C’est dans un affrontement de ce type, contre le patronat, contre les appareils qu’une éventuelle victoire des salariés peut servir de tremplin à d’autres.

Bref, il faut cesser de mettre en avant une technique de lutte. Ni telle manif centrale contre les licenciements, ou même la grève générale ne règlera en soi quoi que ce soit. Organiser l’agitation politique contre le patronat, le système, la présidence de la république, c’est le seul moyen de donner une dimension aux combats particuliers, de fournir un objectif, d’articuler les revendications. Aider à comprendre c’est aider à agir.

Mais justement, qu’est-ce que l’auto-organisation ? C’est la prise en main par le « bas » des problèmes de la société, jusqu’en « haut ». C’est dans les luttes revendicatives que l’idée que les masses doivent diriger, gouverner peut se frayer un chemin. Qu’il s’agisse du POI, du NPA, de LO, ces organisations, hélas, évacuent la question centrale. Qui doit diriger la société. Comme si le catalogue revendicatif, la radicalité dans les formes d’actions, apportaient réponse à l’acuité de la crise capitaliste. Ou cette crise menace réellement l’humanité et alors il faut répondre sérieusement non pas par une politique syndicale -anarcho-syndicaliste ?- mais par une démarche révolutionnaire.

Le temps me manque mais je voulais développer ici la différence qui existe dans l’histoire du mouvement ouvrier, entre Marx et Lassalle sur la question de la démocratie, du « bas » (La Commune de Paris) par opposition à Lassalle et la conception étatique du combat politique pour le socialisme. Nous devons actualiser la démarche de Marx sur l’émancipation des travailleurs qui sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.

Quelques mots sur les événements majeurs de ces quelques semaines du point cde vue de la bourgeoisie.

Alain Minc est un affairiste. Il voit les uns et les autres. Les magnats du CAC 40 sont ses clients, presque des amis. Le 23 mars il publie dans Le Figaro une « Lettre ouverte à mes amis de la classe dirigeante ».

C’est un document politique de premier ordre. Certes, il ne dit pas tout ce qu’il pense de la situation, mais il dit l’essentiel. C’est une mise en garde à la bourgeoisie dans son ensemble. « Mesurez-vous que le pays a les nerfs à fleur de peau, que les citoyens ont le sentiment, fût-il erroné de subir une crise dont nous sommes tous à leurs yeux les fautifs ? Ignorez-vous que la quête de boucs émissaires est une constante de notre histoire et que 1789 se joue en 1788 ? »

Reprochant à ses amis leur « autisme », leur « inconscience », A. Minc signe là un document politique de premier ordre. Lui aussi fait référence à la spécificité politique française en prévoyant, dans un an une révolution ! Cela dit assez la crainte des milieux dirigeants. Les révolutionnaires devraient, sans sectarisme, réfléchir à la rédaction, à la destination des salariés et des jeunes d’une lettre de même nature posant comme une solution la question de la révolution !

Un mot encore. Il n’y a plus d’opposition institutionnelle à Sarkozy, hors François Bayrou.

Ainsi depuis plusieurs mois 24 parlementaires (députés et sénateurs) de droite, de gauche (emmenés par Emmanuelli, Chevènement et J.P. Braud) discutent, travaillent sur les problèmes de la crise économique ! Du jamais vu dans l’histoire politique française en dehors des gouvernement d’union nationale.

Naturellement la collaboration de classe s’est toujours menée, dans la discrétion, à la buvette de l’Assemblée. Finie cette époque. C’est au grand jour que majorité et opposition mettent en œuvre une élaboration commune. L’époque des fronts populaires est révolue. Reste l’union nationale.

23 avril






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