Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 janvier 2022 2 11 /01 /janvier /2022 18:15

 

 

https://samidoun.net/fr/2021/12/ahmad-saadat-un-leader-de-la-gauche-palestinienne-emprisonne-par-loccupation-israelienne/

 

Ahmad Saadat, un leader de la gauche palestinienne emprisonné par l’occupation israélienne

Samedi 25 Décembre 2021

Le 25 décembre 2008, Ahmad Saadat a été condamné à trente ans de prison par un tribunal militaire illégitime de l’occupation israélienne pour son rôle de secrétaire général d’une des principales organisations de la résistance palestinienne, le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP). Treize ans après cette condamnation, nous proposons ci-dessous une courte biographie de ce leader de la gauche palestinienne. Par ailleurs, nous vous invitons à rejoindre la semaine internationale d’actions pour la libération d’Ahmad Saadat et de tous les prisonniers palestiniens du Samedi 15 Janvier au Samedi 22 Janvier 2022.

Né en 1953, Ahmad Saadat est le fils de réfugiés expulsés en 1948 de leur maison du village détruit de Dayr Tarif, près d’al-Ramleh. Il est impliqué dans le mouvement national palestinien depuis 1967, date à laquelle il est devenu actif dans le mouvement étudiant, puis il rejoint officiellement le FPLP en 1969. Il est arrêté par l’occupation israélienne à de nombreuses reprises notamment en 1970, en 1973, en 1975, en 1976, en 1989 et en 1992 pour un total de dix ans de prison.

En 1993, il est élu au bureau politique du FPLP et il devient responsable du secteur de la Cisjordanie en 1994. Dans ce cadre, il est arrêté à plusieurs reprises entre 1994 et 1996 par l’Autorité Palestinienne dans le cadre de la coordination sécuritaire avec l’occupation israélienne mise en place suite aux accords d’Oslo de 1993.

En 2000, Georges Habache démissionne de son poste de secrétaire général du FPLP et il est remplacé par Abu Ali Mustapha. Celui-ci est assassiné par l’occupation israélienne le 27 août 2001 par un missile tiré contre son bureau à Ramallah. Le 3 octobre 2001, Ahmad Saadat est élu secrétaire général du FPLP. A cette occasion, il déclare lors de sa conférence de presse inaugurale que les objectifs du peuple palestinien sont « notre droit au retour et notre indépendance, avec Jérusalem comme capitale » et il jure également de venger l’assassinat d’Abu Ali Mustafa.

Le 17 octobre 2001, quatre membres du FPLP exécutent le ministre israélien du tourisme d’extrême droite, Rehavam Zeevi. Celui-ci est connu comme un partisan de l’expulsion forcée des palestiniens et comme un partisan des assassinats ciblés. Son exécution provoque une vague de mobilisation populaire en Palestine et elle ravive le soutien au FPLP. Israël accuse Ahmed Saadat d’avoir ordonné l’assassinat.

Le 22 octobre 2001, l’Autorité Palestinienne condamne le meurtre de Rehavam Zeevi comme contraire aux intérêts palestiniens, prétextant que cela donne à Israël une excuse pour entreprendre une action militaire dans les territoires occupés. Jibril Rajoub, chef du service de sécurité préventive de Cisjordanie, interdit l’aile militaire du FPLP, les Brigades du Martyr Abu Ali Mustafa, et il lance un ultimatum à Ahmad Saadat pour qu’il se rende et, s'il ne se rend pas, il risque d’être arrêté.

Le 15 janvier 2002, Ahmad Saadat est arrêté par les forces spéciales palestiniennes après avoir été attiré à une réunion dans un hôtel de Ramallah avec le chef du renseignement de l’Autorité Palestinienne, Tawfiq Tirawi. Le FPLP condamne l’Autorité Palestinienne pour avoir cédé aux Etats Unis et à la pression israélienne. Les partisans du FPLP protestent contre l’arrestation, dans les rues de Ramallah, à Gaza et à Bethléem.

Le 3 juin 2002, la Haute Cour de Justice Palestinienne à Gaza déclare qu’il n’y a aucune preuve liant Ahmad Saadat à l’assassinat de Rehavam Zeevi et qu'il n'y a aucun motif légal pour son maintien en détention. Il ordonne sa libération immédiate de prison. Au mois de janvier 2006, Ahmad Saadat est élu au Conseil Législatif Palestinien (CLP) sur la liste du Bloc Abu Ali Mustafa.

Le 14 mars 2006, l’armée israélienne a assiégé pendant douze heures la prison palestinienne de Jéricho où se trouvaient six prisonniers politiques. Des bulldozers et des chars israéliens ont attaqué la prison tandis que les militaires israéliens ont proféré des menaces d’assassinat contre les prisonniers. Cet assaut militaire provoque deux morts, vingt-trois blessés et l’enlèvement d’Ahmad Saadat et de cinq autres prisonniers politiques de Jéricho vers les prisons sionistes.

Pendant plus de quatre ans, ces hommes avaient été détenus dans la prison de l’Autorité Palestinienne de Jéricho, sous la surveillance de gardes américains et britanniques. Immédiatement avant l’assaut israélien sur la prison, ces gardes américains et britanniques ont abandonné leurs postes, ouvrant la voie à l’attaque militaire. Le département d'état américain a rendu les palestiniens responsables du siège, en déclarant que les leaders du CLP, démocratiquement élus, avaient indiqué leur volonté de libérer ces prisonniers politiques illégalement détenus. Dans une lettre adressée au peuple palestinien après son enlèvement, Ahmad Saadat a déclaré que « le Quartet des Etats Unis, de l'Union Européenne, de la Russie et de l'Organisation des Nations Unies (ONU), sert de couverture à l’occupation. Ce qui s’est passé à la prison de Jéricho a fait des gouvernements britannique et américain une partie intégrante du conflit et a enterré à jamais toute illusion sur leur neutralité ».

Après son enlèvement, une violation flagrante de la souveraineté palestinienne, le procès d'Ahmad Saadat a été reporté et retardé à plusieurs reprises. Le procureur général israélien Menachem Mazuz a admis peu après l’enlèvement qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour inculper Ahmad Saadat dans l’assassinat du ministre israélien Rehavam Zeevi en 2001. Au lieu de cela, Ahmad Saadat a été accusé d’un large éventail d’accusations politiques lors d’une audience le 28 mars 2006 à la base militaire d’Ofer à Ramallah.

Ahmad Saadat a refusé de manière constante et répétée de reconnaître la légitimité de ce tribunal illégitime. Ses avocats ont demandé l’abandon des charges, car elles sont clairement motivées par des raisons politiques et le tribunal lui-même est illégitime. Son procès a été reporté à plusieurs reprises et Ahmad Saadat a systématiquement refusé de reconnaitre la légitimité du tribunal durant les différentes audiences, refus de se présenter devant les juges militaires, publication de déclarations dénonçant cette parodie de justice et refus de traiter avec les tribunaux militaires ou les interrogateurs.

Le 25 décembre 2008, Ahmad Saadat a été condamné à trente ans de prison pour des accusations entièrement politiques. Cette lourde peine, prononcée par un tribunal militaire israélien, avait pour but d’emprisonner un leader de la résistance palestinienne qui a toujours refusé de céder aux pressions, aux menaces et aux intimidations de l’occupation. Il s’agit de la plus lourde peine prononcée par les tribunaux d’occupation pour une accusation politique. Membre du bureau politique du FPLP, Maher Taher a souligné la complicité de l’Autorité Palestinienne dans l’enlèvement et l’emprisonnement d'Ahmad Saadat, puisqu’il était détenu dans les prisons de l’Autorité Palestinienne depuis quatre ans, ainsi que la responsabilité directe des États-Unis et de la Grande-Bretagne, partenaires stratégiques de l’occupant, dans ce crime contre Ahmad Saadat et le peuple palestinien.

Les leaders politiques nationaux palestiniens de diverses tendances ont fermement condamné le tribunal illégitime et sa sentence. Le procès a été condamné par Ismail Haniyeh, premier ministre du gouvernement de Gaza, par Mustafa Barghouthi, secrétaire général de l’Initiative Nationale Palestinienne, par Ahmad Bahar, président par intérim du CLP, par Azzam al-Ahmad, président du bloc législatif du Fatah, et par Daoud Shihab, porte-parole du Jihad Islamique.

Le 18 mars 2009, Ahmad Saadat a été soudainement transféré de la prison de Hadarim à celle d’Asqelan, en isolement. Ahmad Saadat a été soumis à plusieurs reprises à l’isolement cellulaire et à des mesures punitives sur ordre du régime israélien. Ahmad Saadat a été déplacé à plusieurs reprises d’une prison à l’autre et il a été souvent placé à l’isolement. Au mois de juin 2009, Ahmad Saadat a entamé une grève de la faim de neuf jours contre son isolement. Le 10 août 2009, Ahmad Saadat a été transféré des cellules d’isolement d’Asqelan à l’unité d’isolement de la prison de Ramon, dans le désert du Naqab.

Le 22 octobre 2009, Ahmad Saadat a été condamné à six mois supplémentaires d’isolement par les tribunaux militaires sionistes, après plus de deux cent six jours d’isolement. Plusieurs grandes grèves de la faim de prisonniers palestiniens, dont celle du mois de septembre et du mois d'octobre 2011 et celle du mois d'avril et du mois de mai 2012, ont fait de la fin de l’isolement d'Ahmad Saadat une revendication centrale.

Ahmad Saadat a finalement été libéré de l’isolement et il a été réintégré dans la population carcérale générale à la fin du mois de mai 2012, à la suite de l’accord visant à mettre fin à la grève de la faim des prisonniers. Il a ensuite été transféré de Ramon à la prison de Shata, à Gilboa.

Depuis les prisons de l’occupation israélienne, Ahmad Saadat continue de jouer un rôle de premier plan en tant que leader de la résistance palestinienne. Aux côtés de ses cinq mille codétenus prisonniers politiques palestiniens, il multiplie les grèves de la faim collectives, des déclarations de solidarité et des prises de positions soulignant un engagement résolu pour la libération de la Palestine de la mer au Jourdain. Par ailleurs, il exprime régulièrement sa solidarité avec les luttes en cours, en particulier contre l’impérialisme et le racisme, ou en soutien à la libération de Georges Abdallah qu’il reconnait comme étant le prisonnier général du FPLP.

Il faut soutenir sa libération, pour dénoncer clairement le rôle des puissances impérialistes dans son emprisonnement et dans la colonisation sioniste de la Palestine, mais aussi pour combattre la complicité de l’Autorité Palestinienne et de sa coordination sécuritaire dans l’oppression du peuple palestinien et dans la criminalisation de la résistance palestinienne.

Plus que jamais, nous devons développer la campagne internationale pour sa libération et celle de tous les prisonniers palestiniens. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez rejoindre la semaine internationale d’action pour la libération d’Ahmad Saadat du Samedi 15 Janvier au Samedi 22 Janvier 2022.

Partager cet article
Repost0
11 janvier 2022 2 11 /01 /janvier /2022 17:41

 

 

https://www.franceculture.fr/cinema/sidney-poitier-premiere-star-noire-dhollywood-et-defenseur-des-droits-civiques-est-mort

 

Sidney Poitier, première star noire d'Hollywood et défenseur des droits civiques, est mort

C’était une légende d’Hollywood. Le premier acteur noir à gagner un Oscar, en 1964, pour le Lys des Champs, Sidney Poitier, est mort à quatre-vingt-quatorze ans. Le monde se souviendra de lui pour ses rôles d’hommes droits, désirables et élégants, et pour son importance dans la perception des afro-américains à l’écran.

« Nous avons perdu une icône, un héros, un mentor, un combattant et un trésor national », a écrit Vendredi 7 Janvier 2022 le vice-premier ministre des Bahamas, Chester Cooper, sans mentionner la cause de la mort à quatre-vingt-quatorze ans de Sidney Poitier. Né prématuré à Miami, l'acteur et réalisateur à la double nationalité avait en effet grandi aux Bahamas. Il en fut d'ailleurs l’ambassadeur au Japon pendant dix ans. Mais le grand public se souvient avant tout de lui comme du premier afro-américain à être nommé pour l'Oscar du meilleur acteur, pour la Chaîne, avec Tony Curtis, en 1958, Ours d’Argent à Berlin pour ce même rôle, avant d'être le premier afro-américain à recevoir à trente-sept ans la prestigieuse statuette, pour le Lys des Champs, en 1964. Il était aussi un homme de lutte contre la pauvreté, l'analphabétisme et les préjugés.

Dans la Chaleur de la Nuit, un film de Norman Jewison, un politicien du sud ségrégationniste des États-Unis, interprété par Rod Steiger, gifle le personnage de Sidney Poitier, un détective de Philadelphie. Sidney Poitier le gifle à son tour, sans hésiter. Il faut se rendre compte de l’importance d’une telle image en 1967 dans une Amérique en plein mouvement des droits civiques et encore très marquée par la ségrégation, même si, à l’époque, l’acteur était déjà une star, la première star de cinéma noir, depuis le film de la Chaîne avec Tony Curtis en 1958.

« J'ai fait des films à une époque où le seul autre noir des studios était le cireur de chaussures », racontait-il à France-Soir en 1988, « je me sentais bien seul. Depuis, sont venus Eddie Murphy, Richard Pryor et dix autres qui ont pris la relève. Je suis un peu leur père. Je leur ai ouvert la voie ». En 2002, Denzel Washington lui avait d'ailleurs dédié son Oscar du meilleur acteur, Sidney Poitier venant de recevoir un Oscar d'honneur pour ses performances extraordinaires, sa dignité, son style et son intelligence.

Toute sa carrière, Sidney Poitier a refusé d’incarner les stéréotypes négatifs réservés aux noirs à l’écran, servants ou criminels, quitte à jouer souvent le même rôle d’homme droit, sans beaucoup d’aspérité, portant le costume, comme pour le docteur qui rencontre les parents de sa partenaire blanche dans Devine qui vient Dîner en 1967. Des militants de la cause noire le critiquent alors en le désignant comme le nègre de service, fantasme de blanc. Ses qualités irréelles de gendre idéal masquent sa négritude et les problèmes racistes, estiment-ils.

« Si nous sommes quarante millions, nous avons certainement droit à plus d’une star », avait déclaré Sidney Poitier dans une interview, en parlant des afro-américains. Encore au générique en 1997 du Chacal, avec Bruce Willis et Richard Gere, celui qui a réalisé neuf films a toujours accepté avec grâce et élégance qu’il ne représentait pas que lui-même. C’est ce qu’il expliquait à Oprah Winfrey en 2000, « pour que d’autres viennent après moi, il y avait certaines choses que je devais faire ».

En 2009, il avait fait partie des seize personnalités à recevoir des mains de Barack Obama la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction civile américaine.

Partager cet article
Repost0
11 janvier 2022 2 11 /01 /janvier /2022 13:15

 

 

https://blogs.mediapart.fr/philippe-marliere/blog/301221/ou-va-la-gauche-francaise

 

Où va la gauche française ?

Par Philippe Marlière

Jeudi 30 Décembre 2021

Edwy Plenel cite le journaliste allemand Kurt Tucholsky, « j'ai appris qu’il vaut mieux dire qu’il n’y a rien, plutôt que de se leurrer, soi et les autres ». Alors que des sondages indiquent que les intentions de vote pour deux candidats d’extrême droite dépassent trente pour cent des voix et que le total des intentions de vote à gauche avoisine vingt-cinq pour cent, nous pouvons effectivement craindre une catastrophe.

Edwy Plenel a coutume de le souligner. La France est une démocratie de basse intensité. Les gouvernements de droite et de gauche renâclent à l’idée qu’il puisse exister des contre-pouvoirs dans la société. C’est un tropisme français, fruit d’une culture républicaine élitiste et hostile au pluralisme. La fable de la république une et indivisible et le particularisme français, magiquement érigé en universalisme s’imposant à tous, disqualifient les corps intermédiaires et invisibilisent les minorités.

En 2008, Edwy Plenel a fondé Mediapart, un média qui pratique un journalisme d’investigation comme il n’en existait pas en France au moment de son lancement. La qualité et le sérieux de ses enquêtes sont aujourd’hui indisputés. Le média en ligne, indépendant de tout intérêt capitaliste, constitue un véritable contre-pouvoir, qui a fait des émules dans la presse indépendante. Mediapart a renouvelé un paysage médiatique français qui privilégie traditionnellement l’expression d’opinions dominantes par rapport à l’exposé de faits d’intérêt public.

Observateur de la scène politique française, Edwy Plenel vient de publier un livre dont le titre est « à gauche de l’impossible », aux éditions de la Découverte. Il s’agit d’un recueil d’articles publiés ces dix dernières années, qui comprend une introduction dont le titre est « face à la catastrophe ». Son auteur définit sans détour la situation actuelle. La démocratie française est dans un très mauvais état.

Edwy Plenel est le chroniqueur de la transformation de la France en démocratie autoritaire au nom d’une idéologie identitaire. « Où va la France », demande-t-il dans la partie centrale du livre. Ce titre de partie fait écho à un opuscule de Léon Trotsky qui rassemble des articles consacrés à la situation politique en France entre 1934 et 1938. Léon Trotsky y a disséqué les renoncements de la gauche, l’effondrement du Front Populaire et l’essor de forces autoritaires et antidémocratiques qui ont mené au désastre de 1940. De la même manière, Edwy Plenel analyse l’effondrement du quinquennat de Francois Hollande, l’affaire de Jérôme Cahuzac, la banalisation à gauche du racisme de Manuel Valls ou encore la question de la déchéance de la nationalité, qu’il qualifie d’ultime rupture du hollandisme avec les valeurs de gauche.

La déliquescence de la démocratie française, négligée et rudoyée à droite comme à gauche, est le fil rouge de ce livre. Edwy Plenel parle à cet égard de souffrance démocratique. Rarement une démocratie n’a connu un tel écart entre l’énoncé de ses valeurs nationales de liberté, d’égalité et de fraternité, et ce que ses institutions pratiquent au quotidien, politiques portant atteinte aux libertés publiques, corruption ou racisme, sous couvert de liberté d’expression ou de lutte contre le séparatisme.

La présidence d’Emmanuel Macron fait l’objet de critiques implacables, souvent méritées, mais dont l’auteur ne rappelle pas assez qu’elle s’inscrit dans la normalité des institutions de la cinquième république, cette démocratie de basse intensité, une élection présidentielle plébiscitaire et une présidence sans contre-pouvoirs, des partis et des syndicats faibles, une abstention électorale galopante, la mise à l’index continuelle des jeunes, des racisés et des étrangers, dont les migrants, des médias-croupions et une gauche incapable d’être populaire, dans le double sens d’être appréciée du public et aussi d’être proche de la population. Tout cela a précédé Emmanuel Macron, qui n’a certes rien fait pour corriger cette trajectoire antidémocratique et autoritaire.

Edwy Plenel voit dans les mouvements sociaux actuels, la jeunesse environnementaliste de Sivens, le mouvement antiraciste autour d’Adama Traoré et les violences policières, les Gilets Jaunes ou Me Too, le signe d’un renouveau démocratique, « la réponse ne viendra pas d’en haut, d’avant-gardes auto-proclamées, d’experts prétendus ou de gouvernants discrédités. Elle viendra du mouvement de la société elle-même, de ses mobilisations comme l’ont illustré ces dernières années en France le surgissement de mouvements sociaux inédits ».

Edwy Plenel a raison, mais on pourrait toutefois arguer que la gauche se tient largement à l’écart de ceux-ci, ce qui réduit largement l’impact de ces combats récents. Quant aux Gilets Jaunes, le mouvement est beaucoup trop hétérogène et ambigu sur le plan politique pour qu’on puisse y voir l’expression d’une gauche sociale et antiraciste en devenir.

Contrairement à ce qu’indique le titre de l’ouvrage, ce recueil d’articles n’a pas fondamentalement pour objet la gauche. Cette dernière apparaît néanmoins en toile de fond, comme un fantôme errant. Le directeur de Mediapart estime que « si la gauche est aujourd’hui bien en peine, fragile, minoritaire et divisée, c’est parce que, depuis les années 1980, elle s’est détachée de la société qui la légitimait pour s’identifier à l’état dont elle revendiquait la gestion ».

Edwy Plenel précise que la gauche ne doit pas rejeter l’idée même de gouverner, synonyme d’impuissance politique, mais qu’elle ne doit pas non plus gouverner contre les intérêts de son électorat du salariat ou de ses valeurs, les causes communes intersectionnelles, écologistes, antiracistes ou féministes.

« À gauche de l’impossible », le titre du livre, est une expression empruntée à Walter Benjamin. Le philosophe allemand qualifiait ainsi Kurt Tucholsky, le journaliste le plus lucide de la république de Weimar, qui se suicida à Göteborg en 1935. Kurt Tucholsky, comme Walter Benjamin, furent les témoins impuissants du délitement des démocraties, du reniement des élites politiques, du sabotage général des valeurs démocratiques et de l’anéantissement de la gauche.

Edwy Plenel cite Kurt Tucholsky, « j’ai appris qu’il vaut mieux dire qu’il n’y a rien, plutôt que de se leurrer, soi et les autres ». Alors que des sondages indiquent que les intentions de vote pour deux candidats d’extrême droite dépassent trente pour cent des voix et que le total des intentions de vote à gauche avoisine vingt-cinq pour cent des voix, nous pouvons effectivement craindre une catastrophe. La France pourrait élire prochainement un président d’extrême droite. C’est arrivé aux États-Unis et au Brésil, pourquoi pas en France ?

Avec la lucidité d’un Kurt Tucholsky, nous pouvons aussi estimer que, lorsque nous parlons de la gauche partisane, il n’y a rien, en tout cas pas grand-chose. Il faut en effet en être conscient pour ne pas se leurrer. La catastrophe s’est déjà abattue sur cette gauche. Aucun tribun ne passera dans un trou de souris en avril 2022, aucune figure morale ne rassemblera une gauche exsangue et aucune élection primaire populaire de dernière minute ne règlera le problème non plus. La gauche ne pâtit pas de la multiplicité de candidatures, cela a toujours existé, mais de l’absence d’un parti populaire agrégeant ses diverses sensibilités. À l’issue du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la gauche française est en effet plus inaudible, plus sectaire et plus impopulaire qu’elle ne l’était en 2017.

Depuis la chute du Parti Socialiste, la gauche partisane n’est plus que l’addition de micro-partis au faible ancrage social. Nous le voyons partout en Europe. La gauche qui gagne est celle qui parvient à réunir les différents courants du réformisme, dans sa version modérée et dans sa version radicale. Le Parti Socialiste a longtemps rempli cette fonction. En Grèce, lorsque le PASOK a été sévèrement sanctionné par les électeurs, Syriza est devenue la nouvelle force sociale-démocrate agrégeant autour d’elle différentes sensibilités de gauche.

En France, aucun parti n’a remplacé le Parti Socialiste dans ce rôle. Incidemment, je trouve extraordinaire qu’aucun ouvrage de science politique n’ait été consacré depuis cinq ans aux raisons multiples et complexes de la désagrégation du Parti Socialiste ou aux transferts de voix à gauche depuis 2017. Pour comprendre où va la gauche, il faudrait pourtant partir de là.

Edwy Plenel recense les caractéristiques essentielles de la gauche, elle est d’abord le refus de ce qui est, elle s’est toujours renouvelée par le bas et son moteur est l’égalité. Il est difficile de ne pas être en accord avec ces propos, mais il faudrait, lucidement encore, comparer ces résolutions principielles aux faits.

La gauche française s’est accommodée et continue de s’accommoder d’injustices flagrantes. Une large part de la sociale démocratie s’est auto-sabordée et elle a gravement endommagé la gauche en général en mettant en œuvre des politiques économiques néolibérales. Ce fut le cas du quinquennat de François Hollande, mais c’était déjà le cas des précédentes expériences socialistes au pouvoir. Ayant renoncé à la sociale démocratie la plus tempérée, cette gauche a embrassé un républicanisme universaliste autoritaire et raciste, ces socialistes, macronisés ou pas, ont repris le couplet sur l’islamophobie comme liberté de critiquer une religion et ils ont soutenu la mise à l’index des musulmans, soupçonnés par le gouvernement de séparatisme.

La gauche radicale n’est pas en reste. Négligeant le combat antiraciste, elle perd ainsi le soutien de la classe ouvrière racisée des banlieues. Au nom d’un marxisme de pacotille, elle a théorisé la fermeture des frontières aux migrants qui viennent manger le pain des travailleurs français. Au nom d’un campisme anti-américain, elle défend les dictatures chinoises, syriennes, russes ou vénézuéliennes, et cette gauche radicale reste sourde et aveugle face à l’éléphant qui occupe la pièce principale de sa maison, l’antisémitisme de nombre de ses dirigeants et de ses militants.

Largement indifférente aux libertés publiques, car non-matérialistes et bourgeoises, cette gauche a pourtant déraillé lors de la pandémie du coronavirus en hurlant à la dictature sanitaire contre le passeport sanitaire, au lieu de mener résolument campagne en faveur de la vaccination de tous. Des intellectuels de gauche ont connu d’éphémères succès de librairie en nourrissant les théories du complot relatives à la vaccination ou au passeport sanitaire.

Pour ce qui est du renouvellement par le bas, il faudra encore attendre. La gauche française s’est toujours renouvelée par le haut et par cooptation. Six ans à peine après son apparition météorique dans le paysage politique, il faudra faire le bilan du populisme de gauche, dont on ne parle déjà plus. Celui-ci a définitivement brouillé les repères entre la droite et la gauche et désamorcé toute critique sociale en termes de front de classes, pour ne retenir que l’incantatoire et réactionnaire notion de peuple, fonds de commerce des populistes de droite et d’extrême droite. En corollaire du populisme de gauche, il faudra également faire le bilan du confusionnisme idéologique des dirigeants de gauche qui ont tenté de trianguler à leurs dépens des thématiques réactionnaires et sécuritaires ou qui ont crû pertinent de converser avec des personnalités ou des revues d’extrême droite.

La pandémie actuelle n’a fait qu’accentuer une tendance déjà à l’œuvre avant 2020. La gauche militante est essentiellement devenue la gauche deux zéro, celle des indignations permanentes sur les réseaux sociaux, des mises en scène narcissiques et des réactions grégaires. Le militantisme est à réinventer à gauche. Une chose est sûre, les réseaux sociaux, largement ignorés par la population, ne peuvent demeurer ou devenir le théâtre principal de ceux qui s’engagent en politique.

C’est le sens du stimulant ouvrage d’Edwy Plenel. La gauche ne pourra se relever et redevenir populaire que si elle devient, enfin, démocratique, c’est-à-dire collégiale, plurielle, égalitaire et ouverte aux débats d’idées. C’est la condition sine qua non pour qu’elle puisse proposer un récit qui tranche avec les réactions, les fascismes et les racismes de notre époque.

Partager cet article
Repost0
11 janvier 2022 2 11 /01 /janvier /2022 12:39

 

 

https://palestinevaincra.com/2022/01/cinq-leaders-etudiants-palestiniens-de-luniversite-de-birzeit-arretes-par-les-forces-doccupation-israeliennes/

https://samidoun.net/2022/01/five-palestinian-student-leaders-at-birzeit-university-seized-by-israeli-occupation-forces/?fbclid=IwAR0n-4WPCdo5btvGXk71DI9NVoB345rLfXA3QW42Wci_MzMPuaeqs23os0k

 

Cinq leaders étudiants palestiniens de l’université de Birzeit arrêtés par les forces israéliennes d'occupation

Lundi 10 Janvier 2022, les forces israéliennes d’occupation ont arrêté cinq leaders étudiants palestiniens devant la porte est du campus de l’université de Birzeit, suscitant protestation et indignation face aux attaques continues contre la vie étudiante palestinienne. Les forces spéciales d’occupation ont violemment pris d’assaut le campus avec une force combinée d’unités déguisées portant des armes de poing et de soldats entièrement armés, ouvrant le feu à balles réelles contre les étudiants palestiniens. Le réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun, dont est membre le Collectif Palestine Vaincra (CPV), appelle les organisations étudiantes et les partisans de la Palestine partout dans le monde à s’organiser, à agir et à faire campagne pour libérer ces cinq étudiants et les centaines d’étudiants palestiniens emprisonnés par l’occupation israélienne.

Ils ont arrêté cinq leaders étudiants. Ils ont arrêté Ismail Barghouthi, coordinateur du Bloc Islamique, ils ont arrêté Waleed Harazneh, coordinateur du Bloc d'Unité des Etudiants, ils ont arrêté Abdel-Hafez Sharabati, coordinateur de l’Union des Etudiants Progressistes, ils ont arrêté Mohammed Khatib, représentant du Pôle Etudiant Démocratique Progressiste, et ils ont arrêté Qassem Nakhleh, militant du Bloc Islamique.

Les forces d’occupation se sont avancées derrière les étudiants alors qu’ils arrivaient à l’université et elles ont ouvert le feu contre eux avant de les pousser au sol. Les soldats déguisés conduisaient ce qui semblait être une camionnette de livraison de marchandises, tandis que des soldats en tenue complète étaient dissimulés à l’arrière de la camionnette. Ismail Barghouthi a reçu une balle dans la cuisse et il a été transporté à l’hôpital. Qassem Nakhleh et Abdel-Hafez Sharabati ont également été blessés par la violente agression des soldats israéliens.

Les cinq leaders étudiants ont fait partie des mobilisations et des protestations étudiantes en cours qui mettent en cause l’administration de l’université pour avoir enquêté et pour avoir sanctionné des responsables d'organisations étudiantes palestiniennes pour avoir organisé et participé à des événements sur le campus au mois de décembre 2021 en soutien à la résistance palestinienne.

L’université a été fermée Lundi 10 Janvier 2022 en raison des manifestations étudiantes en cours, qui exigent des changements de la part de l’administration universitaire et la fin des politiques de soumission aux demandes de l’occupation israélienne et de l’Autorité Palestinienne, dans le cadre de la coordination sécuritaire, pour réprimer le militantisme et l’organisation des étudiants sur le campus.

Les cinq étudiants arrêtés font partie de la direction du mouvement étudiant. Lundi 10 Janvier 2022, ils se rendaient précisément sur le campus afin de rencontrer le syndicat des travailleurs de l’université de Birzeit pour discuter des manifestations en cours et des appels à l’action. Au lieu de tenir cette réunion entre les blocs étudiants et les travailleurs de l’université, les responsables étudiants ont été blessés, notamment par balles, et ils ont été arrêtés par les forces israéliennes d’occupation.

Ils se sont rendus ensemble à l’université alors qu’ils venaient de quitter le sit-in de solidarité organisé à Ramallah en soutien au prisonnier palestinien Nasser Abu Hamid, actuellement dans le coma en raison d’un cancer avancé et mourant dans un hôpital de l’occupation israélienne.

L’arrestation des cinq leaders étudiants a suscité l’indignation face à la politique permanente de l’occupation israélienne visant à attaquer et à réprimer l’organisation des étudiants palestiniens, ainsi que face à l’administration de l’université de Birzeit et à l’Autorité Palestinienne. Le rôle de l’Autorité Palestinienne dans la coordination sécuritaire avec l’occupation israélienne s’est traduit récemment par de nombreuses arrestations d’étudiants palestiniens, au cours desquelles ils ont été soumis à la torture et interrogés sur leur rôle dans le mouvement étudiant de Birzeit.

En sanctionnant les leaders étudiants et en les faisant comparaître devant un comité spécial pour d’éventuelles mesures disciplinaires après l’organisation d’événements nationaux palestiniens sur le campus, l’administration de l’université de Birzeit a également été complice de la criminalisation et de la répression des étudiants, ont souligné les blocs étudiants palestiniens à la suite des arrestations. Alors que l’université a condamné l’attaque sur son campus, les commentaires sous sa déclaration sur les réseaux sociaux ont souligné à plusieurs reprises que l’université avait manqué à son obligation de protéger les étudiants et de soutenir leurs droits.

Les blocs étudiants ont exigé que l’université mette en œuvre les demandes du mouvement étudiant de soutenir l’organisation nationale palestinienne sur le campus et d’arrêter les comités d’enquête contre les leaders étudiants afin d’adopter une position claire contre ces attaques de l’occupation. Le Bloc Islamique a affirmé que le mouvement étudiant s’est engagé à rester ferme contre toutes les tentatives d’affaiblir l’université en tant que site de la lutte palestinienne, par l’occupation elle-même et par ceux qui agissent en subordination aux exigences du régime israélien.

Les étudiants manifestent actuellement devant les portes de l’université et ils ont appelé à une manifestation Mardi 11 Janvier 2022 en soutien au mouvement étudiant et pour libérer les leaders étudiants emprisonnés.

Des centaines d’étudiants palestiniens sont détenus par l’occupation israélienne. Rien qu’à l’université de Birzeit, cinquante-cinq étudiants ont été arrêtés en 2021 et soixante-six étudiants sont actuellement détenus dans les prisons de l’occupation israélienne, dont huit sont en détention administrative sans inculpation ni jugement. Ils font partie d’un total de plus de quatre mille cinq cents prisonniers politiques palestiniens emprisonnés par le régime d’occupation israélien.

La campagne Free Palestinian Students mobilise plus de trois cent organisations à travers le monde pour défendre les étudiants palestiniens contre l’emprisonnement politique et pour exiger leur liberté.

Nous nous unissons pour appeler à l’action et au soutien des étudiants palestiniens derrière les barreaux, notamment pour le soutien du mouvement pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) contre Israël, y compris les institutions universitaires israéliennes, qui sont pleinement complices de la privation systématique des droits des palestiniens.

Nous nous unissons pour mettre fin à toute aide militaire et économique, aux transactions militaires, aux projets conjoints et au financement direct du régime israélien d’occupation par les gouvernements du monde entier.

Nous nous unissons pour contester les programmes de normalisation qui visent à légitimer l’occupation israélienne, il s’agit d’une tentative de légitimer la criminalisation et la répression des étudiants palestiniens.

Nous nous organisons pour construire des liens directs de solidarité avec les étudiants palestiniens et le mouvement étudiant palestinien, afin de nous assurer qu’ils ne seront pas isolés de leur communauté mondiale de soutien malgré toutes les tentatives de l’occupation israélienne.

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2022 1 10 /01 /janvier /2022 18:47

 

 

https://www.lejdd.fr/Societe/tribune-2700-acteurs-de-leducation-et-des-medecins-denoncent-le-bilan-de-macron-et-de-blanquer-a-lecole-4086748

 

Deux mille sept cent acteurs de l'éducation et médecins dénoncent le bilan d'Emmanuel Macron et de Jean Michel Blanquer

Samedi 8 Janvier 2022

Des médecins, des stylos rouges et plus de deux mille sept cent acteurs de l'éducation dont des enseignants du premier ou second degré, des professeurs en lycée professionnel, des directeurs d’écoles, des enseignants-chercheurs ou des parents d'élèves, dénoncent la politique d'Emmanuel Macron et de Jean-Michel Blanquer à l'école.

À la lecture de la tribune dithyrambique parue dans le Journal Du Dimanche (JDD) concernant l'action d'Emmanuel Macron et de Jean Michel Blanquer dans le domaine de l'éducation depuis le mois de mai 2017, nous nous sommes demandés si c'était bien de l'école française dont il était question, tant la description idéalisée faite dans ce texte est éloignée de la réalité du terrain vécue par les acteurs du monde de l'éducation. Dans le domaine sanitaire, des réformes et de la revalorisation, la gestion nous a au contraire semblé marquée par l'autoritarisme du ministre et le manque de volonté d'implication.

Des investissements ont été refusés, y compris pendant la crise sanitaire. Après avoir économisé sur le budget de l'éducation nationale, six cent millions d’euros en 2020 et soixante quinze millions d'euros en 2021, le gouvernement a récemment débloqué vingt millions d'euros pour aider les collectivités locales à acheter des capteurs de gaz carbonique, en limitant l'information par une circulaire aux recteurs. En Europe, la plupart de nos voisins ont davantage investi. Rien que pour l’aération, ils ont investi vingt neuf millions d'euros au Royaume-Uni, soixante millions d'euros en Irlande et deux cent millions d'euros en Allemagne, alors que pour les recrutements l’Italie a débloqué un milliard six cent millions d'euros dès l’été 2020.

Pourtant l’enjeu était de taille, investir pour sécuriser les établissements scolaires et leur permettre de rester ouverts en minimisant les risques pour la santé. Depuis deux ans, le ministre a raté le débat sur l'école ouverte et sécurisée, tant réclamée, préférant combattre un homme de paille qui souhaiterait selon lui fermer les écoles. Professionnels de l’éducation, parents et scientifiques, nombreux sont ceux qui ont régulièrement appelé à une école ouverte et sécurisée de l’été 2020 jusqu’à la fin de l'année 2021.

Les demandes répétées de sécuriser les classes, les cantines et les salles de sport, maillons faibles reconnus de l’école, n’ont jamais été entendues. Au contraire, malgré la dégradation de la situation sanitaire, le ministre a régulièrement allégé le protocole sanitaire, exposant sciemment les personnels, les élèves et les familles au virus, retrait des masques dans certains départements, dégradation des conditions menant à la fermeture de classes et diminution des règles d’isolement. La vague actuelle signe l’échec d’une prévention insuffisante.

L’absence de transparence a été un autre marqueur de la gestion sanitaire des établissements scolaires. Pourtant, selon le Jean-Michel Blanquer de 1999, la responsabilité est le passif qui vient équilibrer l’actif de tout pouvoir et elle présente une double dimension, le droit d’agir et le devoir de rendre compte, la responsabilité des gouvernants, selon René Descartes. Mais à aucun moment, les données scientifiques sous-jacentes au protocole ou les seuils de contaminations, d’hospitalisations, de réanimations et de morts, pédiatriques et adultes, pour passer d’un niveau à l’autre du protocole sanitaire, n’ont été communiqués, s’ils existent.

Des objectifs clairs et évaluables par la population sont souhaitables et nécessaires. En outre, le ministre de l'éducation nationale a la fâcheuse tendance de communiquer les évolutions de protocole les veilles de rentrée, le plus souvent dans des articles à accès payant, laissant aux parents, aux élèves et aux personnels, l’embarrassante gestion de son impréparation. Un ministre ne devrait pas se défausser ainsi de ses responsabilités, en refusant le dialogue et en imposant la libre circulation virale et les dangers induits à titre individuel et collectif.

Concernant le volet éducatif, Jean-Michel Blanquer et ses soutiens se targuent d’avoir mis la lutte contre les inégalités sociales au cœur de ce quinquennat. Hélas, les faits sont têtus. Dans le premier degré, sous couvert des évaluations nationales et internationales, le ministre a recentré les apprentissages sur le français et les mathématiques sans donner des moyens supplémentaires aux heures de formation. Ce recentrage a pour effet le renforcement des inégalités, priver les élèves des milieux défavorisés de culture commune n’est pas synonyme de démocratisation des savoirs.

La priorité au primaire se concentre depuis quatre ans sur les seuls dédoublements de classes en éducation prioritaire. Mais certaines notes, dont celles de la Direction de l'Evaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP), interrogent déjà sur l’efficacité de ces dédoublements. Les effets positifs que devraient produire la baisse des effectifs ne sont toujours pas prouvés et ce dispositif consomme énormément de postes, augmentant de fait les effectifs d’autres classes. C’est en supprimant des postes du dispositif de plus de maîtres que de classes, dispositif pourtant plébiscité par les enseignants, mais aussi des postes de remplaçants, que ces dédoublements ont pu se faire.

La politique du ministre est également basée sur un contrôle des pratiques enseignantes avec des injonctions sur les méthodes pédagogiques des enseignants. Cette caporalisation pèse sur les équipes enseignantes qui ne disposent plus de leur liberté pédagogique.

Dans le second degré, les réformes ont été menées au pas de charge, sans considération pour les personnels, et elles ont aussi mis à mal l’égalité des chances. La réforme du baccalauréat a supprimé son caractère national. Désormais, une part importante de contrôle continu dessine les contours d’un baccalauréat local, moins égalitaire. La réforme du lycée a, de son côté, renforcé les inégalités de genre et les inégalités sociales. Les chiffres de la DEPP sont édifiants. Par exemple, soixante et un pour cent des filles avaient choisi les mathématiques en première en 2019 contre cinquante cinq pour cent en 2020. Soixante dix huit pour cent des garçons avaient choisi les mathématiques en première en 2019 contre soixante quatorze pour cent en 2020. Le lycée de Jean Michel Blanquer, c’est donc celui où les plus initiés du système scolaire font les choix d’établissements et d’options les plus à même de leur ouvrir les bonnes portes dans l'enseignement supérieur.

La réforme a également réduit le nombre d'heures de mathématiques au lycée de vingt pour cent, alors que les résultats sont réputés insuffisants dans les études du Programme International pour le Suivi des Acquis (PISA) des élèves et du Trends In Mathematics and Science Study (TIMSS). Cette réforme apparaît à long terme comme un calcul hasardeux. Concernant le renouveau du grec et du latin dont se gargarisent Jean-Michel Blanquer et ses soutiens, la réforme imposée au lycée par le ministre a réduit les effectifs de dix neuf à vingt quatre pour cent. Les suppressions de postes d'enseignants dans le second degré sont un autre marqueur évident de la volonté actuelle de réaliser des économies aux dépens de la qualité de l'éducation offerte à nos élèves.

En cinq ans, sept mille neuf cent postes ont été supprimés dans les collèges et les lycées dans toute la France. Cela revient à rayer cent soixante quinze collèges de la carte. Cette volonté de réduction de l'offre éducative est d'autant plus paradoxale que le nombre d'élèves a augmenté dans le second degré pendant la même période. Moins d’enseignants pour plus d’élèves, voilà une équation qui ne cesse d’interroger. Parallèlement, pour mieux former les élèves de lycée professionnel, la transformation de ce dernier en 2019 a réduit leur temps de formation d’un nombre conséquent d’heures de cours. Qui peut croire qu’on forme mieux avec moins ?

Le collège a également subi bon nombre de suppressions de postes pendant ce quinquennat, qui ont dégradé les conditions d’apprentissage des élèves, avec en particulier une augmentation du nombre d’élèves par classe. Quant au dispositif des devoirs faits, il n’est qu’un palliatif incomplet et décalé par rapport aux besoins des élèves. Si une aide aux devoirs peut être profitable à certains élèves, les élèves, notamment les élèves en difficulté, progressent davantage avec leur professeur, en classe et en petits groupes. Il est pour le moins paradoxal de voir le ministre champion autoproclamé de l'école ouverte développer les devoirs faits à distance.

Au chapitre de l'école inclusive, nombreux sont les élèves disposant de notifications d'accompagnement qui ne peuvent être suivies d'effets, ou sinon par un accompagnement limité à quelques heures par semaine. Les Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap (AESH) vivent pour la plupart sous le seuil de pauvreté. Le premier salaire d’un AESH en Contrat de travail à Durée Indéterminée (CDI) est de sept cent quatre vingt quatre euros par mois. La maigre revalorisation annoncée récemment ne compensera même pas l'inflation et leur pouvoir d'achat est donc voué à continuer son érosion.

Enfin, un autre repère de l'importance réelle accordée à l'éducation est le salaire versé à ceux qui en ont la charge. Les salaires des personnels de terrain de l'éducation nationale sont notoirement mauvais, bien en deçà des standards moyens des pays développés. Même au sein de la fonction publique d'état, les enseignants touchent vingt quatre pour cent de moins que les autres fonctionnaires de catégorie A, soit onze mille cinq cent cinquante six euros nets annuels en moins, selon les chiffres de l'Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE) du 7 juin 2021. Les annonces du Grenelle de l’Éducation sont bien insuffisantes. Quarante six pour cent des personnels ne sont pour l'instant pas concernés par les revalorisations.

Pour la première fois dans l'histoire de la cinquième république, le gouvernement a gelé pendant l’intégralité de son quinquennat le point d'indice, base de la rémunération des fonctionnaires et outil de maintien de leur pouvoir d'achat face à l'inflation. Le pouvoir d’achat des enseignants a ainsi chuté entre quinze et vingt cinq pour cent entre 2000 et 2019. Le nombre de candidats aux concours d'enseignement est en chute libre depuis plusieurs années. Pour les concours externes du second degré général et technologique, deux mille deux cent huit postes n’ont pas été pourvus et sont donc perdus depuis 2018. Le métier n’attire plus et ce gouvernement porte une lourde responsabilité dans la perte d’attractivité de nos métiers.

En définitive, Jean-Michel Blanquer a effectivement fait évoluer notre système éducatif. Il l’a profondément mis à mal, d’une part en aggravant les inégalités sociales, d’autre part en dégradant les conditions d’apprentissage et de travail de millions d’élèves et de milliers de personnels, ainsi qu’en ne sécurisant pas sanitairement les écoles, privilégiant une ouverture quoi qu’il en coûte, afin d’éviter de mettre l’économie française en carafe, selon la formule du premier ministre, avant d’opter pour une école ouverte plus socialement acceptable qu’une garderie à ne pas fermer. L'école de Jean Michel Blanquer est celle de la reproduction sociale d’une forme de complaisance avec le privé au détriment de l'école publique.

Premiers signataires

Laurence de Cock, Gilles Martinet, Thierry Amouroux, Elsa Faucillon, Annie Lahmer, Marie-Christine Vergiat

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2022 1 10 /01 /janvier /2022 18:02

 

 

https://la-dynamique.fr/legislatives-2022-des-candidats-pour-la-conquete-democratique/

 

Des candidats pour la Conquête Démocratique aux élections législatives du mois de juin 2022

Message de la Dynamique Populaire Constituante du Lundi 29 Novembre 2021

Appel à présenter des candidats constituants aux élections législatives du mois de juin 2022

Un groupe de collectifs citoyens et d’organisations s’est formé et appelle les abstentionnistes, les partisans du vote blanc et nul, les jeunes et les classes populaires et moyennes à se mobiliser en vue des élections législatives. Cette coalition présentera en effet des candidats sous la bannière de la Conquête Démocratique aux élections législatives du mois de juin 2022. Elle est ouverte à tous les collectifs et à toutes les organisations en accord avec l’appel ci-dessous, comme aux citoyens à titre individuel.

La vie politique française tourne actuellement de façon obsessionnelle autour de la seule élection présidentielle du mois d'avril 2022. Pourtant, d’autres élections dont on parle beaucoup moins se tiendront la même année, les élections législatives du mois de juin 2022. Si l’élection présidentielle infantilise le peuple en lui demandant de se livrer à un homme providentiel censé régler tous les problèmes, les élections législatives peuvent rester un exercice beaucoup plus démocratique, pour peu que les candidats soient désignés directement à la base par des citoyens de la circonscription, puis qu’ils soient les mandataires de tous les citoyens français, qu’ils les consultent pour leur action et leurs votes à l'assemblée, qu’ils soient sous leur contrôle permanent en cas d’élection et qu’ils portent le projet de Conquête Démocratique. Ce n’est le cas aujourd’hui d’aucune force politique déclarée.

Les candidats de la Conquête Démocratique auront pour objectif de recueillir le soutien et de susciter la mobilisation de la population pour élaborer une nouvelle constitution, soumise à référendum, après un vaste processus constituant populaire.

Face à la déliquescence généralisée de la société, l’élaboration d’une nouvelle constitution, grâce au débat public entre tous les citoyens, est la réponse qui permettra de changer non seulement de régime politique mais de système. La constitution d'un pays est la loi suprême qui organise toute la société. C’est bien la question qui nous est posée, comment réorganiser toute la société et pas simplement tel ou tel de ses aspects ?

Ainsi, les candidats de la Conquête Démocratique ne présenteront pas une constitution déjà rédigée en tout ou partie, mais des éléments de réflexion et des propositions soumises au débat public. D’ailleurs, parmi les participants à la coalition, tous ne partagent pas nécessairement les mêmes points de vue sur tous les sujets. En revanche, nous sommes tous d’accord sur la création d’un cadre qui permettra de faire avancer la cause de la Conquête Démocratique à travers ce projet de nouvelle constitution.

Celle-ci devra en tout premier lieu transformer en obligations faites à l'état le contenu démocratique des textes figurant dans le bloc de constitutionnalité, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et la charte de l’environnement de 2004.

Au lieu de rester purement déclaratifs, les droits humains universels énoncés dans ces textes deviendraient opposables. Cette nouvelle constitution devrait ainsi aborder les quatre grandes questions qui nécessitent de redéfinir non seulement de nouveaux principes politiques, mais aussi leurs modalités constitutionnelles concrètes de réalisation.

Elle devra aborder la question des principes démocratiques, avec la reconquête de la souveraineté nationale face à la mondialisation néolibérale et à sa déclinaison locale de l’Union Européenne.

Elle devra aborder la question de la reconquête de la souveraineté populaire afin de mettre le peuple au sommet de l’architecture juridique et politique du pays.

Elle devra aborder la question de la reconnaissance symbolique et culturelle des classes populaires, dont les invisibles.

Elle devra aborder la question du recours au moins annuel à plusieurs référendums sur les grandes questions stratégiques, lois de finance, révisions constitutionnelles, lois de programmation et Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC), dans des conditions d’égalité médiatique du pour et du contre lors des délibérations, de pair avec une déconcentration et une démocratisation des médias.

Elle devra aborder la question de la reconstruction d’un état protecteur, efficace et contrôlé par les citoyens, pour éviter toute déviance de monopole du pouvoir.

Elle devra aborder la question des principes sociaux, avec la reconstruction des institutions issues du Conseil National de la Résistance (CNR) et de la Libération, comme la sécurité sociale.

Elle devra aborder la question de la redéfinition complète des politiques et des infrastructures de santé publique.

Elle devra aborder la question de la réduction des inégalités dans tous les domaines par un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux salaires qu'aux profits.

Elle devra aborder la question de la mise en œuvre du droit opposable à l’emploi, l'état étant l’employeur en dernier ressort.

Elle devra aborder la question du retour des services publics, notamment dans les zones rurales et les banlieues abandonnées.

Elle devra aborder la question des principes environnementaux et de leurs modalités d’application concrètes permettant le retour de la biodiversité, la diminution rapide et massive de toutes les pollutions, la souveraineté, l’indépendance et la qualité alimentaire, et la responsabilisation des entreprises face à l’environnement.

Elle devra aborder la question des principes économiques, avec la nécessité de s’autonomiser des marchés financiers internationaux, du système du commerce international fondée sur la concurrence déloyale entre les travailleurs et le libre-échange et des firmes mondiales géantes dans les services, l’industrie, la banque et la finance.

Elle devra aborder la question de la justice fiscale, de la limitation de l’accumulation de capital et de la place de l’économie dans la société.

Les citoyens abstentionnistes, premier parti de France, mais aussi des millions d’autres, sont ainsi invités à voter en masse aux élections législatives pour les candidats qui porteront la bannière de la Conquête Démocratique.

Cette bannière commune permettra à des collectifs de s’y rattacher, tout en préservant leur identité et leur autonomie. Des citoyens, à titre individuel, pourront également s’engager.

Si votre collectif est intéressé ou si, à titre personnel, vous souhaitez participer aux assemblées de circonscription et que vous voulez vous engager pour la Conquête Démocratique, prenez contact avec nous.

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2022 1 10 /01 /janvier /2022 17:32

 

 

https://www.agendamilitant.org/Non-au-passe-securitaire-ou-vaccinal-Resistons-et-Restons-solidaires-183.html#

 

Contre le passeport sécuritaire ou vaccinal, résistons et restons solidaires

Lors du débat public organisé le 16 novembre 2021 par la coordination contre la répression et les violences policières en Ile de France sur « le passeport sanitaire, arme sécuritaire, résister et rester solidaires », il a été décidé de donner suite à ce débat afin d’organiser la défense solidaire des personnes, avec ou sans emploi, licenciées ou suspendues, sans salaire ni allocations chômage, et privées de droits fondamentaux.

La probabilité du vote par l'assemblée nationale du passeport vaccinal, quasi vaccination obligatoire, aggrave terriblement la remise en cause de nos libertés quotidiennes et de nos droits sociaux.

Une deuxième réunion publique a été organisée le 14 décembre 2021 par la section syndicale de la Confédération Générale du Travail (CGT) de la Société de Restauration du Musée du Louvre, Stop Précarité, le Syndicat Unitaire et Démocratique (SUD) du Commerce et des Services de l'Ile de France et le Syndicat Unitaire et Démocratique de l'Emploi, et elle a proposé de multiplier les comités de quartier et les initiatives de résistance et de solidarité.

Une troisième assemblée générale aura lieu Mercredi 12 Janvier 2022 de 18 heures 30 à 21 heures 30 à la Bourse du Travail de Paris, 3 rue du Château d’Eau, 75 010 Paris, salle Jean Jaurès, Métro République. Cette réunion aura pour but d’échanger les expériences, de nous organiser pour étendre les mobilisations, de mieux définir nos revendications et de constituer un collectif en vue si possible d’une coordination nationale.

 Nous vous convions donc à cette réunion et nous vous invitons tous à nous rejoindre ou à créer des liens entre les divers collectifs de résistance et de défense des droits. Rappelons que l’objet de cette réunion comme des précédentes, où la parole sera ouverte, sera exclusivement la défense solidaire des personnes privées de droits du fait de l’obligation du passeport sanitaire ou vaccinal et qu'elle ne portera pas sur la question des vaccins.

Partager cet article
Repost0
9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 17:24

 

 

MARXISME ET CHRISTIANISME

Dimanche 9 Janvier 2022

Michael Lowy écrivait récemment un très long message relatif au marxisme et au christianisme. Vous trouverez ci-dessous la dernière partie de ce message relatif à la théologie de la libération en Amérique Latine. Le message est disponible en totalité si vous consultez le blog Médiapart de Michael Lowy à l'adresse ci-dessous.

Bernard Fischer

 

https://blogs.mediapart.fr/michael-lowy/blog/241221/marxismes-et-christianismes

MARXISME ET CHRISTIANISME

Ce qu’on va trouver, une génération plus tard, en Amérique Latine, fut d'une autre dimension. Tout un mouvement social, notamment dans la jeunesse catholique, va s’approprier certains concepts marxistes et formuler une nouvelle vision chrétienne socialiste. Ce mouvement, né au Brésil au début des années 1960, après la révolution cubaine, mais avant le deuxième concile du Vatican, va prendre différentes formes, dont la formation, en 1962, par des militants de la Jeunesse Universitaire Chrétienne (JUC), d’un parti politique socialiste et humaniste, l’Action Populaire. Ce n’est que bien plus tard, après 1971, que va se développer, à partir de cette expérience socio-politique, la théologie de la libération, non seulement au Brésil mais dans toute l’Amérique Latine.

Un des épisodes les plus frappants de cette convergence entre catholicisme et marxisme fut l’engagement, de 1968 à 1970, d'un groupe de frères dominicains du Couvent de Perdizes, à Sâo Paulo, avec la résistance armée contre la dictature militaire établie en 1964 au Brésil. Un livre de Leneide Duarte-Plon est une biographie d’un de ces dominicains brésiliens, Frei Tito de Alencar, qui paya de sa vie cet engagement social et politique. 

Militant de la Jeunesse Etudiante Chrétienne (JEC), entré dans l’Ordre Dominicain en 1966, Tito de Alencar partageait, avec ses frères du Couvent de Perdizes à Sâo Paulo, l’admiration pour Ernesto Che Guevara et Camilo Torres et le désir d’associer Jésus Christ et Karl Marx dans le combat pour la libération du peuple brésilien. Tito de Alencar était proche de l’Action Populaire, qui était hégémonique dans le mouvement étudiant, et il contribuera à l’organisation clandestine, en 1968, du congrès de l’Union Nationale des Etudiants Brésiliens dans le village d’Ibiuna. Comme tous les délégués, il sera arrêté par la police à cette occasion, mais bientôt libéré.

Suite au durcissement de la dictature militaire en 1968 et l’impossibilité de toute protestation légale, l’aile la plus radicale de l’opposition à la dictature prendra, à partir de ce moment, les armes. La principale organisation de lutte armée contre le régime était l’Action de Libération Nationale (ALN), fondée par un dirigeant communiste dissident, Carlos Marighella. Un groupe de jeunes dominicains, Frei Betto, Yvo Lesbaupin, Fernando Brito et d’autres, vont s’engager avec l’ALN, sans prendre les armes, mais en apportant un soutien logistique. Sans appartenir à ceux qui collaborent directement avec Carlos Marighella et ses camarades, Tito de Alencar est solidaire de leur engagement. Comme eux, il croit que l'évangile contient une critique radicale de la société capitaliste et, comme eux, il croit à la nécessité d’une révolution. Comme il écrira plus tard, « la révolution est la lutte pour un monde nouveau, une forme de messianisme terrestre, dans lequel il y a une possibilité de rencontre entre chrétiens et marxistes ».   

Le 4 novembre 1969, pendant la nuit, le commissaire de police Sergio Fleury envahi le Couvent de Perdizes et arrête plusieurs dominicains, dont Frei Tito de Alencar. La plupart seront torturés et leurs aveux permettront à la police de tendre un piège à Carlos Marighella et de l'assassiner. Tito de Alencar n’avait pas le contact avec l’ALN et il répondait par la négative à toutes les questions. Il fut deux fois soumis à la torture par des chocs électriques à la fin de l'année 1969 et au début de l'année 1970, d’abord par Sergio Fleury et après dans les locaux du service de renseignements de l'armée, désigné par les militaires comme la succursale de l’enfer. Pour échapper à ses bourreaux, il tente de se suicider avec une lame de rasoir. Interné à l'hôpital militaire, il reçoit la visite du cardinal de Sâo Paulo, Agnelo Rossi, un personnage conservateur, qui se solidarise avec les militaires et qui refuse de dénoncer les tortures des dominicains. Envoyé finalement dans une prison ordinaire, Tito de Alencar écrit un récit de ses souffrances qui sera publié par la revue américaine Look et distribué au Brésil par les militants de la résistance, avec un retentissement considérable. Le pape Paul VI finit par condamner un grand pays qui applique des méthodes d’interrogation inhumaines et il remplace Agnelo Rossi par Paulo Evaristo Arns, nouveau cardinal de Sâo Paulo, connu pour son engagement en défense des droits de l’homme et contre la torture.

Quelques mois plus tard, des révolutionnaires enlèvent l’ambassadeur suisse et l’échangent par la libération de soixante-dix prisonniers politiques, dont Tito de Alencar. Le jeune dominicain hésite à accepter, tant l’idée de quitter son pays lui est étrangère. Les soixante-dix anciens prisonniers seront bannis du pays et interdits de retour. Après un bref séjour au Chili, Frei Tito de Alencar s’établit chez les dominicains au Couvent Saint-Jacques à Paris. L’exil est pour lui une grande souffrance, « c'est très dur de vivre loin de son pays et de la lutte révolutionnaire. Il faut supporter l’exil comme l’on supporte la torture ». Il participe aux campagnes de dénonciation des crimes de la dictature et il se met à étudier la théologie et les classiques du marxisme, « j'accepte l’analyse marxiste de la lutte de classes. Pour qui veut changer les structures de la société, Karl Marx est indispensable, mais la vision du monde que j’ai comme chrétien est différente de la vision du monde marxiste ». Le dominicain français Paul Blanquart, connu pour ses options à gauche de Jésus Christ, le décrit comme le plus engagé et le plus révolutionnaire des dominicains.

Cependant, avec le passage du temps, Tito de Alencar donne des signes de plus en plus inquiétants de déséquilibre psychique. Il se croit suivit et persécuté par son tortionnaire, le commissaire Sergio Fleury. On lui propose donc, en 1973, un lieu plus tranquille, le couvent dominicain de l’Arbresle. Il devient l’ami du frère dominicain Xavier Plassat, qui tente de l’aider, et il suit un traitement psychiatrique chez le docteur Jean-Claude Rolland, en vain. Après le coup d’état au Chili du mois de septembre 1973, il devient de plus en plus angoissé, convaincu que Sergio Fleury le persécute encore et que les dominicains, ou les infirmiers de l’hôpital psychiatrique, sont ses acolytes. Finalement, à bout de forces et désespéré, le 8 août 1974, il choisit le suicide par pendaison.

Son ami dominicain, le Frère Xavier Plassat finira par s’établir au Brésil, où il deviendra l’organisateur de la campagne contre le travail esclave de la Commission Pastorale de la Terre. Selon son témoignage, « mon travail ici est un héritage laissé par Tito de Alencar ».

Comme nous le savons, le Vatican, sous Jean-Paul II et sous Georg Ratzinger, a rejeté la théologie de la libération comme une erreur, à cause, notamment, de son usage indiscriminé de concepts marxistes.

Avec l’élection de Jorge Mario Bergoglio, le pape François, d’origine argentine, une période nouvelle semble s’ouvrir. Non seulement Gustavo Gutierrez a été reçu au Vatican, mais le pape a décidé, lors d’une rencontre en 2014 avec Alexis Tsipras et Walter Baier, deux dirigeants de la gauche européenne, d’ouvrir un dialogue entre les marxistes et les chrétiens. Des dialogues de ce type avaient eu lieu dans l’après-guerre, dans certains pays d’Europe, en France, en Italie et en Allemagne, mais une initiative sous l’égide du Vatican est sans précédent.

Le pape a délégué pour ce dialogue l’archevêque Angelo Vincenzo Zani, secrétaire de la congrégation du Vatican pour l'éducation catholique, et le mouvement Focolari, un réseau laïc fondé par Chiara Lubich dans l’Italie de l’après-guerre. Le livre Europe in Common est la première publication de cette tentative d’explorer une éthique sociale transversale. Deux des éditeurs de l’ouvrage, Franz Kronreif et Luisa Sello, appartiennent au reseau Focolari, et les deux autres, Walter Baier, ancien secrétaire général du Parti Communiste Autrichien, et Cornelia Hildebrandt, de la Fondation Rosa Luxemburg de Berlin représentent Transform, réseau de fondations de recherche marxiste liées au Parti de la Gauche Européenne.

Le dialogue s’est déroulé d'abord dans les locaux de l’Institut Universitaire Sophia, du mouvement Focolari, situé au village de Loppiano, près de Florence, où les participants furent reçus par le sociologue belge Bernard Callebaut. D’autres symposiums on eu lieu à Catelgandolfo, la résidence d’été du pape, et à Vienne. Au mois de septembre 2018, eut lieu une université d’été conjointe, dans les locaux de l'université de la Mer Egée, situés dans l’ile de Syros, siège d’une traditionnelle communauté catholique. La plupart des documents réunis dans le recueil Europe as a Common sont des présentations faites pendant cette initiative. Au cours de leur cursus, les étudiants, issus des deux courants, ont rédigé ensemble un document, le Manifeste d’Hermoupolis, qui figure aussi dans le livre.

Dans leur introduction, les quatre éditeurs du recueil rappellent que le but du dialogue n’est pas la conversion mutuelle, ni la production d’un syncrétisme, mais dans la recherche du commun sans ignorer les différences fondamentales. Trois interventions initiales servent de point de départ.

Franz Kronreif, du mouvement Focolari, parle de consensus dans la différence et il propose que les repères initiaux du dialogue soient l’Encyclique Laudato Si du pape François et les Thèses sur le Concept d'Histoire de Walter Benjamin. Walter Baier, du réseau Transform, rappelle le besoin pour les marxistes d’une réflexion autocritique sur les crimes commis au nom du socialisme dans l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). Il trouve dans les écrits de Karl Polanyi des éléments pour une convergence entre le socialisme et le christianisme. Enfin, l’archevêque Angelo Vincenzo Zani, dans un salut adressé à l'université d’été de 2018, rend hommage aux idéaux de justice, de fraternité et de solidarité, des jeunes participants à cette rencontre.

Au cours des dialogues et des débats de l'université d’été, nous avons pu assister à des confrontations entre des points de vue assez opposés, comme par exemple entre Leonce Bekemans, professeur de la chaire Jean Monnet à l'université de Padoue, partisan convaincu de l’Union Européenne réellement existante, et Luciana Castellina, ancienne députée communiste européenne, qui rêve d’une autre Europe, non soumise aux marchés capitalistes. Parfois cependant les interlocuteurs des deux bords ont réussi à élaborer un document commun, comme ce fut le cas de Cornelia Hildebrandt et de Pal Toth, professeur à l’Institut Universitaire de Sophia, sur « une stratégie non-violente dans un monde pluriel ». Il y a aussi la contribution de Petra Steinmair-Pösel, une théologienne liée aux Focolari, en collaboration avec Michael Brie, de la Fondation Rosa Luxemburg de Berlin, sur « les communs, notre terrain commun ».

Europe as a Common contient aussi des contributions de Piero Coda, recteur de l’Institut Universitaire de Sophia, de Bernard Callebaut, sociologue de cette même Institution, de Spyros Syropoulos, professeur à l’Université de la Mer Egée, d’Alberto Lo Presti, de l'université catholique Lumsa de Rome, de José Manuel Pureza,  professeur à l'université de Coimbra et député du Bloc de Gauche au parlement portugais, du théologien musulman Adnane Mokrani, un plaidoyer pour un état séculaire comme nécessité religieuse, du psychologue social Thomas Stucke, du politologue colombien Javier Andres Baquero, qui raconte son expérience dans la gestion verte de la ville de Bogota, et de l’auteur de la présente notice. L’ensemble, qui témoigne de la pluralité des perspectives engagées dans cette initiative transversale, est complété par une conférence du pape François sur « l'option préférentielle pour les pauvres, le critère-clé de l’authenticité chrétienne ».

Que conclure de cet itinéraire bibliographique passablement accidenté, qui nous conduit du jeune Karl Marx au pape Jorge Mario Bergoglio ? La seule conclusion est que le rapport entre les marxistes et les chrétiens reste un livre ouvert, dont les prochains chapitres seront rédigés moins à partir des saintes écritures des uns et des autres qu’en réponse aux défis écologiques, sociaux et éthiques du vingt et unième siècle.

Partager cet article
Repost0
9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 16:33

 

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/05/universite-l-universalisme-republicain-ne-se-decrete-pas-il-se-construit_6108260_3232.html

 

« L’universalisme républicain ne se décrète pas, il se construit »

Dans une tribune au Monde, soixante-quatorze universitaires expliquent pourquoi le colloque organisé par l’Observatoire du Décolonialisme, Vendredi 7 Janvier et Samedi 8 Janvier 2022 à la Sorbonne, constitue une caricature de son objet, car il conduit à observer pour ne rien voir.

L’Observatoire du Décolonialisme et le Collège de Philosophie organisent, Vendredi 7 Janvier et Samedi 8 Janvier 2022, avec l’aval de Jean-Michel Blanquer, un colloque à la Sorbonne, dont le titre est « après la déconstruction, reconstruire les sciences et la culture » et dont l’objectif affiché est de dénoncer l’ordre moral que la pensée décoloniale, également nommée woke ou cancel culture, introduit dans le domaine éducatif en contradiction avec l’esprit d’ouverture, de pluralisme et de laïcité, qui en constitue l’essence.

Il s’agit, est-il précisé, de favoriser la construction, chez les élèves et les étudiants, des repères culturels fondamentaux et de faire un état des lieux, aussi nuancé que possible. Cette recommandation laisse perplexe lorsque nous constatons que les animateurs des tables rondes sont les intervenants et vice-versa et que la quasi-totalité d’entre eux sont membres de l’Observatoire du Décolonialisme. Il serait vain dès lors d’attendre un débat contradictoire ou une mise en perspective.

Nous pourrions nous étonner de la participation annoncée du président de l’agence gouvernementale chargée d’évaluer la recherche dans l’enseignement supérieur, le Haut Conseil de l’Evaluation, de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES), dont dépend l’avenir des laboratoires de sciences humaines et sociales. Nous savons toutefois que la dénonciation du wokisme, ou d’autres chimères comme l’islamo-gauchisme, est un cheval de bataille du ministre de l’éducation nationale comme de la Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI).

La caution quasi officielle apportée par le président du HCERES à l’Observatoire du Décolonialisme laisse-t-elle présager l’apparition d’une police de la pensée qui sanctionnerait toute recherche suspectée d’être contaminée par le prétendu wokisme ? Admettons, bien qu’il soit infondé, le postulat de réduction du décolonialisme à l’idéologie woke et à la cancel culture.

De quoi est-il donc question ? Nous savons que l’expression being woke s’est popularisée aux Etats-Unis dans la communauté afro-américaine tout au long du vingtième siècle pour désigner la nécessité d’être éveillé aux injustices, principalement alors de nature socio-économique. Le slogan, repris par le mouvement Black Lives Matter (BLM), gagne en popularité avant d’être récupéré par les conservateurs américains pour le dénigrer et pour disqualifier ceux qui en font usage.

C’est ainsi que s’impose le wokisme, lequel suggère l’existence d’un mouvement politique homogène chargé de propager l’idéologie woke. Il est d’ailleurs assez cocasse que la dénonciation de l’américanisation du débat s’accommode de l’importation fautive de mots américains.

Désormais, le wokisme désigne péjorativement ceux qui sont engagés dans les luttes antiracistes, les luttes féministes et les luttes pour la défense des droits des homosexuels. Sous couvert d’alerter sur le nouveau danger qui menacerait l’école républicaine, il s’agit de réprouver ceux qui dénoncent les discriminations fondées sur la couleur et qui font un lien entre celles-ci et notre passé colonial et/ou esclavagiste.

La rhétorique réactionnaire des nouveaux inquisiteurs pratique une stratégie d’éradication lexicale visant à éliminer du vocabulaire des sciences sociales des termes tels que racisme systémique, privilège blanc, racisation, intersectionnalité et décolonialisme, termes prétendument dénués de toute rationalité. A de nombreux égards, la querelle ressemble à celle du politiquement correct du début des années 1990.

En effet, cette dernière fut avant tout, aux Etats-Unis, l’occasion d’une offensive des conservateurs et de l’extrême droite contre le pouvoir supposé des minorités. En France, le terme désigne, dans la méconnaissance du contexte américain, un ensemble hétérogène composé de marxistes, de multi culturalistes, de féministes et de post modernistes, tous accusés, entre autres vices, de puritanisme, de censure et de dictature des minorités.

A l’inverse, celui qui se veut politiquement incorrect fonde ses jugements sur la liberté de penser, la rationalité et le courage intellectuel. Qui ne s’en réclamerait ? Quelle est la valeur d’une position qui rassemble tout le monde et qui chasse des fantômes ? La wokeness doit en réalité être comprise comme une dynamique inhérente à la démocratie et, au-delà, l’indice des manquements de celle-ci à ses principes fondamentaux.

Le sort réservé à la cancel culture illustre ce point de vue. Comme le wokisme, il s’agit essentiellement d’un terme polémique, lequel a servi d’abord à la droite américaine puis aux néoconservateurs français pour disqualifier toute interpellation progressiste. Ses adversaires pensent que son invocation relève du tribunal populaire et s’accompagne nécessairement de harcèlement cybernétique moralisateur.

Il convient plutôt de l’interpréter comme une modalité de la protestation à l’usage de ceux qui disposent du seul pouvoir de marquer leur indignation en dénonçant certains dysfonctionnements dont la société s’accommode si souvent. Peut-on réellement penser que la cancel culture exprime, comme l’écrivent sans vergogne l’Observatoire du Décolonialisme et le Collège de Philosophie, la tentation de faire table rase du passé, de l’histoire, de l’art, de la littérature et de l’ensemble de l’héritage civilisationnel occidental ? Nuance, disent-ils.

Plutôt que des effets de la cancel culture, ne faudrait-il pas s’inquiéter de la culture de l’impunité, laquelle préfère la disqualification à la dispute argumentée ? Que les choses commencent à changer, nous ne pouvons que nous en réjouir, au lieu de redouter la dictature des minorités. C’est, au contraire, des droits de ces dernières que nous devrions nous soucier, si nous voulons combattre la dérive droitière à laquelle les organisateurs, en invitant Mathieu Bock-Côté à s’exprimer, sont coupablement inattentifs.

L’universalisme républicain ne se décrète pas, il se construit. Cela passe par la lutte contre les discriminations de classe, contre les discriminations sexistes, contre les discriminations homophobes, contre les discriminations ethno-raciales, contre les préjugés racistes, contre les préjugés antisémites et contre les préjugés islamophobes, de nouveau en vogue dans les espaces publics. Nier leur existence, c’est nuire gravement à l’idéal républicain.

Premiers signataires

Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Catherine Coquio, Philippe Corcuff, Sandra Laugier, Olivier Le Cour Grandmaison, Pascal Maillard, Philippe Marlière, Nonna Mayer, Yann Moulier-Boutang, Roland Pfefferkorn, Alain Policar, Vincent Tiberj, Julien Talpin, Valentine Zuber

Partager cet article
Repost0
9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 16:01

 

 

https://www.amnesty.fr/personnes/ramy-shaath

 

Ramy Shaath est enfin libre

Samedi 8 Janvier 2022

Ramy Shaath est un militant égyptien-palestinien. Il fait campagne pour amener Israël à rendre des comptes pour les violations des droits humains et autres violations du droit international, en usant de moyens non violents pour y parvenir. Dans le cadre de ses activités militantes, Ramy Shaath sensibilise le public aux droits des palestiniens et il dénonce dans les médias l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Par son action, Ramy Shaath s’efforce également de réaffirmer le droit des égyptiens de pouvoir s’exprimer librement et de participer aux affaires publiques sans craindre la répression des autorités.

Joie intense et soulagement immense après deux ans et demi de mobilisation, Ramy Shaath est arrivé en France et il a enfin retrouvé sa femme Céline Lebrun Shaath et ses proches après plus de neuf cent jours de séparation. Un immense merci à toutes les personnes qui se sont mobilisées dans relâche pour la libération, cette victoire, nous vous la devons.

Ramy Shaath est né à Beyrouth en 1971. Il est le fils de Safaa Zeitoun, une militante égyptienne originaire d’Alexandrie, et de Nabil Shaath, ancien conseiller de Gamal Abdel Nasser et ancien ministre palestinien des affaires étrangères. Au cours des années 1990, Ramy Shaath a lui-même été conseiller politique du président palestinien Yasser Arafat avant de se retirer de la scène politique palestinienne devant les déceptions des accords d’Oslo.

Au mois de novembre 2010, après des élections parlementaires égyptiennes, décriées par nombre d’observateurs internationaux pour qui le scrutin avait été entaché de violences et d’irrégularités, Ramy Shaath rejoint la coalition de militants égyptiens qui s’organise et il appelle deux mois plus tard au soulèvement populaire pacifique pour la démocratie du mois de janvier 2011. Au lendemain du départ d'Hosni Moubarak et au cours des années suivantes, il contribue à la création d'un ensemble de mouvements et de coalitions qui jouent un rôle crucial dans la transition démocratique du pays, comme le Destour, dont il exerce les fonctions de secrétaire général par intérim jusqu’à son établissement officiel.

En 2013, et en dépit de son opposition aux politiques menées par le gouvernement des Frères Musulmans, il refuse de participer aux manifestations du 30 juin 2013 contre le président Mohammed Morsi craignant une intervention de l’armée, ce qui arrivera le 3 juillet 2013. Il participe alors au mois de septembre 2013 à la création de la coalition du Front de la Révolution, dernière tentative de rassembler les forces progressistes pour défendre les libertés acquises en 2011. Mais celle-ci échouera. Dès le mois de novembre 2013, les manifestations de l’opposition sont interdites et réprimées. Des dizaines de milliers de manifestants et de militants sont arrêtés.

Au mois de juillet 2014, alors que l’armée israélienne bombarde intensivement Gaza pendant plusieurs semaines, Ramy Shaath organise un convoi humanitaire. A partir de ce moment-là, face à la fermeture de la scène politique égyptienne, Ramy Shaath décide de dédier son action politique pour développer et renforcer l’expression de la solidarité égyptienne avec le peuple palestinien. C'est une autre façon aussi pour lui de concilier ces deux identités, égyptienne et palestinienne, et son combat pour la liberté, la justice et la dignité, dans ses deux pays.

En 2015, il participe à la fondation du mouvement pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) en Egypte, qui appelle à exercer un boycott et diverses pressions économiques, académiques, culturelles et politiques, contre Israël, afin d'aboutir à la réalisation de trois objectifs, la fin de l'occupation et de la colonisation des terres palestiniennes, l'égalité complète pour les citoyens arabo-palestiniens d’Israël et le respect du droit au retour des réfugiés palestiniens.

Au mois de juin 2019, Ramy Shaath participe à de nombreux événements publics et il donne à la presse des interviews dans lesquelles il exprime sa vive opposition au plan américain visant à résoudre le conflit israélo-palestinien, baptisé deal du siècle, et à la participation de l’Égypte à la conférence de Manama du 25 juin et du 26 juin 2019, consacrée à des discussions sur ce plan. Le 5 juillet 2019, Ramy Shaath est arrêté à son domicile au Caire. Son épouse, présente lors de son arrestation, est expulsée arbitrairement d’Egypte où elle réside légalement depuis plus de sept ans. Ramy Shaath disparaît alors pendant trente-six heures, avant de réapparaître devant le procureur de la sûreté de l'état.

A la fin du mois d'août 2019, quelques jours après l’annonce publique de son arrestation par sa famille et le lancement d’une campagne pour sa libération, certaines plates formes gouvernementales lancent une campagne de calomnies contre Ramy Shaath, visant à nier sa nationalité égyptienne et à l’accuser de conspirer avec les Frères Musulmans pour renverser le régime.

Les autorités égyptiennes harcèlent Ramy Shaath depuis de nombreuses années en raison de son identité palestinienne et de son militantisme politique. Il est écarté du service militaire obligatoire pour raison sécuritaire. Jusqu’en 2012, il est contraint de renouveler son passeport égyptien tous les ans, contrairement à la règle qui autorise les égyptiens à un passeport de sept ans.

Au mois de février 2012, sous le gouvernement transitoire du Conseil Suprême des Forces Armées, il est interdit de quitter le territoire avec d’autres militants de l’opposition suite à la publication sur les réseaux sociaux d’enregistrements fabriqués visant à les accuser de vouloir déstabiliser le pays. Au mois de mars 2012, le caractère fabriqué des enregistrements est prouvé et l’interdiction est levée, mais le ministère égyptien de l'intérieur refuse de renouveler son passeport, affirmant qu'il n’est pas égyptien et tentant ainsi de le priver de sa nationalité égyptienne. Ramy Shaath a poursuivi le ministère de l'intérieur et il a obtenu gain de cause en 2013 devant le tribunal administratif du Caire, mais le ministère a fait appel de la décision. L'appel est toujours pendant.

Partager cet article
Repost0