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Contre les répressions et pour la défense des libertés publiques
Vendredi 20 Novembre 2020
Des universitaires et des militants syndicaux et des quartiers populaires lancent un appel pour la création d’une coordination contre les répressions et pour la défense des libertés publiques et professionnelles.
La période est marquée par l'extrême gravité des atteintes portées aux libertés publiques et professionnelles en France, ainsi qu’à l'état de droit, cela sous couvert de l'état d'urgence sanitaire lié à la pandémie du coronavirus.
Le gouvernement tire parti, par ailleurs, des terribles attentats récents pour poursuivre sa dérive autoritaire, par une législation qui a été successivement antiterroriste, anti-casseur et anti-séparatiste, et visant à faire des ressortissants musulmans réels ou supposés et issus de l’immigration de nouveaux boucs émissaires.
Mais c'est l'ensemble de nos droits fondamentaux qui est dans le viseur, libertés d'expression, de manifestation, de religion, académique, enseignante et de la presse.
Les morts comme celle d’Adama Traoré, dues à des violences policières, par tirs à balles réelles, tirs de taser, techniques d'immobilisation ou accidents provoqués, continuent de s'accumuler, frappant en particulier des populations des quartiers populaires ou racisées, vingt en 2019 et onze dans les huit premiers mois de 2020, le plus souvent en toute impunité.
La contestation de la loi travail et le mouvement des Gilets Jaunes ont subi une répression historique.
Pour mémoire, Amnesty International, dans son rapport de la fin du premier semestre 2019, dénombrait deux mille neuf cent quarante cinq manifestants blessés dont vingt cinq ayant perdu un œil et cinq ayant eu la main arrachée, au moins deux morts, Zineb Redouane et Steve Maia Caniço, onze mille gardes à vue et trois mille condamnations dont mille au titre d'une intention supposée de commettre des violences.
Le nouveau Schéma National de Maintien de l'Ordre (SNMO), dévoilé le 17 septembre 2020, contraint les journalistes et les observateurs des pratiques policières à partir au moment du recours à la force, ce qui revient à entraver leurs missions d’information et de veille citoyenne.
Dans le même temps, par un décret du 14 août 2020, les Directions Départementales Interministérielles (DDI), jusqu’alors sous la responsabilité du premier ministre, relèvent désormais du ministre de l'intérieur et elles sont placées sous l’autorité du préfet de département.
Quant à la gestion de la crise sanitaire par le très régalien Conseil de Défense et de Sécurité Nationale (CDSN), elle pose problème en matière d’opacité. Les décisions prises sont classées secret-défense et les experts qui le composent sont hors de tout recours devant la Cour de Justice de la République (CJR).
La proposition de loi relative à la sécurité globale, actuellement en procédure d'examen accélérée à l'assemblée nationale, suscite un communiqué du défenseur des droits, alertant sur les risques d'atteinte à des droits constitutionnels comme le droit à la vie privée et la liberté d’information.
Cela notamment par un projet de surveillance généralisée de reconnaissance faciale par le biais de caméras portables et de drones, projet qui s’ajoute à celui d’interdire de diffuser des images des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions.
Parallèlement et suite à l'assassinat de Samuel Paty, une offensive est menée contre les libertés académiques, sous prétexte d'islamo-gauchisme et de dérive intersectionnelle. La Loi de Programmation de la Recherche (LPR) crée pour les universités un délit de trouble à la tranquillité et d’atteinte au bon ordre des établissements, passible de trois ans de prison et de quarante cinq mille euros d’amende.
Pendant ce temps, les personnels de l'éducation nationale subissent toujours plus de sanctions administratives pour avoir contesté les réformes du ministère de Jean Michel Blanquer. De même, sont poursuivis pénalement des militants écologistes qui pratiquent une désobéissance civile et pacifique.
En fait, l’oligarchie politico-financière qui est aux commandes s’appuie le plus souvent sur les forces de l’ordre, qui sont devenues le pilier principal des pouvoirs publics. En accédant aux demandes de certains syndicats de police en matière d’impunité, c’est à l’extrême-droite qu’elle donne dangereusement des gages.
Les expérimentations démocratiques qui sont préconisées dans le mouvement social et écologiste, ainsi que dans les quartiers populaires, ne peuvent se réaliser dans le cadre de ce régime politique. Pour tous ceux qui sont attachés aux défenses des libertés, il est plus que temps de s'organiser face à cet état de faits.
C’est une cause fédératrice, qui demande de démonter l'idéologie sécuritaire, véhiculée par les médias dominants et derrière laquelle se range une partie de l'électorat. Les violences sont d'abord des violences d'état, les équipes oligarchiques ayant intérêt à les cultiver ainsi que leurs effets réactionnels, pour leur maintien au pouvoir.
Ce néolibéralisme autoritaire est désormais largement de mise à l'échelle internationale, singulièrement depuis la crise pandémique.
Ce qui implique de s'organiser également à cette échelle, européenne et francophone. Le régime policier qui tend à se mettre en place en France est le corollaire d’une politique étrangère de soutien des dictatures françafricaines, que combattent les peuples du Sud. En Côte d’Ivoire, au Mali, dans les pays sahéliens et en Centrafrique, c'est l'armée qui joue le rôle de maintien de l'ordre.
Afin de coordonner les diverses activités de résistance aux plans antidémocratiques et afin d'avancer pratiquement et dans l'unité, nous appelons à la mise en place d’une structure pérenne, d’une coordination nationale anti-répression, avec des sections régionales et locales. La présentation de la proposition de loi relative à la sécurité globale à l'assemblée nationale en est une occasion supplémentaire.
Contact est à prendre urgemment avec les directions des organisations pour une mobilisation à la fois programmatique et stratégique.
Il faut faire place dans tous les programmes revendicatifs et alternatifs à la défense des libertés publiques et professionnelles et des droits fondamentaux de la personne.
Il faut lister et diffuser les revendications dans ce domaine, dont l'interdiction des Lanceurs de Balles de Défense (LBD) et des Grenades à Main de Désencerclement (GMD) ainsi que des techniques d'immobilisation, et créer un organe indépendant de contrôle et de sanction des violences policières mettant fin à leur impunité.
Il faut engager la mise en place et le fonctionnement de la coordination anti-répression, création d’un site, levée de fonds, organisation de meetings, centraux et décentralisés et envoi d’un questionnaire aux candidats aux mandats publics et aux élus.
Premiers signataires :
Etienne Adam, Nils Andersson, Ludivine Bantigny, Farid Bennaï, Jacques Bidet, Saïd Bouamama, Martine Boudet, Françoise Clément, Pierre Cours-Saliès, Jean-Louis Comolli, Alexis Cukier, Marina da Silva, Laurence de Cock, Christian Delarue, Didier Epsztajn, Yann Fiévet, Bernard Fischer, Franck Gaudichaud, Susan George, Odile Hélier, Samy Johsua, Pierre Khalfa, Mathilde Larrère, Olivier Long, Pascal Maillard, Jean Malifaud, Gilles Manceron, Odile Maurin, Bénédicte Monville, Ugo Palheta, Evelyne Perrin, Yves Quintal, Alain Refalo, Daniel Rome, Catherine Samary, Claude Serfati, Patrick Silberstein, Jacques Testart, Jean-Paul Vanhoove, Marie-Christine Vergiat, Christiane Vollaire