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10 juin 2020 3 10 /06 /juin /2020 15:18

 

 

https://aplutsoc.org/2020/06/09/dans-le-donbass-poutine-thatcher-solidarite-avec-les-mineurs/

 

Dans le Donbass, Vladimir Poutine égale Margaret Thatcher, solidarité avec les mineurs

Mardi 9 Juin 2020

D’après plusieurs sites d’actualité russe et ukrainienne et le réseau social Vkontakte, corroborés par nos contacts militants, des affrontements sociaux importants ont lieu dans les républiques populaires du Donbass et de Louhansk, entièrement tenues à bout de bras par l'état russe de Vladimir Poutine.

Vendredi 5 Juin 2020, les mineurs de charbon de la mine de Komsomolskaya ont refusé, à partir du second quart, de se rendre au fond, exigeant le paiement des salaires impayés dus, pour la seconde fois depuis le 21 avril 2020. Ils exigeaient que la promesse faite alors d’un paiement d’ici au 15 mai 2020, non tenue, soit respectée. Un syndicat indépendant des mineurs du Donbass, indépendant voulant dire non contrôlé par l'état et ses réseaux mafieux, s’est exprimé au nom de ce mouvement.

La mine de Komsomolskaya, dont le nom respire l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), est l’une des plus importantes du bassin du Donbass, foyer historique de l’industrialisation russe, de la colonisation de l’Ukraine et des luttes ouvrières entre 1917 et 1918 et entre 1989 et 1992. Elle avait gardé le statut d’entreprise publique après l’indépendance ukrainienne en 1991 et elle était devenue une entreprise d'état de la république populaire en 2014, ceci n’empêchant en rien un fonctionnement parfaitement privatisé et mafieux. Le non paiement des salaires, cette plaie que Vladimir Poutine prétend avoir éradiqué en Russie par rapport aux années 1990, a commencé à sévir dans les républiques populaires, surtout depuis 2018 et 2019, en relation avec des regroupements d’entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, entre puissants oligarques, comme le capitaliste le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov, comme l'ancien président chassé par la population à Kiev en 2014, Viktor Ianoukovitch, et comme les hommes des organes russes. L’assassinat du chef fascisant et antisémite de la République Populaire du Donbass (RPD), Alexandre Zakhartchenko, en 2018, n’était pas étranger à ces regroupements oligopolistiques.

Au mois d'avril 2020, ils ont lancé une loi sur la liquidation des entreprises charbonnières non rentables et la protection sociale de leurs travailleurs, protection sociale qui consiste en trois mille licenciements prévus, pour le moins. La grève de la mine de Komsomolskaya peut être interprétée comme un acte de résistance central contre ce qui s’annonce. Sachant que le nombre d’emplois directement liés aux mines est déjà tombé, dans la République Populaire de Louhansk (RPL), de quarante mille à trente mille, depuis sa proclamation.

Les menaces de la part du ministère de la sécurité d'état, dont le sigle, MVD, rappelle quelque chose à tous les russes comme à tous les ukrainiens, ont commencé le soir même et, Samedi 6 Juin 2020, les dirigeants de la mine avaient dressé une liste noire de cent trente travailleurs à licencier. La mine est censée être une entreprise d'état, en fait dirigée pour le profit des mafieux représentés par Vladimir Shatokhin, directeur général de Vostol-Ugol de la RPL, mais cela c’est le sigle pseudo-soviétique de l’entreprise que l’on appelle aussi East Coal, qui, comme n’importe quel manager patronal, a expliqué que, pour gagner en rentabilité, les sacrifices sont indispensables et les revendications sont exorbitantes, alors qu’il s’agit de salaires impayés.

Dimanche 7 Juin 2020, les connexions par internet et par téléphone entre ce secteur et l’extérieur des républiques populaires ont été suspendues, le dernier message indiquant que cent vingt quatre mineurs ainsi que leurs épouses étaient retranchés dans la mine cernée par un cordon policier. Une quarantaine a alors été proclamée dans le secteur, avec suspension des transports et fermetures des magasins, chez les mafieux du Donbass comme en d’autres pays, le confinement a bon dos.

Lundi 8 Juin 2020, la rumeur court qu'une personne va venir de Russie pour sermonner les mineurs et pour trouver les coupables. Alexandre Vaskovsky, du syndicat indépendant, transmet à un site internet l'information selon laquelle le directeur général a privé d’eau et de nourriture les mineurs et leurs épouses retranchées dans la mine et que tel était le but de la quarantaine sanitaire. Le mouvement n’est pas limité au groupe héroïque des mineurs de Komsomoskaya. Des groupes de syndiqués, clandestins car dans la RPL le syndicalisme est un délit, se sont manifestés par des messages sur les réseaux sociaux avant leur occultation, Dimanche 7 Juin 2020. En réaction, le pouvoir de la RPL dépendant de la Russie a bloqué toute la ville d’Antratsyt, cinquante mille habitants, ville qui avait été présentée, en 2014, comme un bastion russophone combattant les fascistes ukrainiens, par le couvre-feu, des véhicules militaires ont été déployés à Rovenky, quarante mille habitants, et la mine de Frounzé a été encerclée préventivement par les forces dites de sécurité. Des arrestations en séries ont eu lieu à Krasnodon, à Rovenky, à Krasnyray et à Belorechensk, et du matériel informatique a été volé par les nervis policiers. Ils ont battu et torturé au moins sept travailleurs dont deux femmes, l’une enceinte, dans la nuit du Dimanche 7 Juin au Lundi 8 Juin 2020 à Louhansk au siège du MVD, selon les informations qu’a pu transmettre Alexandre Vaskovsky.

La mine de Belerochenskaya a vu les mineurs se regrouper pour exiger des nouvelles et la solidarité avec la mine de Komsomolskaya, et il semble que l’accès à la mine ait été interdit par le Président Directeur Général (PDG) et agent du MVD, Vladimir Shatokhin. On appelle cela un lock out.

Ces affrontements sociaux opposent très clairement un vieux secteur combatif et même légendaire de la classe ouvrière aux chefs mafieux russes du Donbass. Ceux-ci mènent la politique de Margaret Thatcher pendant que, à l’ouest, le mouvement ouvrier, soit oublie l’existence des travailleurs du Donbass, soit, dans le cas des secteurs de la Fédération Syndicale Mondiale (FSM), se fait un film pétri d’ignorance de ce qu’est la classe ouvrière, sur les mineurs du Donbass qui auraient, en 2014, combattu les fascistes ukrainiens et qui, depuis, seraient engagés dans la résistance.

C’est faux. Comme leurs frères de classe de Krivy Riv, du côté de l’Ukraine indépendante, ils affrontent un patronat mafieux et oligarchique issu de la bureaucratie et de la police. On ne saurait tout confondre, l’Ukraine de Volodymyr Zelensky n’est pas nazie, c’est un régime parlementaire corrompu où les libertés fondamentales, y compris syndicales, existent sur le papier, mais les républiques populaires du Donbass et de Louhansk sont des zones occupées que Vladimir Poutine a voulu transformer en petites Irlande du Nord. Il a échoué et elles sont devenues un chancre pour tout combat démocratique en Russie, qui doit commencer par dénoncer l’impérialisme de Vladimir Poutine. L’unité de ce combat ouvrier sera un élément nécessaire pour une Ukraine démocratique, unifiée, indépendante et ouvrière.

Ces combats nous sont très proches et il est essentiel de les porter, en commençant par informer, au cœur du mouvement ouvrier, en France, ici et maintenant.

Soutien aux mineurs du Donbass et vive les syndicats indépendants

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10 juin 2020 3 10 /06 /juin /2020 14:44

 

 

https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/arrestation-violente-a-bondy-l-avocat-de-gabriel-demande-au-prefet-de-police-la-suspension-immediate-des-policiers-08-06-2020-8332056.php

 

Arrestation violente à Bondy, l’avocat de Gabriel demande au préfet de police la suspension immédiate des policiers

Stéphane Gas vient de demander dans un courrier à Didier Lallement, le préfet de police, la suspension des quatre policiers qui avaient interpellé Gabriel. Le jeune homme, grièvement blessé Lundi 25 Mai 2020 les accuse de violences.

Lundi 8 Juin 2020, l'avocat de Gabriel, quatorze ans, a adressé un courrier au préfet de police, Didier Lallement, lui demandant expressément de suspendre administrativement avec effet immédiat les fonctionnaires de police qui avaient interpellé l'adolescent Lundi 25 Mai 2020 à Bondy, dans le département de la Seine-Saint-Denis. Grièvement blessé à l'œil au cours de son arrestation, il s'était vu prescrire trente jours d'Interruption Temporaire de Travail (ITT). Une fracture du plancher de l'orbite gauche de l'œil avait été constatée.

« La procédure judiciaire va durer plusieurs mois, il y a un risque que des faits se réitèrent si les policiers sont toujours en service », argumente l'avocat. Depuis Lundi 8 Juin 2020, les quatre fonctionnaires mis en cause sont entendus par l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) saisie, au niveau judiciaire, sur les circonstances de l'interpellation et ils sont confrontés à l'expertise médicale pratiquée sur la victime. Jusqu'à présent, deux des policiers ont soutenu q u'ils avaient trébuché accidentellement sur l'adolescent en voulant le maîtriser.

Les déclarations de Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, Lundi 8 Juin 2020, reprises par Laurent Nunes, secrétaire d'état, conforte l'avocat dans son analyse. Les deux ministres se sont dits, Lundi 8 Juin 2020, troublés par l'affaire, notamment par les témoignages recueillis autour de l'arrestation du jeune homme. « La lumière sera faite », a ajouté le ministre de l'intérieur.

« Dans l'histoire des violences policières, je n'ai jamais vu un ministre émettre des réserves sur le comportement des policiers. Il y a un vrai malaise. Cela s'apparente à un lâchage des policiers et signifie qu'il y a des faits qui commencent à être crédibles » a dit l'avocat.

« Si des éléments d'un comportement fautif étaient prouvés, on peut suspendre administrativement », a indiqué Laurent Nunes à BFM Télévision, « mais ce n'est pas le cas pour le moment ». La position du ministère a sensiblement évolué depuis la semaine dernière. Selon l'entourage du ministre cité par le Monde, la sanction administrative n'était envisageable que si la faute était établie par un tribunal.

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10 juin 2020 3 10 /06 /juin /2020 14:28

 

 

https://fr.reuters.com/article/World/idFRKBN23G1WE

 

George Floyd a été inhumé lors d'une cérémonie solennelle à Houston (Reuters)

George Floyd, l'homme noir de quarante six ans dont la mort lors d'une interpellation policière Lundi 25 Mai 2020 à Minneapolis a déclenché un vaste mouvement contre le racisme aux Etats-Unis et en Europe, a été inhumé à Houston, Mardi 9 Juin 2020.

Ses proches et amis, pour la plupart vêtus de blanc, se sont relayés au microphone de l’église Fountain of Praise pour louer un homme bon et un gentil géant et pour réclamer que la justice soit rendue.

George Floyd est mort après avoir été plaqué au sol pendant près de neuf minutes, un genou sur le cou, par un policier blanc, Derek Chauvin, qui a été inculpé de meurtre sans préméditation. Trois autres policiers sont accusés d’avoir contribué et permis le meurtre de Floyd.

Les derniers mots de George Floyd, « je ne peux pas respirer », prononcés lors de son interpellation, ont été filmés par un témoin et ils sont devenus l’un des slogans du mouvement de colère et de protestation qui a suivi sa mort.

La nièce du défunt, Brooke Williams, a été applaudie dans l’église lorsqu’elle a dit que « je peux respirer et, tant que je respirerai, la justice sera rendue ».

« Ce n’est pas seulement une tragédie, c’est un crime », a lancé le révérend Al Sharpton, figure historique de la lutte pour les droits civiques, en prononçant le principal éloge funèbre.

« Tant que ces personnes ne paieront pas pour ce qu’ils ont fait, nous serons là avec eux parce que les vies comme celle de George Floyd ne compteront pas tant que quelqu’un ne paiera pas le prix de prendre leurs vies », a-t-il ajouté.

La cérémonie, rythmée par des chants gospel, était bien plus que de simples obsèques, étant donné l’impact symbolique de son décès jusqu’au-delà de l’Atlantique, où des manifestations en Europe ont coïncidé avec son enterrement au Texas.

L’événement a été retransmis en direct sur toutes les grandes chaînes d’information américaines et la Bourse de Wall Street a observé huit minutes et quarante six secondes de silence, le temps pendant lequel le policier a pressé son genou sur le cou de George Floyd, un silence diffusé dans son intégralité par Consumer News and Business Channel (CNBC).

L’ancien vice-président Joe Biden, candidat démocrate à la présidence, a diffusé un message vidéo dans lequel il a appelé à une justice raciale.

« Pourquoi dans ce pays de trop nombreux américains noirs se lèvent le matin sans savoir s’ils perdront la vie en vivant simplement leur vie », a dit l’ancien vice-président de Barack Obama, « nous ne pouvons pas nous détourner du racisme ».

Le service religieux, auquel cinq cent personnes avaient été invitées pour une messe funèbre, a été suivi d’une procession jusqu’à l’église du cimetière Memorial Gardens, à Pearland, au sud d’Houston, où George Floyd a été inhumé au côté de sa mère.

D’autres messes avaient déjà eu lieu en mémoire de Floyd à Minneapolis et à Raeford, la ville de Caroline du Nord où il est né.

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10 juin 2020 3 10 /06 /juin /2020 14:13

 

 

https://lecourrier.ch/2020/06/09/maree-humaine-contre-le-racisme-a-geneve/

 

Ici aussi le racisme tue

Plus de dix mille personnes ont manifesté Mardi 9 Juin 2020 à Genève pour dénoncer le racisme et les violences policières en Suisse, le jour où était enterré George Floyd à Houston.

Une place de Neuve noire de monde pour dénoncer le racisme contre les noirs, malgré la météo maussade, plus de dix mille personnes ont répondu Mardi 9 Juin 2020 à l’appel de Black Lives Matter Suisse Romande, du Collectif Afro-Swiss et d’Outrage, avec pour objectif de visibiliser les violences policières et le racisme systémique en Suisse.

Le jour est symbolique. Mardi 9 Juin 2020, à quelques milliers de kilomètres de là, à Houston, au Texas, avaient lieu les obsèques de George Floyd, cet afro américain tué par un policier et dont la vidéo d’agonie, étouffant sous le genou d’un agent impassible, a lancé une indignation et une colère mondiale. A Genève, le noir, du deuil mais aussi de la colère, était donc de rigueur, les poings levés aussi. Mardi 9 Juin 2020 à 18 heures, la place débordait déjà. Dans la foule toutes les générations se côtoient. La communauté noire genevoise, la plus importante du pays, a fait le déplacement en masse. Mais dans la multitude, les visages affichent toute la diversité que la cité de Calvin peut offrir. Un cosmopolitisme salué par Anaïs, membre du collectif Black Lives Matter et première oratrice, « regardez les personnes autour de vous. Félicitez-les d’être présents. Nous allons marcher ensemble pour un monde meilleur où l’inégalité raciale n’a pas sa place ». L’énergie communicative de la jeune militante a électrisé la foule qui n’attendait que de s’enflammer, les vivats cédant la place au slogan « pas de justice, pas de paix ».

Si l’ambiance était détendue, les pancartes rappelaient une réalité plus grave. « Le silence tue », « je suis noire, j’existe » ou encore « pas de justice, pas de paix » pouvait-on lire sur les panneaux brandis. « Ici aussi le racisme tue », scande la militante, « il faut que les suisses prennent conscience que cela n’arrive pas qu’à nos frères et sœurs afro-américains ». Aux côtés de George Floyd et d’Adama Traoré, elle cite les noms de Lamine Fatty, de Mike Ben Peter et d’Hervé Mandundu, trois noirs morts aux mains des forces de l’ordre vaudoises.

Première manifestation de cette ampleur depuis la grève des femmes il y a près d’un an, la mobilisation de ce jour a dû s’accommoder des mesures sanitaires liées au coronavirus. Il est impossible cependant de respecter les distances de sécurité tant il y avait du monde. « La grande majorité des personnes portait le masque », rassure cependant Alexandre Brahier, porte-parole de la police.

L’affluence surprise et ces mesures ont provoqué un départ chaotique. Mardi 9 Juin 2020 un peu avant 19 heures, le cortège s’est mis en branle en direction du parc des Cropettes. Mais Mardi 9 Juin 2020 à 19 heures 45, de nombreux manifestants piétinaient encore place de Neuve. Il n'y avait pas de quoi entamer l’enthousiasme des personnes présentes qui patientaient en écoutant les morceaux de rap crachés par un puissant sound system.

Malgré les visages dissimulés, l’ambiance était très chaleureuse et propice à la confidence. Anissa, soixante ans, manifestait pour la première fois de sa vie avec son groupe de quatre copines somaliennes, « George Floyd est mort en appelant sa mère. Cela m’a fendu le cœur. J’ai quatre garçons d’une trentaine d’années. Je suis terrifiée de ce qui peut leur arriver ».

Si les noirs de Suisse meurent moins aux mains de la police que les afro-américains, tous ont une histoire particulière avec les forces de l’ordre.

« J’ai tellement d’anecdotes, je ne saurais pas pour où commencer », confie Migabo, un jeune suisse d’origine rwandaise, « j’ai été contrôlé si souvent. On me tutoie systématiquement. On m’a soupçonné d’agression et de vol, toujours sans la moindre justification possible, si ce n’est ma couleur de peau ».

« En Suisse, le plus dur, c’est l’humiliation », abonde Jérémy, un militant antiraciste, « personne n’est traité comme cela. On nous fouille et on nous contrôle devant tout le monde. Le regard des autres, souvent passifs, fait très mal ».

Des témoignages semblables, nous en avons recueillis des dizaines le long du cortège. Une immense lassitude se dégage de la plupart des manifestants, pourtant plutôt jeunes, « cela ne va pas s’arrêter demain, c’est un mouvement de fond. Nous voulons que les choses changent, que cesse le déni du racisme contre les noirs en Suisse et que le pays ouvre enfin les yeux ».

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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 15:03

 

 

https://lundi.am/Requiem-pour-les-etudiants

https://www.iisf.it/index.php/attivita/pubblicazioni-e-archivi/diario-della-crisi/giorgio-agamben-requiem-per-gli-studenti.html

 

Requiem pour les étudiants

Par Giorgio Agamben

Mardi 9 Juin 2020

Lancée dans l’épopée médiatique chantant l’héroïsme sanitaire, l’Europe s’invente un étrange monde d’après où la vraie vie serait on line. La prochaine rentrée universitaire semble ainsi placée sous le signe de l’enseignement virtuel, présenté comme une nécessité moderne face à la menace virale qui, selon la prévision de certains experts, serait encore présente au mois de septembre 2020. Revenant aux sources de l’université, Giorgio Agamben décrit une sclérose de l’institution, l’usage politique du virus précipitant la mort de la forme de vie étudiante. Exhortation au sursaut vital, le texte invite à une renaissance, ranimant la flamme de la mémoire afin que surgisse une nouvelle culture. Face au pouvoir technologique imposant la séparation par l’écran, le moment est venu de tisser autrement les liens sensibles d’intelligence que toujours suscite le désir d’étudier pour de futures associations d'étudiants.

Comme nous l’avions prévu, les cours universitaires se tiendront à partir de l’an prochain on line. Ce qui, pour un observateur attentif, était évident, à savoir que la pandémie serait utilisée comme prétexte pour la diffusion toujours plus envahissante des technologies digitales, s’est exactement réalisé.

Ce qui nous intéresse ici n’est pas la transformation conséquente de la didactique, où l’élément de la présence physique, de tout temps si importante dans le rapport entre les étudiants et les enseignants, disparaît définitivement, comme disparaissent les discussions collectives dans les séminaires, qui étaient la partie la plus vivante de l’enseignement. Fait partie de la barbarie technologique que nous vivons actuellement l’effacement de la vie de toute expérience des sens et la perte du regard, durablement emprisonné dans un écran spectral.

Bien plus décisif dans ce qui advient est quelque chose dont, significativement, on ne parle pas du tout, la fin de la vie étudiante comme forme de vie. Les universités sont nées en Europe des associations d’étudiants et c’est à celles-ci qu’elles doivent leur nom. La forme de vie de l’étudiant était donc avant tout celle où étaient certes déterminantes l’étude et l’écoute des cours, mais non moins importants étaient la rencontre et l’échange assidu avec les autres étudiants, qui étaient souvent originaires des lieux les plus reculés et qui se réunissaient selon le lieu d’origine en nations. Cette forme de vie a évolué de façon diverse au cours des siècles mais, des clerici vagantes du Moyen Âge aux mouvements étudiants du vingtième siècle, était constante la dimension sociale du phénomène. Quiconque a enseigné dans une salle à l’université sait bien comment, pour ainsi dire sous ses yeux, se tissaient des amitiés et se constituaient, selon les intérêts culturels et politiques, de petits groupes d’étude et de recherche, qui continuaient à se réunir même après la fin du cours.

Tout cela, qui a duré près de dix siècles, à présent finit pour toujours. Les étudiants ne vivront plus dans la ville où se trouve l’université, mais chacun écoutera les cours enfermé dans sa chambre, séparé parfois par des centaines de kilomètres de ceux qui étaient autrefois ses camarades d’étude. Les petites villes, sièges d’universités autrefois prestigieuses, verront disparaître de leurs rues ces communautés d’étudiants qui constituaient souvent la partie la plus vivante du lieu.

De chaque phénomène social qui meurt, on peut affirmer que, dans un certain sens, il méritait sa fin et il est certain que nos universités avaient atteint un tel point de corruption et d’ignorance spécialisée qu’il n’est pas possible de les pleurer et que la forme de vie des étudiants s’était en conséquence tout autant appauvrie. Deux points doivent pourtant rester entendus.

Les professeurs qui acceptent, comme ils le font en masse, de se soumettre à la nouvelle dictature télématique et de donner leurs cours seulement on line sont le parfait équivalent des enseignants universitaires qui, en 1931, jurèrent fidélité au régime fasciste. Comme il advint alors, il est probable que seuls quinze sur mille s’y refuseront, mais assurément leurs noms resteront en mémoire à côté de ceux des quinze enseignants qui ne jurèrent pas.

Les étudiants qui aiment vraiment l’étude devront refuser de s’inscrire à l’université ainsi transformée et, comme à l’origine, se constituer en nouvelles associations d'étudiants, à l’intérieur desquelles seulement, face à la barbarie technologique, pourra rester vivante la parole du passé et naître, si elle vient à naître, quelque chose comme une nouvelle culture.

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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 14:40

 

 

https://mobile.francetvinfo.fr/faits-divers/police/violences-policieres/mort-de-cedric-chouviat-les-avocats-de-sa-famille-demandent-l-interdiction-du-plaquage-ventral-par-les-forces-de-l-ordre-dans-une-lettre-a-christophe-castaner_4000799.html

 

Mort de Cédric Chouviat, les avocats de sa famille demandent l'interdiction du plaquage ventral par les forces de l'ordre, dans une lettre à Christophe Castaner.

Selon les signataires de cette lettre, cette technique alimente la crise de confiance entre la police et la population.

Les avocats de la famille de Cédric Chouviat, livreur à scooter mort lors d'une interpellation au mois de janvier 2020, demandent l'interdiction de la technique du plaquage ventral par les forces de l'ordre dans une lettre adressée au ministre de l’intérieur Christophe Castaner datée du Lundi 8 Juin 2020, dont France Info a eu connaissance.

« Nous regrettons qu'il n'ait pas été mis immédiatement un terme à la technique du plaquage ventral et vous redemandons, par la présente, d'interdire cette technique mortifère », écrivent les avocats Arié Alimi, William Bourdon et Vincent Brengarth, après avoir rappelé que cette technique est mise en cause dans trois affaires, dans la mort de Cédric Chouviat qui a été asphyxié et dont le larynx a été fracturé au mois de janvier 2020, dans le décès d'Adama Traoré, selon un nouvel examen réalisé à la demande de la famille du défunt et révélée Mardi 2 Juin 2020, et dans la mort de Mohamed Gabsi, selon un rapport d'autopsie pointant les pratiques policières révélé par Mediapart, Vendredi 5 Juin 2020.

Les avocats écrivent que « le fait que de telles techniques ne soient pas suspendues alimentent la crise de confiance entre la police et la population », alors que la France est traversée par de nombreuses manifestations pour dénoncer le racisme et les violences policières depuis deux semaines. Ils citent d'ailleurs le rapport du défenseur des droits publié Lundi 8 Juin 2020, qui parle de crise de confiance des citoyens à l'égard des forces de sécurité et d’une augmentation des violences à l'occasion de l'exercice de leurs missions.

Les signataires de la lettre rappellent aussi le ministre de l’intérieur à ses engagements car, au mois de janvier 2020, il avait annoncé « une étude d'évaluation de l'ensemble des techniques d'immobilisation aux fins que, le cas échéant, soient tirées toutes les conséquences dans leur dangerosité, quels que soient les efforts qui pourraient être faits en termes de formation ou de pédagogie ». « Nous n'avons eu aucun écho sur ces travaux », écrivent les signataires. Christophe Castaner avait aussi assuré que la société civile et les avocats y seraient associés.

Enfin, les avocats de la famille de Cédric Chouviat se demandent pourquoi les policiers impliqués dans son interpellation n'ont pas été suspendus, « l’absence de suspension à ce jour des policiers laisse à penser que, sous couvert de respecter leur présomption d'innocence, ce qui peut être légitime, l'autorité reconnaît en creux que les risques du métier pourraient être d'entraîner le décès d'un homme par asphyxie. Un tel raisonnement est extrêmement dangereux, non seulement parce qu'il potentialise sa réitération mais que, plus encore, il accrédite l'idée selon laquelle le pouvoir exécutif protège la police en toutes circonstances ».

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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 14:18

 

 

https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/violences-policieres-le-comite-adama-traore-appelle-a-une-nouvelle-manifestation-a-paris_34149547.html

 

Violences policières, le comité pour Adama Traoré appelle à une nouvelle manifestation à Paris

Après le rassemblement massif du Mardi 2 Juin 2020 devant le tribunal de Paris, le comité pour Adama Traoré appelle à une nouvelle manifestation, Samedi 13 Juin 2020 à 14 heures 30 Place de la République à Paris.

Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, avait prévenu après le rassemblement du Mardi 2 Juin 2020 devant le tribunal de Paris. Elle veut instaurer un rapport de force pour faire toute la lumière sur le décès de son frère, au mois de juillet 2016.

Après le rassemblement du Mardi 2 Juin 2020 devant le tribunal de Paris, un appel à une manifestation à Paris a été lancé pour Samedi 13 Juin 2020 par le comité pour Adama Traoré.

Dans un nouvel appel à manifester diffusé sur Facebook, le comité pour Adama Traoré appelle à une mobilisation nationale, « nous appelons toutes les villes de France à venir manifester avec nous pour exiger la vérité et la justice pour Adama Traoré et pour toutes les victimes de la police ou de la gendarmerie ».

À cinq jours de la manifestation, Lundi 8 Juin 2020, près de sept cent personnes avaient déjà annoncé leur participation à l’événement et plus de deux mille personnes disaient être intéressés. Plutôt qu’un rassemblement comme au tribunal de Paris, le comité pour Adama Traoré veut une manifestation au départ de la Place de la République Samedi 13 Juin 2020 à 14 heures 30 vers la Place de l'Opéra. Ce que devrait refuser la préfecture de police.

Lundi 8 Juin 2020, le procureur de la république de Paris a publié un communiqué de presse revenant sur la chronologie des faits de l’enquête judiciaire en cours. Deux témoins clefs, dont l’homme chez qui Adama Traoré s’était réfugié en fuyant les gendarmes, devraient être entendus par les juges d’instruction au mois de juillet 2020, quatre ans après la mort du jeune homme de vingt quatre ans.

Mardi 2 Juin 2020, le comité pour Adama Traoré a réuni entre vingt mille personnes, selon la police, et quatre vingt mille personnes, selon ses chiffres, à la Porte de Clichy. Les milliers de manifestants rassemblés devant le tribunal de Paris ont écouté les différentes prises de paroles dénonçant l’action de la justice au sujet de la mort d’Adama Traoré à l’été 2016, dans laquelle trois gendarmes sont mis en cause.

Le rassemblement, interdit par la préfecture de police au nom de l’état d’urgence sanitaire, s’était terminé par des heurts entre manifestants et forces de l’ordre dans la soirée du Mardi 2 Juin 2020. Assa Traoré avait estimé que le préfet de police Didier Lallement était le seul responsable de ces heurts, tandis que le ministre de l'intérieur Christophe Castaner saluait l’engagement de ses effectifs.

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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 13:49

 

 

REVUE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE

Vous trouverez ci-dessous la première partie d’un très long message de Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, et de Dominique Labbé, chercheur associé en science politique à l'Université de Grenoble-Alpes, relatif à un premier bilan de l’épidémie de coronavirus en France et dans le monde entier. Le message est disponible en totalité si vous consultez le blog Mediapart de Laurent Mucchielli à l’adresse ci-dessous.

Bernard Fischer

 

https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/060620/les-chiffres-de-la-mortalite-liee-au-covid-19-premier-bilan

Les chiffres de la mortalité liée au coronavirus, premier bilan

La dynamique de l'épidémie est étudiée grâce à la date du pic épidémique, du taux d'hospitalisation et de la mortalité à l'hôpital. Le virus s'est diffusé selon une dynamique propre et il ne peut pas être affirmé que le confinement l’aurait freiné. La mortalité à l'hôpital est très différente selon les départements. Ces différences pourraient tenir à l'organisation et à la nature des soins.

Par Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, et Dominique Labbé, chercheur associé en science politique à l'Université de Grenoble-Alpes.

Une précédente version de cet article a été publiée dans la Revue Politique et Parlementaire, Vendredi 5 juin 2020. Les auteurs n’ont reçu aucun financement public ou privé.

L’épidémie de coronavirus paraît se terminer après avoir connu son pic au mois d'avril 2020. Nous pouvons en dresser un premier bilan et, à travers celui-ci, tenter d’évaluer la gestion de cette crise par les pouvoirs publics.

En premier lieu, un bilan statistique permet de mesurer l’ampleur de l’épidémie, rapportant celle-ci à d’autres épisodes épidémiques, puis de s’intéresser à sa diffusion, à sa prévalence, à son impact dans la population et à la mortalité à l’hôpital.

En second lieu, ces différents constats conduisent à poser la question essentielle qui émerge alors. Comment expliquer les différences de mortalité selon les territoires observés ? Trois analyses en lien avec l’intensité du pic épidémique, la gravité des cas et la date de ce pic, apportent la réponse avant d’introduire une dimension comparée et de déboucher sur plusieurs conclusions qui questionnent les politiques publiques de santé en France.

Un bilan statistique précis de l’épidémie, et de facto de l’action publique mise en œuvre, peut être dressé à partir des données publiées par Santé Publique France (SPF), un établissement public sous tutelle du ministère de la santé, assurant la veille sanitaire dans le pays. A l’heure du Big Data, censé contribuer à une refondation démocratique, les données collectées sont désormais mises en ligne et elles constituent une source d’information non négligeable. Certes, les données publiées demeurent relativement agrégées et ne permettent pas toujours d’évaluer le plus finement possible l’impact épidémique et l’action sanitaire déployée.

Ces données n’en autorisent pas moins un cadrage de la situation. Quatre types de données sont exploitées ici, le nombre cumulé de personnes hospitalisées aux dates du 30 mars, du 15 avril, du 30 avril, du 15 mai et du 31 mai 2020, le nombre de personnes en réanimation, le nombre cumulé de personnes décédées, le nombre cumulé de personnes retournées à domicile selon l’expression officielle et, en principe, guéries, aux mêmes dates.

L’indicateur le plus significatif, celui qui permet des comparaisons avec d’autres épidémies, est sans conteste la mortalité causée par ce nouveau virus. Si l’on s’en tient au bilan officiel, celui-ci a fait vingt huit mille huit cent deux victimes, dont dix huit mille quatre cent cinquante cinq victimes à l’hôpital et dix mille trois cent quarante sept victimes dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dont les Etablissements d'Hébergement des Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), à la date du Dimanche 31 mai 2020. A ce chiffre, il faudrait ajouter les morts survenues à domicile qui ne sont pas comptabilisées officiellement. A la fin du mois d'avril 2020, le président du syndicat des Médecins Généralistes de France (MGF) estimait le nombre de ces dernières à neuf mille. L’épidémie aurait donc causé plus de trente huit mille morts.

Ce comptage n’est pas simple, d’autant plus que toutes les personnes décédées n’ont pas été dépistées. Il faut tenir compte aussi des comorbidités faisant que, dans certains cas, ce n’est pas le coronavirus qui est principalement en cause. C’est pourquoi l’impact d’une épidémie est généralement apprécié non pas à travers les victimes directes qu’il aurait causées, leur nombre étant difficile à déterminer précisément, mais à travers l’épisode de surmortalité qui apparaît après coup dans les statistiques du nombre des morts. On regarde donc l’année ou les années antérieures à l’épidémie et on repère si, pour telle période, se manifeste un surcroît de mortalité. Ainsi, l’Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE) a observé que la mortalité a augmenté de vingt six mille trois cent morts entre le premier mars et le 30 avril 2020 par rapport à la même période de 2019.

Cette dernière ayant été particulièrement clémente, en termes de mortalité, l’INSEE a également suggéré de s’en tenir plutôt à une évolution moyenne par rapport aux années 2018 et 2019, soit un surcroît de mortalité de vingt deux mille deux cent soixante et onze morts. Pour le mois de mai 2020, les résultats encore provisoires du même institut traduisent un recul de la mortalité tant par rapport à 2019 que 2018 ce qui, si ces chiffres se confirmaient, obligeraient à revoir à la baisse l’impact de l’épidémie de coronavirus sur la mortalité globale.

Qu’observe-t-on lorsque l’on compare ces premiers bilans à des épisodes épidémiques antérieurs ? L’épidémie de coronavirus en termes de mortalité se distingue-t-elle de ces épisodes ? Est-elle l’épidémie la plus grave que le pays ait connu depuis un siècle comme cela a été affirmé jusque par les plus hautes autorités de l'état ? Un premier tableau dresse le bilan de toutes les épidémies qui, depuis 1945, ont engendré un surcroît de mortalité d’au moins dix mille morts par rapport à l’année antérieure, treize épisodes peuvent être recensés, sans compter l’épidémie de coronavirus. Or, tant en données absolues que par rapport à la population générale, qui a beaucoup augmenté et, en l’occurrence, par fraction de dix mille habitants, dix épisodes sont égaux ou supérieurs à celui de 2020.

Bien sûr, on pourra toujours objecter que la politique du gouvernement aura permis de limiter l’épidémie de coronavirus. En effet, à compter du mois de mars 2020, prenant appui sur la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de coronavirus, loi du 23 mars 2020, c’est un véritable état d’exception sanitaire qui a été mis place. Totalement inédit, celui-ci a conduit à des mesures très contraignantes, supprimant la plupart des libertés civiles et publiques, mettant à l’arrêt des pans entiers de l’économie et obligeant à un confinement généralisé. Jamais, en temps de paix civile, de telles mesures n’avaient été adoptées, certains commentateurs allant jusqu’à parler de dictature sanitaire.

Enfin, une différence mérite d'être notée avec les épidémies antérieures. Par exemple, pour 2015, durant les neuf semaines de l’épidémie de grippe, et pour une mortalité finale équivalente à celle du coronavirus, il y avait eu environ trois millions de consultations médicales pour syndromes grippaux, trente mille neuf cent onze passages aux urgences débouchant sur mille cinq cent quatre vingt dix sept mises en réanimation. Pour le coronavirus, le total des hospitalisations a d’ores et déjà dépassé cent mille et le total des patients en réanimation dépasserait quinze mille. Cette explosion des hospitalisations et des cas graves est-elle due à la nature particulière de la maladie ou au fait que la médecine de ville a été placée sur la touche alors qu’elle assurait le plus gros des prises en charge dans les épidémies précédentes ?

Quoi qu'il en soit, les hôpitaux ont été soumis à une pression beaucoup plus forte qu’auparavant. En contrepartie, les statistiques hospitalières donnent une image assez fidèle de la dernière épidémie.

Dans les principaux départements, les hospitalisations pour coronavirus ont suivi une évolution assez semblable en forme de cloche. Après une phase d’augmentation lente, il s’est produit un afflux de malades pendant quelques jours puis, après le bref maximum du pic épidémique, la décrue survient, assez rapide au début puis plus ou moins ralentie sur la fin. Etant donné le caractère assez général de ce profil, le pic des hospitalisations est un bon moyen d’observer la diffusion de l’épidémie sans avoir besoin de suivre la situation de chaque département au jour le jour. Il s’agit de la date où le système hospitalier départemental a subi le plus fort afflux de patients. Par exemple, pour la France entière, le pic épidémique se situe le 14 avril 2020. A cette date, trente deux mille cent trente et un patients avaient déjà été hospitalisés pour coronavirus, soit cinq patients pour dix mille habitants, le taux d’hospitalisation au moment du pic épidémique. Le pic le plus précoce est atteint en Corse du Sud le 28 mars 2020 et le plus tardif est atteint dans le Loir-et-Cher le 11 mai 2020.

La date du pic fournit une indication approximative sur l’apparition du virus dans le département. Par exemple, si le pic de l’épidémie a été atteint le 28 mars 2020 en Corse du Sud, c’est que le virus était présent dans ce département au moins depuis la fin du mois de février 2020. De même pour la Guadeloupe, la Martinique ou, sur le continent, les Pyrénées Orientales, la Lozère et la Charente. Le Haut-Rhin, considéré comme l’épicentre de l’épidémie à cause du rassemblement évangélique du mois de février 2020, n’atteint le pic qu’en neuvième position, le 3 avril 2020, en même temps que les Pyrénées-Atlantiques et l’Aude. Une carte retrace l’évolution de cette épidémie en classant les pics par quintile, environ vingt départements à chaque fois. Les plus foncés sont les premiers atteints, ceux d’où est probablement partie l’épidémie. Les plus clairs sont les derniers atteints. Paris et la majorité des départements franciliens figurent dans la troisième classe, au milieu de la distribution.

Le fait que le pic épidémique ait été atteint dès le mois de mars 2020 dans un certain nombre de départements montre que le virus était présent sur le territoire national depuis le mois de février 2020, spécialement en outre-mer mais aussi dans des départements inattendus comme la Lozère. En revanche, la présence des Pyrénées-Orientales, des Pyrénées-Atlantiques ou des Hautes-Alpes, parmi les plus anciens départements infectés, est moins une surprise quand on considère la situation en Espagne et en Italie du Nord limitrophes.

On remarque ensuite que la diffusion de l’épidémie s’est faite par contiguïté, puis en suivant les principales lignes de communication, avant d’exploser. Les deux tiers des pics épidémiques sont intervenus dans la semaine du 12 avril au 19 avril 2020. Le pic parisien arrive en quarante huitième position au 14 avril 2020, comme dans quinze autres départements, le Rhône, le Bas-Rhin, les Yvelines, le Nord, le Val d’Oise, la Somme, la Gironde, le Loiret, les Alpes Maritimes, l’Aube, le Doubs, le Maine et Loire, la Charente Maritime, les Côtes d’Armor et l’Allier. Ces pics sont intervenus près d’un mois après le début du confinement général de la population.

Au total, la diffusion du coronavirus sur le territoire français s’est faite selon le schéma et un rythme propre à ce type d’infection. Le confinement général de la population ne semble pas avoir entravé cette diffusion. Un dépistage plus systématique et la mise à l’écart des personnes à risque auraient sans doute produit de meilleurs résultats comme l’illustre l’exemple allemand, avec un taux de mortalité quatre à cinq fois inférieur à celui de la France.

La France n’a pas mené, en effet, de campagne de tests systématiques qui auraient permis de connaître la prévalence du virus sur le territoire national. Celle-ci peut néanmoins être estimée grâce au taux d’hospitalisation, soit le nombre total de personnes ayant été hospitalisées pour coronavirus rapporté à l’ensemble de la population du département.

Les départements d’outre-mer ne sont pas figurés dans une deuxième carte. Ils sont tous dans le premier quartile, moins de six hospitalisés pour dix mille habitants, sauf Mayotte qui est dans le second quartile, moins de douze hospitalisés pour dix mille habitants.

En comparant ces deux premières cartes, on est frappé par l’absence de correspondance entre la diffusion de l’épidémie et la prévalence de celle-ci, à part pour le Haut-Rhin qui figure dans le haut des deux classements, précocité de l’infection et prévalence.

Au contraire, la plupart des départements où est d’abord apparu l’épidémie ont eu des taux d’hospitalisation inférieurs à la moyenne, c’est notamment le cas de tout l’outre-mer, des Pyrénées-Atlantiques, des Hautes-Alpes ou de la Lozère, alors que, dans ces départements, la diffusion de l’épidémie était déjà largement faite avant qu’ils soient confinés.

Les départements qui ont subi la plus forte prévalence sont situés sur les principaux axes de communication du pays et les zones d’échanges les plus intenses, ce qui est classique pour toutes les épidémies. Ce constat, rapproché des dates de pic, suggère que le confinement général de la population et le fort ralentissement de l’activité économique n’ont guère influé sur l’expansion de l’épidémie et que le virus s’est propagé selon une dynamique propre.

Partout en France, l’hospitalisation pour coronavirus s’est principalement faite lorsque le patient présentait des difficultés respiratoires graves et, théoriquement, le traitement a partout été le même. Dès lors, on s’attendrait à ce que la mortalité à l’hôpital soit à peu près semblable dans tous les départements. Pour l’ensemble du pays, ce taux est de dix huit pour cent. A la date du Dimanche 31 Mai 2020, sur cent personnes hospitalisées pour coronavirus depuis le début de la crise, dix huit pour cent sont mortes. Une troisième carte présente le taux de mortalité à l’hôpital, le nombre de morts par rapport au nombre total des hospitalisés.

De nouveau, il y a des différences considérables avec les cartes précédentes, sauf pour le Haut-Rhin que l’on retrouve ici dans le premier quartile et pour la Corse-du-Sud où l’épidémie a été particulièrement précoce. Pour l’Ile-de-France, seul Paris figure dans le premier quartile, avec une mortalité de vingt et un pour cent.

La surmortalité à l’hôpital suit une ligne continue traversant la France d’est en ouest, des Ardennes à la Charente-Maritime en passant par la Moselle, la Meurthe et Moselle, les Vosges, la Haute-Saône, la Côte-d’Or, la Nièvre, le Cher, l’Indre, la Vienne et les Deux-Sèvres, mais elle touche également l’Eure, l’Oise ou la Somme. Plutôt qu’en Seine-Saint-Denis, on cherchera dans ces départements les indices de l’inégalité face à la maladie, vieillissement mal accompagné, appauvrissement d’une partie de la population mais aussi défaillances du système médical.

Dans la grande presse, on a souligné l’existence de déserts médicaux en citant le Lot, le Cher, l’Indre, les Deux-Sèvres, la Nièvre voire les Vosges, mais l’Eure, l’Oise, la Meurthe-et-Moselle ou la Côte d’Or, qui ont connu des mortalités proches de ces départements, ne sont pas des déserts médicaux.

Cette inégalité se lit dans la légende du graphique, l’étalement de la distribution est considérable. D’un minimum d'un pour cent dans l'île de la Réunion à un maximum de vingt huit pour cent dans le département de l'Indre. Un quart des départements ont un taux de mortalité à l’hôpital inférieur à douze pour cent alors que, à l’opposé, un autre quart a une mortalité supérieure à vingt pour cent et en moyenne double des premiers.

Un précédent article a montré que les écarts de mortalité ne peuvent s’expliquer par le hasard ni par le taux d’hospitalisation, ce que confirment les deux cartes citées ci-dessus. Ceci met à mal l’idée simple selon laquelle il y a eu d’autant plus de morts que le virus était plus présent dans le département.

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8 juin 2020 1 08 /06 /juin /2020 17:14

 

 

AUTOPSIE D'UNE EPIDEMIE

Vous trouverez ci-dessous la deuxième et dernière partie d’un très long message de Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, et de Dominique Labbé, chercheur associé en science politique à l'Université de Grenoble-Alpes, relatif à un premier bilan de l’épidémie de coronavirus en France et dans le monde entier. Le message est disponible en totalité si vous consultez le blog Mediapart de Laurent Mucchielli à l’adresse ci-dessous.

Bernard Fischer

 

https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/060620/les-chiffres-de-la-mortalite-liee-au-covid-19-premier-bilan

Pourquoi ces différences de mortalité ?

L’explication généralement avancée est que, dans un certain nombre de départements, le système hospitalier a été débordé par l’afflux des patients durant une période critique autour du pic épidémique.

Nous proposons ci-dessous trois manières de tester cette idée largement répandue. Pour ces trois tests, la procédure utilisée est la suivante.

Un graphique dit de corrélation permet un jugement sur le profil du phénomène. Les valeurs de la variable à expliquer, ici la mortalité, sont placées sur l’axe vertical, dit des ordonnées, et celles de la variable explicative à tester, par exemple le taux d’hospitalisation, sur l’axe horizontal des abscisses. Chaque département est symbolisé par un point de coordonnées. Si la liaison est avérée, les points du graphique seront à peu près alignés. Si cette liaison est positive, les deux variables évoluent dans le même sens, le nuage de points sera orienté vers le haut. A l’inverse, en cas de liaison négative, l’orientation sera descendante.

Une droite ou une courbe d’ajustement est calculée. Ici seul l’ajustement linéaire est réalisé. Cette droite passe par le point moyen du nuage et au plus près de chaque point. Sa pente dépend de l’échelle choisie pour chacune des deux variables. Si cette échelle est équivalente, une liaison linéaire se traduirait par une pente de un. Chaque accroissement en ordonnée se traduit par une variation proportionnelle en abscisse. Plus cette pente est inférieure à un, plus la liaison est faible.

Un coefficient de détermination mesure la force de la liaison entre les ordonnées et les abscisses. Le coefficient utilisé dit de Bravais-Pearson permet de décider si, avec un risque d’erreur, habituellement de cinq pour cent, il est possible d’accepter ou de refuser l’hypothèse selon laquelle la variable de la mortalité est expliquée par la dimension sous revue en abscisse. Ce coefficient varie entre plus un, liaison rigide et de même sens, et moins un, liaison de sens contraire, un coefficient nul indiquant une absence complète de liaison entre les deux variables. L’appréciation de ce coefficient dépend du nombre de mesures, ici une centaine, et du seuil d’erreur accepté, habituellement de cinq pour cent, et elle se fait à l’aide de tables de valeurs seuils.

Nous allons examiner successivement, l’influence sur la mortalité à l’hôpital de l’intensité du pic, de la gravité supposée des cas et de la date de l’afflux des patients.

Certains hôpitaux ont connu des afflux spectaculaires de malades et leurs services d’urgence ont parfois été débordés, notamment dans la région parisienne et dans l'est. Cet engorgement pourrait-il expliquer un taux de mortalité à l’hôpital plus élevé dans ces départements ?

Une des données mises en ligne permet de mesurer l’intensité de l’épidémie, le nombre de malades hospitalisés à la date de l’afflux maximum. En rapportant cet effectif à la population totale du département, on obtient le taux d’hospitalisation au moment du pic épidémique. En quelque sorte, ce taux mesure l’intensité du stress auquel a été soumis le système hospitalier dans le département considéré.

On examine la corrélation entre ce taux et la mortalité finale, le nombre de morts à la date du Dimanche 31 Mai 2020 rapporté au total des hospitalisés durant toute l’épidémie. Un premier graphique illustre ce calcul. Chaque département est figuré par un point avec en abscisses le taux d’hospitalisation au pic, la variable supposée explicative, et, en ordonnées, le taux de mortalité.

Le nuage est très dispersé. Le taux de corrélation est non significatif, un pour mille, alors que, pour quatre vingt seize mesures, d’après la table de Fisher et Yates, ce taux devrait être au minimum égal à deux pour mille pour pouvoir affirmer, avec moins de cinq pour cent de chances de se tromper, qu’une liaison existe entre les deux variables. Autrement dit, l’intensité du pic ne peut pas expliquer les différences de mortalité entre départements.

De plus, ce nuage est proche de l’horizontale. Etant donnée l’échelle choisie, si la hauteur du pic expliquait la mortalité à l’hôpital, tous les points devraient être grossièrement alignés selon la première diagonale du tableau. Sur le graphique, est portée en pointillés, la droite d’ajustement de la mortalité en fonction de l’intensité de l’hospitalisation. L’intérêt de cette droite est de signaler les départements avec une mortalité élevée, en fonction du stress subi au moment du pic, ou faible, en dessous. Cette droite est légèrement orientée vers le haut. On ne peut donc pas totalement écarter l’idée que, pour un petit nombre de départements, l’afflux des malades a pu entraîner un léger surcroît de mortalité.

Cependant, il a également été objecté que beaucoup de départements ont eu peu d’hospitalisés et que ces faibles valeurs pouvaient perturber le phénomène. Pour examiner cette objection, il est possible de réduire l’analyse aux départements ayant eu le plus d’hospitalisés au moment du pic. Un deuxième graphique présente le même tableau réduit aux seize départements qui ont fait face au plus gros afflux de malades.

Naturellement, on remarque que la hauteur du pic varie considérablement. Elle est trois fois plus élevée à Paris ou dans le Val-de-Marne que dans le Nord et deux fois plus que dans les Bouches-du-Rhône. Toutefois, la dispersion du nuage est considérable, ce qui amène un  taux de corrélation nul. Par conséquent, pour les principaux départements touchés par l’épidémie, la thèse selon laquelle l’intensité du pic d’hospitalisation expliquerait les différences de mortalité ne peut être retenue.

Pour l’Ile de France, sous réserve des transferts de malades entre départements, on doit retenir que Paris a une mortalité supérieure au Val-de-Marne tout en ayant affronté un pic un peu moins fort et que la Seine-Saint-Denis est dans la tendance moyenne. En termes de mortalité, elle est dépassée par le Val-d’Oise et par la Seine-et-Marne qui ont pourtant connu un pic nettement moins fort. Sauf à admettre un transfert massif des malades les plus graves vers des hôpitaux d’autres départements, il est donc impossible d’affirmer que ce département, le plus pauvre de France, aurait connu une surmortalité significative par rapport au reste de la métropole et même de l’Ile-de-France.

Trois départements franciliens se singularisent par une mortalité significativement inférieure à la moyenne, les Hauts-de-Seine, les Yvelines et l'Essonne. Le premier a connu un pic épidémique un peu inférieur à celui de Paris mais il affiche une mortalité de vingt pour cent plus faible par rapport à la capitale. Pour l’Essonne, cet écart est de vingt cinq pour cent, ce qui est considérable.  Il faut donc examiner d’autres facteurs pour expliquer la surmortalité parisienne par rapport au reste de l’Ile de France.

Le graphique signale une fois de plus la position singulière des Bouches-du-Rhône avec une mortalité inférieure de trente huit pour cent à celle de Paris. Certes l’intensité du pic y a été nettement inférieure à celle enregistrée dans la plupart des principaux départements touchés par cette épidémie. Mais, même en tenant compte de cet effet possible, la mortalité dans les Bouches-du-Rhône est inférieure de trente pour cent à la valeur attendue, équivalente à celle de la Seine-et-Marne, et pratiquement deux fois moindre que celle de l’Oise. Avec un pic épidémique à peine supérieur, le Rhône a une mortalité de vingt pour cent supérieure à celle des Bouches-du-Rhône.

De nombreux commentaires ont également mis l’accent sur la gravité des cas, affirmant que, dans certains départements, où les hôpitaux n’étaient pas saturés, on aurait accueilli des cas moins graves que dans les départements au cœur de l’épidémie où les services de réanimation étant saturés, les cas moins graves n’auraient pu être traités.

Les statistiques mises en ligne comprennent, au jour le jour, le nombre des malades pour coronavirus placés en réanimation par département. Certes, on ne connaît pas le nombre de lits disponibles en réanimation, ni le nombre total de lits disponibles. Il n’est donc pas possible de calculer un taux de saturation. Il est toutefois possible d’estimer le poids des cas les plus graves en rapportant le nombre de personnes en réanimation au total des hospitalisés à la même date. On obtient ainsi un taux d’hospitalisation en réanimation. Pour cette comparaison entre départements, la date du pic épidémique est également utilisée. Autrement dit, au paroxysme de l’épidémie, quelle était la proportion des patients en réanimation et cette proportion a-t-elle une relation avec la mortalité finale enregistrée dans le département ?

Pour l’ensemble du pays, la moyenne des patients hospitalisés placés en réanimation au moment du pic épidémique était de vingt deux pour cent. La distribution s’étale de cinquante pour cent, dans le Tarn-et-Garonne, à huit pour cent, dans l'Indre et les Hautes-Pyrénées.

Les calculs et leur présentation sont les mêmes que précédemment, dans un troisième tableau.

Le taux de corrélation est nul. Il n’y a aucune relation entre la proportion de patients placés en réanimation et la mortalité finale. Aucune droite d’ajustement ne peut être tracée.

Le graphique montre que la Meurthe-et-Moselle s’est trouvée dans une situation singulière par rapport aux autres grands départements. Dans ce cas particulier, l’hypothèse d’un débordement entraînant un surcroît de mortalité ne peut être écartée. En revanche, pour la Moselle ou l’Oise, il faut chercher ailleurs l’explication d’une surmortalité anormale par rapport à la moyenne nationale. Enfin, il n’est pas possible d’affirmer que, dans les Bouches-du-Rhône, on aurait hospitalisé moins de cas graves que dans le reste de la France. Au contraire, la proportion de patients en réanimation au moment du pic épidémique y est supérieure à la moyenne nationale.

Enfin, on peut penser qu’une circulation précoce du virus peut expliquer ces différences de mortalité à l’hôpital. Il s’agissait d’affronter une maladie largement inconnue. Il semblerait logique que la mortalité ait été plus forte dans les premiers départements qui ont affronté la vague épidémique, les suivants bénéficiant d’une meilleure connaissance et d’une meilleure maîtrise des traitements possibles.

La variable temps étant mesurée de manière discontinue, contrairement à la mortalité, on recourt au coefficient de corrélation de rang, appelé coefficient de Spearman, qui permet de savoir s'il existe une relation entre le rang des observations pour les deux caractères, les valeurs seuils sont les mêmes que pour le coefficient de Bravais-Pearson utilisé précédemment.

Par exemple, dans l’Ain, le pic se situe le 18 avril 2020, ce qui en fait le soixante seizième, son taux de mortalité de dix sept pour cent le place au cinquante- septième rang. La différence entre les deux classements est de dix neuf.

Le cumul de ces écarts aboutit à une corrélation négative. Ce taux est légèrement inférieur au minimum nécessaire pour pouvoir affirmer, avec moins de cinq pour cent de chances de se tromper, qu’une liaison existe entre les deux variables. De plus cette faible liaison est négative, contrairement à l’intuition selon laquelle plus le pic a été précoce, plus la mortalité a été faible, comme si, à la phase initiale de mobilisation et d’expérimentation, avait succédé une sorte de fatalisme, voire de démobilisation.

Toutefois, cette tendance est loin d’être générale et d’autres facteurs devront donc être pris en compte. L’identification des départements anormaux pourra aider à les identifier. D’un côté, on trouve les départements d’outre-mer, la Lozère, les Pyrénées-Atlantiques, la Haute-Corse, les Hautes-Alpes, le Vaucluse et la Haute-Garonne. Bien qu’atteints précocement par l’épidémie, ces départements ont eu des taux de survie à l’hôpital tout à fait remarquables.

A l’opposé, l’Indre, le Cher, l’Eure, le Lot, la Saône-et-Loire, l’Oise et la Manche, bien qu’atteints tardivement par l’épidémie, ont eu des taux de mortalité significativement supérieurs à la moyenne nationale.

Avec Paris, les Bouches-du-Rhône et la Haute-Garonne, ces départements singuliers pourraient peut-être éclairer les différences considérables de mortalité ? En tout cas une conclusion s’impose, les écarts de mortalité sont trop importants pour qu’on puisse affirmer que les malades atteints de coronavirus ont tous été traités de la même manière dans les principaux hôpitaux français.

Chaque pays est tenu de déclarer à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les causes des morts. Par convention, le nombre de morts dans lesquels le coronavirus a été impliqué est rapporté à la population totale et exprimé par millions d’habitants.

Écartons d’emblée une objection souvent entendue. Certains pays dissimuleraient une partie de la mortalité en enregistrant des morts sous d’autres rubriques, par exemple arrêts cardiaques et Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC). En fait, dans tous les grands pays, les statistiques démographiques sont réalisées par des organismes indépendants de qualité qui suivent les mêmes conventions en la matière.

A l’inverse, en France il règne pas mal de flou autour de la mortalité en dehors des structures hospitalières. En fait, le chiffre de quatre cent quarante et un morts par million, généralement publié dans la presse, ne porte que sur le nombre de morts enregistrés dans les hôpitaux et les EHPAD. Si l’on intègre une estimation de la mortalité à domicile et dans les maisons de retraite, le coronavirus a été associé en France à au moins trente huit mille morts, soit cinq cent quatre vingt morts par millions d’habitants. La mortalité française est donc comparable à celle enregistrée en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne et elle n’est dépassée que par celle de la Belgique.

En revanche, la mortalité française pour coronavirus a été quatre à cinq fois plus élevée qu’au Portugal ou en Allemagne et deux fois et demie plus élevée qu’en Suisse ou au Canada. L’Allemagne a un budget santé comparable à la France. C'est un pays nettement plus vieux qui devrait donc avoir une mortalité plus élevée.

Or le confinement en Allemagne ou au Portugal a été moins strict et moins long qu’en France. La comparaison est également éclairante avec la Corée et le Japon. Comme l’Allemagne, le Japon est nettement plus âgé que la France, pourtant les bars et les restaurants sont restés ouverts pendant toute la crise, les écoles n’ont été que très brièvement fermées, l’économie a fonctionné normalement et le nombre des morts pour coronavirus a été presque cent fois plus faible qu’en France.

Dès lors, un constat est inévitable. La population française s’est vu imposer des contraintes beaucoup plus fortes que dans les autres grands pays et manifestement ces contraintes n’ont pas eu l’effet attendu sur l’épidémie et sur le bilan final. Nous pouvons même nous demander si elles n’ont pas plutôt été contre-productives.

L’épidémie de coronavirus a donc fait en France au moins trente huit mille morts à la date du Dimanche 31 Mai 2020 mais, selon l’INSEE, à la date du 30 avril 2020, le surcroît de mortalité par rapport aux années antérieures est de l’ordre de vingt deux mille à vingt six mille morts.

Notre analyse statistique montre que, pour la France, aucune des justifications habituellement avancées ne peut expliquer les écarts considérables constatés dans les taux de mortalité à l’hôpital, afflux des patients, débordement des capacités hospitalières et plus ou moins grande gravité des cas hospitalisés.

Il est donc impossible d’affirmer que les hôpitaux français ont tous traité de la même manière les malades, ce qui pose quelques questions dérangeantes.

Comment expliquer que les malades hospitalisés pour coronavirus sont morts deux fois plus à Paris qu'à Toulouse ou qu'en outre-mer ? Pourquoi est-on mort deux fois plus dans les hôpitaux mosellans, ou de Meurthe-et-Moselle, que dans ceux du Var ou des Bouches-du-Rhône, ou encore deux fois plus dans la région parisienne que dans les Bouches-du-Rhône et pourquoi une différence de près de cinquante pour cent de mortalité entre des départements voisins comme le Var et les Alpes-Maritimes, voire d'un à trois entre la Haute-Corse et la Corse-du-Sud ?

Pourquoi la mortalité à Paris est-elle significativement plus élevée que dans le reste de l’Ile-de-France et dans la plupart des départements de province, alors que les hôpitaux parisiens sont richement dotés et que les plus grands spécialistes y travaillent ?

Bien sûr, il serait intéressant d’examiner cette situation au niveau des hôpitaux. Les résultats seraient sans aucun doute encore plus contrastés, mais il n’existe pas à ce niveau de transparence.

Tous ces constats et ces questions, s’agissant d’une même pathologie, touchant des personnes au profil assez comparable, ne peuvent renvoyer qu’au système de soins, aux pratiques mises en œuvre et surtout aux traitements.

A l’heure du bilan définitif, il faudra comprendre pourquoi une partie du système hospitalier français a semblé dépassé, spécialement au cœur même de ce système dans les établissements les plus prestigieux, alors qu’une autre partie a fait face à l’épidémie avec plus de succès.

Enfin, le questionnement de l’action gouvernementale ne pourra pas être esquivé. En effet, au mois de mars 2020, les autorités françaises se sont posées en chefs de guerre face à l’épidémie. Elles ont eu recours à un confinement général extrêmement dur pour tenter de ralentir la diffusion du virus dans le pays. De plus, les autorités ont mis sur la touche la médecine de ville. Elles ont interdit aux médecins de prescrire certains médicaments et aux pharmaciens de les délivrer. Elles ont levé le secret médical et elles ont obligé les médecins à transmettre à l’administration le nom des patients atteints de coronavirus. Elles ont édicté une réglementation sanitaire tatillonne. Elles ont mis l’économie quasiment à l’arrêt et elles ont obéré pour longtemps l’équilibre de l’assurance maladie et de l’assurance chômage sans parler des coups très durs portés au système scolaire.

Or, comme nous l’avons montré, toutes les données empiriques disponibles suggèrent que cette politique n’a pas eu d’effet sur la dynamique de l’épidémie ni sur la mortalité finale, mortalité très lourde par rapport à la plupart des autres grands pays comparables.

Les pays qui ont obtenu les meilleurs résultats face à l’épidémie, ont adopté une attitude exactement opposée, prévention, spécialement protection spécifique pour les personnes à risques, dépistage systématique, particulièrement du personnel soignant, mise à l’écart des malades et soins précoces, souvent avec des traitements comparables à ceux interdits en France. Ces pays ont fait confiance au corps médical et aux citoyens. Ils se sont bien gardés de mettre entre parenthèse les libertés publiques et ils n’ont pas plongé leur économie et leurs assurances sociales dans une crise sans précédent.

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8 juin 2020 1 08 /06 /juin /2020 15:38

 

 

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/adama-traore/affaire-adama-traore-le-defenseur-des-droits-avait-cherche-a-interroger-deux-temoins-cles-il-y-a-quatre-ans-en-vain_4000455.html

 

Affaire de la mort d'Adama Traoré, le défenseur des droits avait cherché à interroger deux témoins-clés il y a quatre ans, en vain

« Les juges d’instruction ont pris quatre ans pour tirer les mêmes conclusions, malgré notre demande », a regretté l'avocat de la famille d'Adama Traoré, Yassine Bouzrou.

Alors que les juges d'instruction de l'enquête sur les conditions de la mort d'Adama Traoré lors de son interpellation au mois de juillet 2016 vont entendre deux témoins-clés au mois de juillet 2020, quatre ans après les faits, le défenseur des droits avait lui-même cherché à les interroger au mois d’octobre 2016 juste après les faits, mais en vain, selon des documents dont France Info a eu connaissance, confirmant des informations du Parisien.

L'avocat de la famille d'Adam Traoré, Yassine Bouzrou, regrette que « dès 2016, le défenseur des droits avait compris qu’il fallait entendre des témoins importants. Les juges d’instruction ont pris quatre ans pour tirer les mêmes conclusions, malgré notre demande ».

Le défenseur des droits avait en effet convoqué l'homme de trente huit ans chez qui Adama Traoré s'était réfugié quelques minutes avant son interpellation et qui n'a été entendu qu'une fois pas les gendarmes ainsi qu'une femme qui a assisté à l'interpellation dans la rue, selon les déclarations d'un gendarme.

Dans une lettre adressée à une juge d'instruction le 17 octobre 2016, que France Info a pu consulter, le défenseur des droits explique que « leurs auditions avaient été fixées durant la semaine du 3 octobre 2016 et nous avions plus particulièrement adressé deux convocations aux intéressés pour la date du 6 octobre 2016. Toutefois, l'homme nous a appelés pour nous indiquer qu'il se trouvait à l'étranger. Nous avons donc convenu d'une nouvelle date d'audition le 2 novembre 2016. Concernant la femme, celle-ci ne s'est pas présentée à sa convocation et il n'a pas été possible de la joindre par téléphone, dans la mesure où aucune coordonnée téléphonique n'apparaît à son nom dans la procédure », explique-t-il encore. Contacté, le défenseur des droits n'a pas souhaité commenter une instruction en cours.

Les deux juges ont annoncé aux familles, au début du mois de juin 2020, leur intention d'entendre ces deux témoins, après avoir pris connaissance d'une contre-expertise, demandée par la famille d’Adama Traoré, qui met en cause le plaquage ventral des gendarmes dans sa mort.

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