Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 20:08

                                                   

 

 

Grève générale historique au Nigéria

 

Le Nigeria est le cinquième plus gros producteur de pétrole de l’OPEP. Son PIB est le deuxième plus important d’Afrique. Il exportait trente quatre milliards d’euros de pétrole en 2006. En avril de la même année, il devenait le premier pays africain à rembourser intégralement sa dette, estimée à trente millions de dollars. Quel beau modèle de développement économique pour le FMI et la Banque Mondiale ! Il faut aussi préciser que soixante dix pour cent de sa population vit sous le seuil de pauvreté, que cinq mille enfants de un à cinq ans meurent chaque année, que l’espérance de vie est de quarante cinq ans ou encore qu’il produit moins de trois mille cinq cent mégawatts d’électricité sur les soixante quinze mille mégawatts nécessaires. En 2012, le pays le plus peuplé d’Afrique possède à nouveau une dette de trente sept millions de dollars. Cet endettement n’a en rien servi à développer les infrastructures routières, de santé, d’éducation... Moins de six pour cent des clients des banques possèdent quatre vingt huit pour cent des dépôts et le revenu par habitant est plus bas que dans les années 1960 ! Cet endettement n’a servi qu’à enrichir l’élite nigériane corrompue.

 

Mais ce n’était pas suffisant : début janvier, trois semaines après une visite de Christine Lagarde, le gouvernement de Goodluck Jonathan –arrivé au pouvoir avec l’aide des puissances occidentales en 2010– a supprimé la subvention au secteur pétrolier, faisant passer du jour au lendemain le prix à la pompe de 0,31à 0,68 euro.

 

Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. La réaction ne s’est pas fait attendre. Dès le 3 janvier, des manifestations massives eurent lieu dans plusieurs villes du pays. Le 9 janvier, à l’appel des deux grandes confédérations syndicales, une grève générale illimitée débuta. Deux cent mille personnes manifestèrent à Lagos, la capitale économique. La grève générale fut suivie dans les trente six états du pays. Jour après jour, les manifestations étaient de plus en plus importantes. Après une semaine de grève, les dirigeants syndicaux ont signé avec le gouvernement un soi-disant compromis fixant le prix du pétrole à 0,47 cent d’euro le litre – ce qui représente encore une augmentation de plus de cinquante pour cent – et ont appelé à cesser la grève.

 

Nos camarades nigérians, réunis autour du journal The workers’alternative, nous font part d’un changement profond dans la mentalité des jeunes. Inspirés par les révolutions tunisiennes et égyptiennes, ils sont décidés à occuper les places et à ne plus se laisser diviser. En effet, depuis des années, les élites corrompues du Nigeria jouent sur l’opposition entre le nord musulman et le sud chrétien pour diviser le peuple. Mais lors de ces manifestations, dans de nombreuses villes du Nigeria, des chrétiens ont protégé des musulmans lors de leurs prières. Inversement, des musulmans ont monté la garde devant les églises pendant la messe (en particulier à Minna où la secte Boko Haram avait fait exploser une bombe à Noël, tuant de nombreux chrétiens).

 

Même si la victoire est très relative, plus rien ne sera comme avant. La conscience des Nigérians a fait un bond. Le peuple est entré dans l’arène politique. Il est déterminé à se faire entendre. Cette grande grève n’est que le début d’une intensification de la lutte des classes.

 

Le député travailliste britannique John Robertson, président d’une mission parlementaire sur la région, y a mené une visite en août 2005. Il expliquait : « Le peuple du delta sait que le pétrole génère une énorme richesse dont il ne profite pas. [...] [Cette situation] crée aussi des ressentiments, tant à l’égard des entreprises qui produisent cette richesse (principalement étrangères : quarante pour cent du pétrole nigérian est raffiné par la compagnie Shell) qu’à l’encontre des chefs de communauté, accusés de collusion avec celles-ci ». Et John Robertson s’interrogeait : « Si une révolution survient au Nigeria, quelles en seront les conséquences pour l’Afrique ? » Une chose est sûre : tôt ou tard, une révolution éclatera au Nigeria. Si le peuple en sort victorieux et parvient à exproprier son élite corrompue et les vampires du FMI et de la Banque Mondiale, d’autres pays africains se soulèveront.

 

Romain Kosellek 

 

http://www.lariposte.com/greve-generale-historique-au,1754.html

 

Partager cet article
Repost0

commentaires