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Ce gouvernement a peur
Vendredi 17 Juin 2016
Une soixantaine d'intellectuels, de militants et de syndicalistes appellent à résister au gouvernement et à poursuivre les grèves, blocages et occupations.
Les voilà, leur grande peur et leurs grands moyens pour essayer de la masquer en jouant les fiers-à-bras qui ne cèdent pas. Nous nous y attendions depuis des mois, et la voici brandie, la menace d’interdiction des manifestations. Ce n'est pas un sommet dans l’inacceptable, il peut toujours y avoir pire avec ce gouvernement. Celui-là même qui commémore cyniquement les grèves du Front Populaire. Qu’il défende ses intérêts, ceux des puissants, ceux des profits et de l’argent, c’est de bonne guerre, c’est sa guerre, mais qu’il ravale ses célébrations et ses récupérations d’un passé qu’il ne cesse de fouler au pied.
Ce gouvernement a peur, rien d’étonnant. Car il y a de quoi, devant nos solidarités face au pouvoir et son bras armé. Combien de témoignages sur ces manifestants qui, sans avoir besoin de rien se dire, prennent soin des blessés, malgré les gaz, les coups de matraque et les grenades de désencerclement ? Combien d’images de blessés que des policiers continuent de frapper à terre, tandis que spontanément se forment des chaînes pour les entourer et les protéger ? Combien d’initiatives, de textes, de rassemblements et de soutiens résolus contre les gardes à vue, les mises en examen et les condamnations iniques ? Pour les manifestants blessés, mutilés, éborgnés et dans le coma, combien de policiers seront inculpés ?
François Hollande, Manuel Valls et leurs alliés voudraient briser cette vague énorme, celle qu’on a vu manifester par centaines de milliers. Ils mènent leur guerre sur tous les fronts, par une violence physique déchaînée, par une violence judiciaire de magistrats aux ordres qui emprisonnent et brisent des vies, par une violence médiatique faite de désinformation et de discrédit, par une violence antidémocratique à coups de quarante neuvième article de la constitution, d’interdictions de manifester et d’assignations à résidence au nom de l’état d’urgence, et par la violence sociale infligée à des millions d’hommes et de femmes précarisés ou licenciés. Ce pouvoir voudrait à toute force empêcher ce qui lui apparaît dangereux et qui est immense par ses convergences, des quartiers populaires où l’on bataille depuis des années contre les violences policières, des luttes des migrants et des sans-papiers, des syndicalistes mobilisés, des étudiants et des lycéens qui ne lâchent rien. La détermination est puissante, tout comme le sentiment que des personnes, des collectifs et des organisations qui jusque-là ne se parlaient pas ou peu se sont trouvés ou retrouvés. Ce pas franchi est si important qu’il le restera et pour longtemps.
Mépris
Nous ne convaincrons pas les tenants de ce monde et nous ne cherchons pas à le faire. Mais contre le discours dominant et tout-puissant, nous pouvons convaincre celles et ceux qui connaissent bien la violence au quotidien. La violence du mépris social et des abîmes qui nous séparent des possédants. La violence du chantage à l’emploi qui conduit à tout accepter, fait voler en éclats les solidarités et jusqu’à la dignité parfois. La violence de la souffrance, au chômage, au travail, de la mise en concurrence et du management par l’obéissance. La violence des contrôles au faciès et des discriminations. Forces de l’ordre, mais de quel ordre, l'ordre social des évadés fiscaux, du CAC 40 et des marchés financiers.
Quelques devantures de banques, d’assurances ou de supermarchés cassées ne sont rien comparées à cette violence. Quoi qu’on pense de leur pertinence, ces actions sont au fond surtout des questions, qu’est-ce qu’une banque et ce qu’il y a derrière, la tragi comédie financière ? Bertold Brecht l’avait résumé d’un trait, « il y a pire que braquer une banque, c’est d’en fonder une ». Comment pourrait-on nous faire croire que la violence de ce monde serait dans ces vitrines brisées ? Les médias sont doués pour cela, avec leurs scoops, leurs images en boucle et leurs sélections éhontées. Mais vient un temps où cela ne marche plus, il semble que ce temps soit venu.
Les patrons peuvent s’arrêter de patronner, nous n’avons pas besoin d’eux. Mais quand les éboueurs, les dockers, les électriciens, les cheminots, les raffineurs, les personnels hospitaliers, les personnels de l’éducation, les postiers et les intermittents s’arrêtent, tout ce qu’elles et ils nous apportent devient soudain plus visible et plus évident. Quoi qu’il advienne de ce gouvernement, nous continuerons de manifester, mais pas seulement. Nous poursuivrons grèves, blocages et occupations. Ce sont les armes de celles et ceux qui en ont peu. Mais elles peuvent frapper bien plus fort que leurs matraques et leurs tonfas.
Premiers signataires
Jean-Claude Amara, Etienne Balibar, Eric Beynel, Eric Fassin, Bernard Friot, Eric Hazan, Olivier le Cour Grandmaison, Philippe Marlière, Christine Poupin