L’Ukraine entrevoit une sortie de crise
KIEV (Reuters) - Le président Viktor Ianoukovitch et les trois chefs de file politiques de l'opposition ont signé Vendredi 21 Février 2014 un accord de sortie de crise en Ukraine après trois jours de violences meurtrières comme le pays n'en avait pas connu depuis son indépendance de l'Union soviétique en 1991.
Fruit d'une médiation européenne, cet accord prévoit une élection présidentielle anticipée, une révision de la constitution afin de revenir à un régime plus parlementaire et la formation d'un gouvernement d'union nationale.
Ces points constituent autant de concessions de la part du chef de l'état mais la viabilité de l'accord dépend aussi de l'adhésion des occupants de la place de l'indépendance à Kiev, troisième acteur de cette crise réputé nettement plus intransigeant que l'opposition politique.
Les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont fait soixante dix sept morts depuis mardi, a annoncé le ministère de la santé, ce qui signifie qu'il y a eu au moins quarante sept morts lors de la seule journée de jeudi.
Le comité de Maïdan, le surnom de la place de l'indépendance, a néanmoins approuvé l'accord avant sa signature par le chef de l'état et les trois leaders de l'opposition, Arseni Iatseniouk, Vitali Klitschko et Oleh Tiahnibok.
Le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, qui a conduit la médiation européenne avec ses homologues français Laurent Fabius et polonais Radoslaw Sikorski, a précisé que l'élection présidentielle, initialement prévue en mars 2015, aurait lieu dès cette année. Aucune date n'a été arrêtée cependant.
« BON COMPROMIS »
Le premier ministre polonais, Donald Tusk, a pour sa part déclaré que le projet d'accord prévoyait la rédaction d'une nouvelle constitution d'ici la fin de l'été.
Son ministre des affaires étrangères a parlé « d’un bon compromis pour l'Ukraine ouvrant la voie à des réformes et à l'Europe ».
Le président français François Hollande a quant à lui réclamé « la mise en oeuvre dans son intégralité et dans les meilleurs délais de l'accord qui vient d'être signé ».
Un journaliste de Reuters ayant assisté à la signature de l'accord a rapporté que Viktor Ianoukovitch n'avait pas effectué le moindre sourire durant cette cérémonie de plusieurs minutes.
En début de journée, le président avait énuméré les concessions qu'il était disposé à accepter pour mettre fin au mouvement de contestation, né en novembre de sa volte-face diplomatique l'ayant soudainement amené à tourner le dos à l'Union Européenne pour se rapprocher de la Russie, l'ancienne puissance tutélaire.
« Il n'existe pas de mesures que nous ne devrions pas prendre pour rétablir la paix en Ukraine », a-t-il alors déclaré dans un communiqué. « J'annonce que j'amorce des élections anticipées. Je lance aussi le processus d'un retour à la constitution de 2004 avec un rééquilibrage des pouvoirs vers une république parlementaire. J'appelle au lancement des procédures pour former un gouvernement d'unité nationale ».
BAGARRES ENTRE DÉPUTÉS
Dans l'après-midi, les députés ukrainiens ont adopté à une forte majorité une résolution appuyant un retour à la constitution de 2004, qui limite les prérogatives du chef de l'état au profit du parlement.
La rada, le parlement mono caméral dominé par le parti des régions de Viktor Ianoukovitch, a aussi voté une amnistie inconditionnelle pour toutes les personnes arrêtées ou susceptibles d'être poursuivies en raison de leur implication dans le mouvement de contestation actuel contre le président.
Dans la matinée, des députés en étaient venus aux mains lorsque le président de la rada, Volodimir Ribak, avait tenté d'ajourner cette session extraordinaire du parlement.
La police était alors brièvement entrée dans le bâtiment avant d'en être rapidement expulsée, a déclaré Arseni Iatseniouk.
Le président russe Vladimir Poutine avait envoyé son propre médiateur à Kiev à la demande de Viktor Ianoukovitch mais on ignore quel rôle a joué la délégation russe dans le processus ayant abouti à l'accord signé en début d'après-midi.
La Russie continue de différer le déblocage de la deuxième tranche du programme d'assistance financière d'un montant total de quinze milliards de dollars (onze milliards d'euros) consenti mi-décembre par Vladimir Poutine.