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29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 15:00

 

Vous trouverez ci-dessous la dernière partie d’un long message de Wilebaldo Solano en février 1989 dont le titre est « Andreu Nin y Léon Trotsky ».

 

Le message est disponible en totalité en espagnol si vous consultez le site de la fondation Andreu Nin à l’adresse ci-dessous.

 

Bernard Fischer

 

http://www.fundanin.org/solano10.htm

Trotsky et l'assassinat de Nin

Entre le 25 Août 1936, isolé dans sa prison norvégienne, et le 9 Janvier 1937, date de son arrivée au Mexique, Trotsky avait peu de possibilités de se renseigner sur la révolution espagnole, qui vivait six mois décisifs. Les premières informations sérieuses venaient de la délégation du POUM animée par David King et Costa Amic, qui a été très bien reçue par Trotsky. Ces camarades constataient que, en dépit de toutes ses préoccupations, son intérêt pour le POUM était très grand. Mais à cette époque, le Mexique était beaucoup plus loin de l'Espagne qu’aujourd'hui. Trotsky les recevait trop tard, leurs informations étaient mauvaises et, parfois, venant de groupes trotskistes en conflit avec leurs problèmes internes, elles ajoutaient à la confusion. Nous ne nous expliquons pas le ton de certains de ses articles nous reprochant d’avoir organisé notre propre milice alors que toutes les organisations avaient fait la même chose et que nous étions par la création d'une armée révolutionnaire. Certaines critiques, comme par exemple les critiques contre la participation de Nin dans le conseil du gouvernement de Catalogne et son implication dans les événements de mai, ont également été faites à l’intérieur du POUM, mais le ton général de Trotsky a été fortement influencé par la crise ouverte dans le mouvement pour la Quatrième Internationale autour du POUM et de sa politique. Le parti hollandais de Sneevliet, la tendance belge de Vereecken, ses vieux amis Victor Serge et Alfred Rosmer, entre autres, avaient critiqué sa nouvelle attitude envers le POUM, l'accusant de sectarisme. Tout cela était trop pour Trotsky dans ces circonstances.

En effet, les polémiques qui ont été ouvertes ont été d’autant plus douloureuses pour Nin qui attendait une autre attitude de Trotsky. Il est vrai que, loin de l'Europe à Coyoacán, il vivait un des moments les plus dramatiques de sa vie. La répression stalinienne avait atteint sa propre famille, ses meilleurs amis russes avaient capitulé ou avaient été éliminés par Staline. Il était de plus en plus seul et savait que Staline ferait tout pour l'éliminer. Il savait que le GPU infiltrait le mouvement trotskyste. Mais il sous estimait peut-être l'importance de cette action.

 

Maintenant, vous pouvez enfin avoir accès à des archives soviétiques et, bien sûr, nous voyons que l'une des tâches du GPU à cette époque était d'ouvrir une crise entre le POUM et le mouvement trotskyste, entre Trotsky et Nin. Nous l'avons dit plusieurs fois et je le répète aujourd'hui, c'était très important d'isoler et de discréditer un parti révolutionnaire qui jouait un rôle important dans l’Espagne combattante et qui était un espoir pour les socialistes révolutionnaires dans le monde entier.

Lors de la conférence de Paris dont j'ai parlé au début de mon discours, il a été de nouveau soulevé la question de l'absence du POUM dans la conférence de fondation de la Quatrième Internationale (il avait été invité en tant qu'observateur et l'observateur devait être Molins i Fabrega, le représentant à Paris du comité exécutif du POUM). Eh bien, Yvan Craipeau et Michel Pablo expliquaient à mon grand étonnement que Molins n’avait pas pu assister à la réunion à cause de la personne qui devait l'emmener à l' endroit de la réunion. Et cette personne n'était autre que le camarade Etienne, membre du Secrétariat International de la Quatrième Internationale, dont le véritable nom était Marc Zborowski et qui était un agent du GPU spécifiquement chargé de la surveillance de Léon Sedov, le fils de Trotsky. En 1955, dans son témoignage devant une commission du Sénat des États-Unis, Zborovski reconnaissait son implication dans le vol des archives de Trotsky, dans la mort suspecte de Léon Sedov dans une clinique à Paris et dans l'assassinat d’Ignacio Reiss. Les autorités américaines lui ont pardonné pour services rendus.

Le POUM ne pouvait pas rejoindre la Quatrième Internationale parce qu’il avait un point de vue différent et estimait qu'il était prématuré de créer une nouvelle internationale. Mais la collaboration de toutes les forces socialistes et communistes indépendantes du Kremlin, à l'époque, était particulièrement importante sous toutes ses formes possibles pour combattre la répression stalinienne en Espagne et ses conséquences lamentables dans la lutte armée contre Franco. C’est la raison pour laquelle le POUM, malgré les attaques et les objections de Trotsky et de certains trotskystes, avait décidé de participer en tant qu'observateur à la conférence de la Quatrième Internationale. Dans un document inédit et publié récemment (une information des délégués britanniques à la conférence de 1938) il affirme textuellement, « le fait de ne pas avoir de contact avec le POUM et le PSOP est une grosse erreur. Demain, nous devons avoir une commission pour les rencontrer et leur dire ce qui s'est passé lors de la conférence, pour planifier un travail en commun. La proposition de la commission pour la rencontre avec le POUM était adoptée par Lesoil, James, Cannon, Shachtman, Lebrun (Mario Pedrosa), Buson, Clart (Rous) et Stefan ». Autrement dit, les principaux dirigeants du mouvement, ce qui explique l’importance pour eux des relations avec le POUM.

Evidemment, la situation s'est aggravée en Espagne et en Europe. Les problèmes de la révolution en Espagne ont facilité les offensives de Franco. Le POUM était dans la clandestinité. Staline préparait l'alliance avec Hitler et organisait la répression contre la vieille garde bolchévique, les purges et le processus de déportation. La menace de guerre était plus claire que jamais après l'annexion de l'Autriche par Hitler. Les révolutionnaires d'Europe et, en particulier, ceux de l'Espagne et de l'URSS, étaient dans une situation réellement dramatique et commençaient à comprendre l’aspect le plus réactionnaire et terroriste du stalinisme.

 Je me souviens qu’en 1938, dans la prison d’état de Barcelone, où nous étions détenus, les dirigeants du POUM, Andrade, Rey et d'autres camarades, nous avons été surpris du silence de Trotsky relatif à la répression contre le POUM et à l’assassinat de Nin. En fait, nous étions nous mêmes mal informés. Le 8 août 1937, Trotsky avait publié un communiqué au Mexique dans lequel il disait, « Nin est un vieux révolutionnaire incorruptible. Il défendait les intérêts du peuple espagnol contre les agents de la bureaucratie soviétique. Il s'efforçait de défendre l'indépendance du prolétariat espagnol contre les machinations bureaucratiques de la bande au pouvoir à Moscou. Il refusait la collaboration avec le GPU pour la ruine des intérêts du prolétariat espagnol. C'est son seul crime. Et il l’a payé de sa vie ». Le ton de cette déclaration suggère que nous devons regretter l'absence d'un dialogue efficace avec Nin et le manque de coopération efficace avec le POUM, un parti qui a combattu en Espagne pour la vérité contre le stalinisme et pour ceux qui sont morts en URSS pour la défense des principes fondamentaux du socialisme contre Staline. Trotsky a déclaré à plusieurs reprises que Nin était « son ami » et cela avait beaucoup d’importance pour lui, même si ce n'était pas toujours vrai pour tous ses amis et camarades. Tous les hommes, et en particulier les plus éminents, ont leurs passions et leurs faiblesses. Mais laissez-moi finir en rappelant que Trotski disait aussi que le POUM « était le parti le plus honnête d’Espagne ».

 

Wilebaldo Solano

 

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