Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 16:57

 

http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article129658

 

Du NPA à Alternative Libertaire

 

Pourquoi je quitte le NPA et rejoins Alternative Libertaire

 

Jean Yves Lesage, ouvrier d’imprimerie, élu au Conseil Politique National du NPA

 

J’avais déjà changé de parti, cette fois je change d’avis. J’ai toujours dit que j’avais changé parfois de parti politique mais jamais de ligne politique : celle du rassemblement des militants de terrain du PCF, de l’écologie et de l’extrême-gauche contre tous les dogmatismes et pour la révolution.

 

Je pense encore que cette orientation était la bonne, mais je dois avouer qu’elle a échoué. Elle était sans doute naïve. Je ne crois plus que des milliers de militants issus du PCF pourraient enfin rompre avec les ornières du stalinisme et de la tactique électorale inféodée au PS. Cette stérilisation de milliers de militants ouvriers sincères et dévoués sera d’ailleurs à ajouter au bilan du mouvement communiste international. Je ne crois plus non plus que les militants des divers groupes issus de l’extrême-gauche arriveront à surmonter leurs querelles anciennes. Il faut donc tenter autre chose et autrement.

 

Après l’implosion du SSP et du NPA, c’est au principe même d’un parti issu du moule intellectuel du bolchevisme que je tourne le dos. En France comme dans le monde entier j’ai vu trop de succès temporaires et d’organisations révolutionnaires exploser en plein vol du seul fait des divergences entre dirigeants (réduites parfois à des conflits d’ego) pour croire encore au mythe d’une direction sinon infaillible au moins nous évitant la faillite. J’ai cherché longtemps le « bolchevisme vrai » et le parti de la révolution mondiale. Manifestement le ver était dans le fruit du concept avant-gardiste, toujours substitutiste même dans ses versions les plus soft.

 

Lorsque j’ai commencé à militer, dans la première moitié des années 1970, j’ai été sommé comme tout le monde à l’époque, de choisir un dogme contre l’autre, un homme contre l’autre : Marx contre Bakounine. Dans mon lycée les anarchistes étaient sympas et flamboyants mais c’était des rigolos et leurs potes de la LCR aussi. Les maoïstes, les lambertistes et Lutte Ouvrière étaient rigides et déprimants. J’ai alors choisi le premier (Marx) version Jeunesse Communiste où se concentraient les enfants de prolétaires et j’ai depuis ce temps tout ignoré du second.

 

Après quarante ans de militantisme sur tous les terrains syndicaux et associatifs et une certaine connaissance des courants staliniens et trotskistes internationaux, c’est sur cette coupure initiale que je reviens. Non pas pour inverser mon choix. Mais pour le renverser radicalement. Après d’autres puisque je découvre tardivement Guérin et Fontenis, je souhaite non pas tenter de fusionner les frères ennemis de la première internationale mais tirer de chacun d’eux le meilleur et rejeter le pire. D’autres ont déjà appelé cela le communisme-libertaire. Et cela me convient bien. Pas d’émancipation de tous sans émancipation de chacun. Va donc pour une orientation politique fondée sur le rejet des erreurs autoritaires du marxisme et le rejet des errements anarchistes.

 

Moi qui ai toujours rêvé être dirigé par de bons chefs (à la fin des années 1980 j’avais refusé d’entrer au comité central de la LCR ne pensant pas avoir les talents nécessaires pour la fonction) je tire un trait radical sur cet héritage marxiste-léniniste et sur la construction d’un parti qui sélectionne avec soin des révolutionnaires professionnels pour guider les masses. Je choisis le fédéralisme qui n’est pas sans faiblesse ni défaut mais qui a au moins le mérite d’être une école pratique du socialisme autogéré auquel j’aspire. Et qu’on ne me dise pas que le NPA n’a rien à voir avec l’histoire et le moule idéologique sanctuarisé par le « succès » de la Révolution russe !

 

Je pars après un an de réflexion en laissant de nombreux amis et d’excellents camarades dans ou autour du NPA. Avec certains d’entre eux j’avais tenté de mener le débat pour faire évoluer le NPA. Nous avions notamment établi que les militants d’un parti révolutionnaire ne pouvaient en aucun cas avoir des conduites politico-morales contraires au but final émancipateur, même au nom d’une supposée efficacité. Mais je ne crois plus que cette organisation puisse muter hors de ses racines historiques et théoriques. Pour autant je compte bien continuer à militer avec nombre d’entre eux sur tous les terrains.

 

Un échec qui vient de loin

 

Plus personne ne peut nier l’échec du NPA. Effondrement militant, incapacité à faire vivre la pluralité, mode de débats délirants, illusions et épuisement dans l’électoralisme, captation démocratique par le jeu des tendances, enjeux dérisoires de mini-bureaucratie…nous sommes de plus en plus nombreux à faire les mêmes constats. En créant dans le NPA le groupe de réflexion « Nouveau Parti Vraiment », groupe inter-tendance, nous posions clairement le problème : Le NPA n’avait été que la duplication en plus large de feu la LCR mais jamais un parti « nouveau ». Ni politiquement, ni dans son fonctionnement. A l’époque les dirigeants de toutes les tendances nous qualifiaient « d’apolitiques »…

 

Le noyau dirigeant avait été sélectionné par l’ancienne direction de la LCR à l’occasion d’un basculement générationnel sur la base d’un consensus non-explicite entre multiples sous-fractions. Avec une boussole politique instable fixée sur deux concepts : celui dit des « deux gauches » et celui dit de « gauche radicale ».

 

Ces deux concepts peuvent se résumer ainsi : d’un côté il existe la gauche « social-libérale » (parti socialiste) dont il ne faut rien attendre ; de l’autre côté il existe la gauche « radicale » qui pour certains devait se traduire par « gauche révolutionnaire » mais pour d’autres par « toutes les sensibilités à gauche du parti socialiste ». Deux lectures parfaitement divergentes jusque dans le noyau dirigeant où chacun espérait secrètement faire triompher « sa » lecture.

 

Ce qui laissait un flou monstrueux en termes de projet et/ou d’alliances électorales. Dans les deux acceptions (gauchiste ou centriste) les camarades esquivaient le problème de la persistance du réformisme politique parmi les masses, escamotage rendu plausible du fait de l’effondrement organisationnel de ce courant représenté par le PCF et ses satellites. D’où la brutalité des débats et des évolutions individuelles au sein du noyau dirigeant du NPA quand le Front de Gauche et Mélenchon a commencé à redonner un visage au réformisme spontané des travailleurs.

 

Et maintenant ?

 

Le parti socialiste est devenu un parti bourgeois (même si une partie de ses militants peuvent parfois porter des attentes que nous partageons). Il défend sans faux-nez réformiste les intérêts bien compris de la bourgeoisie.

Le Front de Gauche est une nébuleuse réformiste. Une organisation qui évoque des changements radicaux mais qui entrave la construction du rapport de force nécessaire à les imposer dès que les intérêts de sa bureaucratie sont en jeu.

 

Les organisations révolutionnaires restent (sans surprise) totalement minoritaires en dehors d’une période pré révolutionnaire mais elles devraient fédérer un bien plus grand nombre de ces militants radicaux qui existent dans le mouvement syndical et associatif dans le cadre d’une organisation ou d’un front d’organisations. Car nous devons reconstruire sur le dégoût bien réel des désillusions. Je pense d’ailleurs que les tentatives de « nouveaux partis » sur les ruines du marxisme autoritaire après l’effondrement des pays de l’Est étaient non pas enfin du neuf dans le paysage mais au contraire la queue de la comète des efforts des travailleurs au long du vingtième siècle pour construire leurs outils de défense et d’émancipation. Il est temps de reprendre à zéro les débats et les erreurs depuis le dix neuvième siècle !

 

Communiste toujours

 

Nous vivons une crise historique du capitalisme qui va redistribuer pour quelques décennies les richesses et le pouvoir entre bourgeoisies montantes et bourgeoisies perdantes. Avec des conséquences énormes pour les travailleurs qui paieront la facture.

 

Cette situation est en soi politisante (donc clivante) forçant les travailleurs à choisir entre une fausse sécurité fascisante, un moindre mal réformiste et le va-tout révolutionnaire.

 

Pour pousser dans le bon sens le choix des travailleurs et de la jeunesse, une organisation reste nécessaire, reliant les militants investis dans le syndicalisme et dans les associations combattantes. Nul besoin d’un état-major autoproclamé qui surgira de la démocratie directe quand les évènements s’accélèreront. Mais pertinence d’un réseau pratique constitué de militants investis dans tous les secteurs.

 

Le NPA s’est égaré comme la LCR avant lui en tentant de faire coexister un fonctionnement vertical avec le mal nommé « droit à l’expérimentation » qui laissait les tendances majoritaires localement faire ce que bon leur plaisait. Les seuls gagnants du système étaient les dirigeants de chaque tendance qui ainsi se partageaient les pouvoirs.

 

Il faut trancher sans chercher un mixte impossible entre les avantages et les inconvénients du verticalisme et du fédéralisme sachant que le fédéralisme n’exclu pas un certain centralisme, construit par d’autres voies que celles héritées du léninisme : celles de la coopération, de la mutualisation et du consensus.

 

Les camarades d’Alternative Libertaire ont su construire et développer à partir d’un noyau minuscule une organisation dont les militants pèsent dans les mobilisations réelles. Une organisation présente sur le champ international à travers le réseau « Anarkismo ». Une organisation sans chef, où les tâches sont assurées par rotation de mandats et où l’énergie principale des militants n’est pas à combattre en interne au nom de sa tendance mais à peser davantage dans les luttes réelles. Où les inévitables divergences se traitent de manière infiniment plus respectueuse entre militants que tout ce que j’ai connu.

 

Voilà comment j’ai fait ce choix. Voilà pourquoi j’ai envie de le partager avec vous.

 

Jean Yves Lesage

 

Partager cet article
Repost0

commentaires