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Libérez nos camarades
Lundi 6 Mai 1968, c’est l’escalade, il y a une grande manifestation de solidarité avec les arrêtés du Vendredi 3 Mai 1968, malgré une interdiction préfectorale et la clôture des universités. Dans la matinée du Lundi 6 Mai 1968, huit étudiants de Nanterre, dont Daniel Cohn-Bendit et René Riesel, comparaissent devant le conseil de discipline. Les professeurs de Nanterre Henri Lefebvre, Guy Michaud, Alain Touraine et Paul Ricœur les accompagnent en soutien.
Un cortège de milliers de personnes se rend à la Halle-aux-Vins puis revient vers le Quartier Latin après passage sur la rive droite. La police charge Rue des Ecoles. Les manifestants résistent, avec ardeur décuplée à l’annonce de peines de prison pour les manifestants. Des affrontements scandés de « libérez nos camarades » ont lieu Boulevard Saint-Michel contre la police. Lundi 6 Mai 1968 à 15 heures, il y a des premiers heurts violents Carrefour Saint Germain. Lundi 6 Mai 1968 à 16 heures, plus de mille cinq cent manifestants empêchent les flics d’avancer et ils font reculer deux autopompes. Un manifestant est monté sur l’une et l’empêche de diriger le canon à eau. Il y a des pavés et des heures d’affrontements par des petits groupes très mobiles.
L’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), le Mouvement du 22 Mars 1968 et les Comités d’Action Lycéenne (CAL) ont appelé au rassemblement du Quartier Latin dans la matinée, mais aussi à manifester Lundi 6 Mai 1968 à 18 heures 30, Place Denfert-Rochereau. Il y a un tract d’appel de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire (JCR). Au retour, il y a des affrontements Rue du Four, des pavés et des barricades. Il y a plus de dix mille manifestants Lundi 6 Mai 1968 en début de soirée contre l’état policier. Les forces de police abandonnent les charges directes pour une lutte de positions, à coup de grenades et de gaz lacrymogènes.
On lira dans le Monde daté du Mercredi 8 Mai 1968 que « ce qui va succéder, va dépasser en violence et en ampleur tout ce qui s’est produit durant la journée du Lundi 6 Mai 1968 déjà surprenante à tous égards. Ce sera une sorte de combat de rue atteignant parfois une sorte de frénésie, où chaque coup porté est aussitôt rendu et où le terrain à peine conquis est déjà repris, moments dramatiques et déraisonnables durant lesquels, pour l’observateur, semblait souffler un vent de folie ».
L'Aurore du Mardi 7 Mai 1968 écrit qu’il y a aux côtés des manifestants des bandes de blousons noirs, armés de barres de fer, qui sont descendus des portes de Paris pour prêter main-forte aux étudiants. Les derniers affrontements continuèrent aux premières heures du Mardi 7 Mai 1968, surtout à Montparnasse. La soirée du Lundi 6 Mai 1968 se termine avec une estimation de six cent étudiants blessés, de trois cent policiers blessés et de quatre cent vingt-deux interpellations.
La grève touche les facultés, elle touche les grandes écoles à quatre-vingt-quinze pour cent et déjà sept lycées. Le proviseur du lycée Jules Michelet manifeste même en tête de ses élèves. La journée du Lundi 6 Mai 1968 est marqué par l’intervention dans la lutte des ouvriers, des jeunes chômeurs et surtout des lycéens qui avaient organisé dans la matinée du Lundi 6 Mai 1968 d’importantes manifestations à l’appel des CAL.
Le président du Syndicat National de l’Enseignement Supérieur, Alain Geismar, décide de soutenir les manifestants. Le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France (PCMLF) publie un tract, ponctué de citations de Mao Tsé Toung, appelant à soutenir la juste lutte des étudiants et appelant à l'union des étudiants et des travailleurs pour un pouvoir populaire révolutionnaire. Les autres maoïstes, militants de l’Union des Jeunesses Communistes Marxistes-Léninistes (UJCML), derrière Robert Linhart, sont pris de court. Pour eux, la révolution est censée venir des ouvriers et pas des étudiants. Ils caractérisent les revendications du Mouvement du 22 Mars 1968 comme des revendications puériles, petites bourgeoises et gauchistes. La Fédération des Etudiants Révolutionnaires (FER) de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI) prêche aux étudiants qui tiennent les barricades qu'ils devaient s'en remettre aux travailleurs et aux organisations du mouvement ouvrier pour libérer la Sorbonne, cesser leur aventurisme petit-bourgeois et rentrer chez eux. Ils recommenceront, Vendredi 10 Mai 1968.
Tout comme le Parti Communiste Français (PCF), la Confédération Générale du Travail (CGT) fait feu contre le mouvement. Georges Séguy explosera dans sa conférence de presse du Mardi 7 Mai 1968, « qui est Daniel Cohn-Bendit ? Sans doute faites-vous allusion à ce mouvement lancé à grand renfort de publicité qui, à nos yeux, n'a pas d'autre objectif que d'entraîner la classe ouvrière dans des aventures en s'appuyant sur le mouvement des étudiants. Nous n’avons aucune complaisance envers les éléments troubles et provocateurs qui dénigrent la classe ouvrière, l’accusant d’être embourgeoisée, et qui ont l’outrancière prétention de venir lui inculquer la théorie révolutionnaire et diriger son combat. Avec d’autres gauchistes, des éléments s’emploient à vider le syndicalisme étudiant de son contenu revendicatif, démocratique et de masse au préjudice de l’UNEF, mais ils agissent à la satisfaction du pouvoir ». Rappelons que l’Union des Etudiants Communistes (UEC), suite à l'exclusion de sa gauche prononcée en 1966, a perdu le contrôle du grand syndicat étudiant en 1967. L’UNEF est alors dirigée par les étudiants du Parti Socialiste Unifié (PSU).
Le fait politique essentiel de la journée du Lundi 6 Mai 1968, c’est que la base des organisations traditionnelles de gauche commence à dépasser ses dirigeants. Les témoignages dans ce sens abondent. Lucien Rioux et René Backmann dans leur livre de l’Explosion de Mai citent par exemple le cas d’un responsable du Mouvement des Jeunesses Communistes de France (MJCF) de la banlieue, « j’ai un mal fou à retenir les copains, ils étaient déchaînés. Une simple autorisation du parti et ils se seraient précipités au Quartier Latin. L’autorisation n’est pas venue. Des camarades sont allés manifester en cachette ». Ils citent également le cas d’un responsable syndical de la CGT qui constate la tension des camarades communistes et les véritables crises d’absentéisme qu’on observe parmi les jeunes militants de l’usine les jours de manifestation. Ils citent aussi, toujours pour la journée du Lundi 6 Mai 1968, le cas de trente travailleurs de l’équipe du soir de l’entreprise de la métallurgie d’Hispano-Suiza, à Colombes, dans le département des Hauts de Seine, qui débrayent pour aller au Quartier Latin. Certains proposent même d’y aller avec le drapeau de la CGT. Les bureaucrates commencent à comprendre leur erreur. Après le Syndicat National de l’Enseignement Secondaire (SNES), « l’Union des Syndicats de Paris de la CGT condamne énergiquement les provocations gouvernementales et les brutalités policières contre les étudiants, s’ajoutant à l‘inadmissible fermeture des facultés et à l’intrusion des forces de police à l’intérieur de la Sorbonne ».