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24 novembre 2011 4 24 /11 /novembre /2011 18:40

 

Vous trouverez ci-dessous la première partie d’un très long message de Stathis Kouvélakis relatif à la démission de Papandréou en Grèce et à la formation du premier gouvernement d’union nationale de Papadémos. Je publierais ce message en trois parties distinctes. Le message est disponible en totalité si vous consultez le site ci-dessous.

Bernard Fischer

 

http://www.alencontre.org/laune/grece-coup-d%e2%80%99etat-europeen-face-au-soulevement-populaire.html

Coup d’Etat européen face au soulèvement populaire

Par Stathis Kouvélakis

 À l’heure où ces lignes sont écrites, Loukas Papadémos vient de former le nouveau gouvernement dit «d’entente nationale» appelé à succéder à celui du démissionnaire Georges Papandréou. Il a fallu plusieurs jours de tergiversations et d’âpres négociations entre le PASOK (social-démocrate), toujours majoritaire au Parlement, et la Nouvelle Démocratie (ND, opposition de droite), sans oublier le rôle particulièrement actif de l’extrême droite du LAOS [Rassemblement Populaire Orthodoxe], pour arriver à ce résultat.

Au final, un gouvernement dont les principaux portefeuilles économiques et sociaux restent aux mains du PASOK, la droite se cantonnant à deux ministères «régaliens» (Défense, Affaires étrangères). Un gouvernement également marqué par la participation de l’extrême-droite, pour la première fois depuis la chute du régime militaire (1974), qui se voit attribuer un ministère (Transports et Travaux publics) et trois secrétariats d’État.

Mais, bien plus que ces manœuvres politiciennes, ce sont les pressions des gouvernements allemands et français et de ce qu’on appelle les «marchés» qui ont permis d’aboutir à ce résultat. Ancien vice-président de la Banque Centrale Européenne (BCE), de 2002 à 2010, Papadémos, membre de la Commission Trilatérale, fut directeur de la Banque Centrale de Grèce entre 1994 et 2002 et, de ce fait, l’un des architectes de l’entrée de la Grèce dans l’euro, aux côtés de son mentor en politique, l’ancien Premier ministre social-démocrate «moderniste» Costas Simitis, le principal architecte du néolibéralisme en Grèce, considéré comme particulièrement proche des milieux d’affaires allemands.

Autant dire qu’avec ce nouveau Premier ministre, ce sont de façon quasiment directe les milieux financiers européens, et secondairement grecs, ainsi que les pays du directoire de l’Union Européenne (UE) qui gouvernent le pays, au mépris de tout mandat populaire, dans ce qui peut être considéré comme le premier «coup d’État blanc» conçu et mis en œuvre par cette même UE et les banquiers dont elle est le fondé de pouvoir. Les formulations de Marx à propos de la monarchie de Juillet, selon laquelle cette dernière est le «règne d’une fraction seulement de la bourgeoisie, l’aristocratie financière» et le régime tout entier une «société par actions pour l’exploitation de la richesse nationale» [1] retrouvent ainsi une nouvelle jeunesse. À ceci près que cette aristocratie financière est à présent essentiellement multinationale, et avant tout européenne, les spéculateurs et profiteurs d’aujourd’hui siégeant dans les conseils d’administration des banques (et institutions financières) allemandes, françaises et de la BCE [2].

Comment comprendre de façon plus profonde ce bouleversement spectaculaire du paysage politique, qui a vu en une dizaine de jours l’ex-Premier ministre Papandréou annoncer un référendum, se rétracter, gagner un vote de confiance au Parlement pour finalement démissionner et laisser la place à un gouvernement d’« entente nationale » aux ordres des financiers et de l’UE?

Précisons d’entrée de jeu ceci: contrairement à une impression largement répandue dans et par les médias internationaux, ce n’est pas l’annonce d’un référendum portant sur les décisions du sommet européen du 27 octobre 2011 qui a précipité les événements, mais la situation pré-insurrectionnelle dans laquelle la Grèce a plongé depuis les journées du 19 et 20 octobre et, de façon encore plus nette, depuis les émeutes qui ont accompagné les commémorations de la fête nationale du 28 octobre. C’est du reste précisément à cette situation que venait répondre l’initiative à haut risque, et qui s’est révélée fatale pour son sort, de Papandréou [3].

En ce sens, les derniers événements doivent être compris comme le prolongement logique des tendances qui sont apparues en juin dernier, lorsque la mobilisation du «peuple des places» atteignit un pic et déclencha la première phase de la crise politique [4]. Papandréou s’est alors placé pour quelques heures en position de démissionnaire à la recherche d’un accord de gouvernement d’«entente nationale» avec le dirigeant de l’opposition de droite Antonis Samaras [de la ND]. Si cet épisode s’est rapidement clos par un simple remaniement gouvernemental, il n’en a pas moins mis en évidence les trois principaux déterminants de la séquence qui débouche sur la situation présente.

Premièrement, il y a une montée des mobilisations, qui prennent l’allure d’un véritable soulèvement populaire.

Deuxièmement, il y a l’accentuation de la crise du système politique et sa transformation en crise de l’État».

Troisièmement, il y a le rôle de type néocolonial de l’UE devenue acteur de premier plan de la scène politique du pays.

Une brève analyse de ces trois facteurs s’avère donc nécessaire avant d’aborder la question des perspectives de la gauche radicale dans cette conjoncture nouvelle.

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