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9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 18:19

Michel Peyret écrivait récemment une longue analyse du communisme de Daniel Bensaïd. Son analyse est disponible en totalité à l’adresse ci-dessous si vous consultez le site www.legrandsoir.info

 

http://www.legrandsoir.info/LE-COMMUNISME-DE-DANIEL-BENSAID.html

 

Vous en trouverez ci dessous la première partie, pour des raisons de lecture et de nombre de signes. Je vous en souhaite une bonne lecture.

 

Bernard Fischer

 

LE COMMUNISME DE DANIEL BENSAÏD

 

Michel Peyret, avril 2011

 

« Comment définirais-tu ton communisme ? »

 

C'est Franck Gaudichaud, Docteur en Sciences Politiques, qui interrogeait ainsi Daniel Bensaïd le 11 avril 2007, c'est-à-dire quelques jours avant les précédentes élections présidentielles

 

« Nous sommes face au défi d'une reconstruction sociale et politique », cette citation était le titre donné à l'entretien entre le philosophe et Franck Gaudichaud, elle donnait l'ampleur de l'enjeu.

 

LE DEFI D'UNE RECONSTRUCTION SOCIALE ET POLITIQUE

 

En regard de la situation actuelle, déjà proche de la prochaine consultation, cet entretien ne manque pas d'intérêt, et sur plusieurs plans.

 

Le chemin parcouru depuis, face au défi qu'analysait alors Daniel Bensaïd, est révélateur et instructif.

 

Chacun, bien évidemment, pourra en tirer des enseignements personnels, mais certainement serait-il également profitable qu'un débat plus collectif puisse s'instaurer, certainement sous différentes formes.

 

Pour ma part, dans un premier temps, je poserais cette question : quelle peut être la place de l'élection présidentielle dans les cheminements qui conduisent au nécessaire changement de société quand 72% des salariés français considèrent le capitalisme comme négatif, même à entendre que ces 72% ne soient pas tous convaincus de la nécessité d'en finir avec le système capitaliste ?

 

UN RAPPORT DU FMI

 

Pour donner le ton, mettre en évidence des enjeux nouveaux, l'entretien était précédé d'une introduction de Charles-André Udry de « A l'Encontre » qui reproduit l'entretien.

 

Ce dernier présentait notamment quelques données du rapport du FMI daté lui aussi d'avril 2007.

 

« Lors des deux dernières décennies, les marchés du travail dans le monde se sont intégrés de façon croissante...Les changements politiques et les réformes économiques ont transformé la Chine, l'Inde et l'ancien bloc des pays dits de l'Est, intégrant leurs forces de travail dans les économies ouverte de marché... »

 

UN MARCHE DU TRAVAIL BOULEVERSE

 

Le rapport poursuivait : « En même temps, le développement de la technologie, combinée avec la levée progressive des restrictions sur le commerce frontalier, comme sur les flux de capitaux, a rendu possible aux procès de production d'être déligotés et d'être localisés de manière plus éloignée de leurs marchés cibles, cela en vue d'une croissance universelle des biens et des services. La localisation de la production est devenue bien plus réactive aux coûts relatifs du travail d'un pays à l'autre. Il y a aussi eu des courants croissants de migrants passant les frontières, empruntant aussi bien des voies légales qu'informelles... »

 

« Or, dit Charles-André Udry, le prolétariat, au sens réel du terme, est modelé par une histoire nationale, plus exactement par l'histoire de la formation sociale qui lui a servi de creuset. Cette configuration du salariat, prenant en compte les migrants, s'effectue dans un cadre nouveau, dont les traits se transforment d'année en année. »

 

QUEL CHAMP POLITIQUE NATIONAL ?

 

« Le « champ politique national », poursuit-il, tout en gardant une certaine importance (physiologiquement difficile à délimiter), ne jouera plus le même rôle que par le passé, y compris sur le plan stratégique.

 

« C'est, entre autres, dans ce vide référentiel spatio-politique – accentué par le néo-corporatisme syndical et la bourgeoisification des organismes sociaux-démocrates -, que les droites nationales peuvent prendre leur essor et capter une base populaire, en menant une véritable offensive politique et culturelle sur tous les terrains. On va en voir les résultats, en France, au lendemain du 22 avril.(2007)

 

Pour Charles-André Udry, on ne peut en rester à la surface des choses... On ne peut que partager le point de vue de Daniel Bensaîd disant que « quel que soit le problème majeur...on tombe inévitablement sur les questions de propriété... »

 

CHANGER LE MONDE EST PLEINEMENT ACTUEL

 

Pour Daniel Bensaïd, justement, l'idée de la révolution finalement, avec ou sans le mot, n'est pas très difficile à défendre aujourd'hui. Ce qui fait peur, en général, c'est l'association de l'idée de Révolution à celle de violence. En revanche, si on entend par « révolution », la nécessité de changer le monde et, plus précisément, de changer les rapports sociaux, la logique de production et de distribution, cette notion demeure pleinement actuelle...

 

Le doute porte beaucoup plus sur les voies et les moyens. Autrement dit : est-ce qu'il existe des stratégies pour atteindre ce but qui soient valides dans le cadre de la mondialisation ? Une interrogation est donc celle des effets de la mondialisation sur la réorganisation des espaces politiques : car changer le monde, ce n'est pas une idée planante, cela s'inscrit dans des territoires et des rapports de force.

 

QUEL CHAMP STRATEGIQUE ?

 

« Le champ stratégique dominant du vingtième siècle, dit-il, a été celui de l'Etat-Nation et il n'est pas obsolète...

 

« En même temps, ces espaces nationaux qui ont gardé une pertinence stratégique, sont maintenant étroitement imbriqués dans ce que j'appelle « une échelle mobile des espaces »: régionaux, nationaux, continentaux, voire mondiaux, suivant les thèmes et les questions abordées.

 

« L'Etat reste un des noeuds des rapports de force, mais les rapports de pouvoir économique et politique se sont redéployés sur le plan spatial. »

 

Polémiquant avec Badiou quant à l'idée de communisme, Daniel Bensaïd affirme qu'il a une sympathie pour cette pensée à contre-courant de l'ordre libéral, mais il convient que l'interprétation qui est celle de Badiou est proche d'une sorte de « métaphysique du communisme », plus proche d'une conception miraculeuse de l'évènement.

 

QUEL COMMUNISME ?

 

« Mais, dit-il, cette matrice théorique rend difficile ce que, pour ma part, je considère comme une démarche politique, d'accumulation des forces et d'inscription dans la durée. »

 

C'est alors que Daniel Bensaïd est invité à définir son communisme, y compris en le résumant quelque peu. « 

 

« Tout d'abord, une conception dynamique : le communisme n'est pas une utopie et un état des lieux dont on pourrait faire l'inventaire.

 

« Il est plutôt « le mouvement réel qui abolit l'ordre existant », comme disait Marx. Cette définition est certainement insuffisante, car trop « élastique », mais elle a le mérite d'être cohérente et elle répondait à la polémique avec les théories utopistes des années 1830/1840...

 

LES FAUSSES PISTES

 

« Notre époque, dit-il, possède certaines similitudes avec ce contexte de réaction du début du dix neuvième siècle...

 

« Et la critique des socialismes utopiques de la dernière partie du Manifeste communiste est, en ce sens, d'une certaine actualité.

 

« Le « socialisme féodal » décrit par Marx, courant qui cherche à retrouver un temps pastoral imaginaire de la société médiévale, se retrouve dans certains courants contemporains de l'écologie, notamment de « l'écologie profonde ».

« De même, le « socialisme vrai » ou « philanthropique » se retrouve au vingt et unième siècle, accompagné par un sentiment d'impuissance politique, par exemple au travers de la vogue du micro-crédit.

 

« Non qu'il faille diaboliser le micro-crédit, mais de là à le présenter comme la réponse enfin trouvée au développement du tiers-monde ou à en faire l'apologie comm le fait Paul Wolfowitz....*

 

« On pourrait multiplier les exemples.

 

« Et il y a aussi les utopies libertaires contemporaines, comme il y avait les utopies proudhoniennes à l'époque. Malgré leur intérêt indéniable, ces idéologies ont comme caractéristique commune qu'elles font l'impasse sur la question politique et celle du pouvoir. »

 

REGARDEZ LA COMMUNE DE PARIS

 

« Et à l'autre pôle, on pourrait parler d'une utopie néo-keynésienne qui , elle, essaie – et là aussi on peut y trouver un intérêt réel – de développer des propositions sur le secteur public et le rôle de l'Etat.

 

« Mais, là encore, le maillon politique et la question essentielle des leviers pour y arriver sont absents....

 

« Pour ce qui est de donner une esquisse du communisme et sans chercher à « faire bouillir les marmites de l'avenir », on peut regarder la Commune de Paris. Engels dit : si vous voulez savoir ce qu'est la dictature du prolétariat, regardez la Commune de Paris. Et qu'est-ce que la Commune ? Le suffrage universel, le pluralisme, la révocabilité des élus, l'appropriation sociale, la suppression de l'armée de métier, et...l'absence de Président de la République !

« Finalement, quel que soit le problème majeur que l'on désire prendre à bras-le-corps (l'écologie par exemple), on tombe sur les questions de la propriété. »

 

MARX RESTE UN GROS MORCEAU

 

Franck Gaudichaud fait alors remarquer que, dans ses écrits, Daniel Bensaîd se revendique d'un courant « chaud » du marxisme, un marxisme vivant et dialectique, alors que nombreux sont les intellectuels, y compris parmi les critiques du capitalisme, qui parlent désormais d'une « ère post-marxiste », ou réduisent l'apport de Marx à celui d'une « boîte à outils » théorique parmi tant d'autres...

 

Daniel Bensaïd rétorque qu'il s'agit de choses sérieuses et qu'il y a parfois un peu de légèreté dans la façon de les traiter de la part des intellectuels : Marx reste « un gros morceau ».

 

« Certes, dit-il, on peut le dépasser, il n'est pas éternel...

 

« Mais, selon moi, le noyau dur de sa théorie critique est d'une terrible actualité, qu'on la prenne sous l'angle de la mondialisation, de la théorie de la valeur, de la crise de la mesure.

 

« Et ceci pour une raison de bon sens : ce que Marx a analysé à l'état naissant, à partir du capitalisme européen au dix neuvième siècle, est devenu la loi de la planète...Et je ne vois encore aucun théoricien qui se soit confronté à cette théorie critique pour la dépasser effectivement, que cela soit Castoriadis, certains libéraux ou d'autres...

 

 

 

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