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Une indicatrice au coeur du mouvement social
Vendredi 6 Septembre 2019
L'information a d'abord circulé sur les sites d'information d'extrême gauche. Une taupe aurait été débusquée au camp du contre sommet du groupe des sept lors d'une assemblée générale, Vendredi 23 Août 2019.
Des réseaux anticapitalistes clermontois aux Gilets Jaunes de Toulouse en passant par le contre sommet du groupe des sept, récit d'une infiltration de grande ampleur dans le mouvement social
C’est sur le site Information Anti Autoritaire Toulouse et Alentours (IAATA) qu’un texte a été publié en urgence, Mardi 27 Août 2019, signalant pour la première fois la présence d’une policière infiltrée qui aurait été débusquée lors du contre-sommet du groupe des sept à Hendaye. En pleine assemblée générale, plusieurs personnes remarquent cette femme qui prend, avec son téléphone portable, des photographies des participants. Elle est confrontée à l’issue de l'assemblée générale. Dans son téléphone, les militants découvrent avec stupeur des comptes rendus de réunions, envoyés à des supérieurs, un véritable fichage des militants présents au contre-sommet et des rapports détaillés sur l’activité de ces militants.
L’information, qui aurait pu passer inaperçue, étonne par la quantité de détails dans la description de l’éventuelle indicatrice. Les auteurs anonymes de cet article avancent plusieurs informations assez précises.
Cette personne serait présente dans les mouvements des Gilets Jaunes depuis le mois de janvier 2019. Elle aurait organisé, à Toulouse, des parcours de manifestation, mais aussi des actions plus radicales.
Présente dans les groupes d’organisation Telegram des hébergements des Gilets Jaunes lors des actes nationaux à Toulouse, émaillés d’émeutes de grande ampleur, elle aurait pu procéder à un fichage conséquent des manifestants. L’article d'IAATA ne détaille pas le profil de cette personne, voici nos éléments.
Cette militante, alias Besse, Dan Boro, Clara ou encore Rose des Sables, est bien connue à Clermont-Ferrand. « La dernière fois que nous l’avons vue, c’était aux obsèques d’Alain Laffont, un cadre de l’extrême-gauche clermontoise, en 2018 », nous explique Michel, un militant clermontois proche du Mouvement de la France Insoumise (MFI). Avec son mari, décédé depuis, ils prennent part au mouvement social contre le plan d’Alain Juppé en 1995. Patrick, un camarade de l’époque, se souvient que « son mari était représentant des cheminots à la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT) et elle était à la Confédération Générale du Travail (CGT) à Enedis. Elle était très énergique et engagée et elle participait à l’organisation ».
Au début des années 2000, ils se rapprochent de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR). Elle apparaît d’ailleurs dans les signataires d’une tribune du mois de juillet 2009, peu après la dissolution de la LCR dans le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), dans laquelle elle déclare rejoindre le Front De Gauche (FDG). Quelques années plus tard, on la retrouve sur la liste clermontoise du Parti de Gauche pour les élections municipales de 2014, où il est fait état de sa qualité de syndicaliste et d’agent de l’énergie.
En fouillant sur internet, on peut ainsi retracer, par bribes, une vie qui va dans le sens du signalement du site IAATA. Sur le réseau social Copains d’Avant par exemple, elle déclare elle-même être tombée dans la politique lors d’une manifestation lycéennes à Presles dans le Val-d’Oise. Elle écrit que « militante syndicale et associative à cent pour cent depuis quinze ans et représentante syndicale, j’avais trempé dedant à Presles lors d’une manifestation de lycéens ». Quant à son emploi chez Enedis, mentionné dans le premier communiqué, il correspond à celui affiché sur son profil public sur le réseau Linkedin.
Tous les anciens compagnons de lutte que nous avons interrogé expriment leur stupéfaction. Depuis combien de temps travaillerait-elle pour la police ? La question reste en suspens. Michel ne croit pas à une véritable policière sous couverture. « Nous sommes tous très perplexes depuis que cette information est sortie », confie-t-il. « Je sais bien que les parcours des personnes peuvent être compliqués, mais quand même je ne comprend pas quand ni comment elle a pu passer de l’autre côté », abonde Patrick, « pour moi, on a du lui mettre la pression ». Une autre camarade l’ayant fréquentée dans un cadre militant depuis au moins 2009 décrit une personne à la santé fragile et influençable, qui aurait été en fauteuil un moment.
On peut penser qu’elle fut, un temps, une militante qui ne travaillait pas pour les services de renseignement. Et que, fragilisée, elle ait été approchée par les forces de l’ordre pour fournir des informations sur un milieu dans lequel elle avait des accès privilégiés.
Ces éléments feraient donc pencher pour une source, une indicatrice. La loi du 9 mars 2004, dite loi Perben, alliée à la jurisprudence de l’affaire Neyret en 2016, a élaboré un cadre légal applicable à ces sources humaines, dénomination institutionnelle des indicateurs. Elles sont fichées, immatriculées, évaluées, notées et, éventuellement, rémunérées à hauteur de la qualité de l’information qu’elles apportent.
Ces méthodes, l’état français les utilise depuis un certain temps contre les milieux politiques dits radicaux. En témoigne l’infiltration de Mark Kennedy, un policier anglais de la National Public Order Intelligence Unit, au sein des milieux de la gauche radicale française, ce dernier ayant fourni des informations à la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) sur les mis en examen de Tarnac. Ici, c’est la qualité de l’indicatrice qui peut surprendre. Ancienne militante, il est possible qu’elle ait eu comme motivation principale la rémunération contre laquelle elle échangeait ses informations.
Sa photographie, depuis quelques jours, orne des centaines de posts sur les réseaux sociaux. L’éventuelle taupe du contre sommet du groupe des sept a disparu. Ses anciens camarades s’inquiètent et tentent de la convaincre de s’expliquer, en vain.
Sur l’un de ses profils Facebook, Dan Boro, des centaines de commentaires s’abattent contre celle qui est suspectée d’être une indicatrice de la police et dont les renseignements auraient déjà provoqué la mise en examen de plusieurs militants toulousains, comme le relate Mediapart. Selon nos informations, après son départ du camp d’Hendaye, elle était en cavale et elle se cachait dans sa voiture, craignant pour son intégrité physique.
Nous avons essayé de la contacter, sans obtenir de réponse. Beaucoup de questions restent en suspens, ses motivations, particulièrement. Poursuivie sur internet par des militants qui s’estiment trahis, l’hypothétique taupe du contre sommet du groupe des sept pourrait n’avoir désormais qu’un seul protecteur, l’état français.
Sollicité, le ministère de l’intérieur nous a indiqué n’avoir aucun commentaire à faire sur des allégations de presse.