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actualité politique nationale et internationale

POURQUOI CORBYN FAIT PEUR AU GUARDIAN

http://www.jonathan-cook.net/blog/2016-07-22/why-corbyn-so-terrifies-the-guardian

Pourquoi Jeremy Corbyn fait peur au Guardian

Vendredi 22 Juillet 2016

Les développements politiques en Grande-Bretagne semblent plus qu'un peu confus en ce moment.

Les parlementaires du parti travailliste sont en révolte ouverte contre un leader récemment élu avec le plus grand mandat dans l'histoire du parti.

La plupart des députés du parti travailliste appellent Jeremy Corbyn « inéligible », alors qu’ils ont travaillé sans relâche pour lui porter atteinte à partir du moment où il est devenu leader, ne lui donnant aucune chance de prouver qu'il pouvait conquérir un public britannique plus large.

Maintenant, ils lancent une campagne pour la direction du parti et ils essaient de truquer les élections en refusant le droit de vote à des dizaines de milliers de membres du parti travailliste qui ont récemment rejoint le parti. Si les députés perdent cette élection, comme cela semble presque certain, il y a des informations selon lesquelles ils vont continuer leur guerre d'usure contre Jeremy Corbyn, insensibles au fait que leurs actions détruisent le parti qu'ils prétendent aimer.

Pendant ce temps, le Guardian, le journal de référence de la gauche britannique, pendant longtemps le journal préféré des enseignants, des travailleurs sociaux et des militants du parti travailliste, critique aussi Jeremy Corbyn, provoquant une hémorragie de ses lecteurs et des revenus de la vente du journal. Les rapports et les commentaires du Guardian au sujet du leader travailliste, qui ont généralement un caractère d’assassinat ou de diffusion de ragots et d'insinuations, sont ridiculisés par ses propres lecteurs.

Le parti travailliste ignore le point de vue de ses membres, comme le Guardian ignore le point de vue de ses lecteurs. Que se passe-t-il ?

Curieusement, une manière de comprendre ces évolutions peut avoir été trouvée par un philosophe scientifique nommé Thomas Kuhn.

Dans les années 1960, il a écrit un livre influent intitulé « la structure des révolutions scientifiques ». Son argument était que la pensée scientifique n’évolue pas de manière linéaire, comme les connaissances scientifiques. Au contraire, l'histoire humaine moderne a été marquée par une série de perturbations importantes dans la pensée scientifique que Thomas Kuhn appelle des « changements de paradigme ».

Un moment, il y a la domination d’un paradigme comme la mécanique de Newton, ensuite un modèle totalement différent, comme la mécanique quantique, prend sa place, comme si elle arrivait de nulle part.

Le fait important est qu’un changement, ou une révolution, n’est pas lié à l'instant où la théorie scientifique précédente a été discréditée par les preuves croissantes contre elle. Il y a un décalage, habituellement un long retard, entre le moment ou il devient évident que la nouvelle théorie est meilleure et le moment ou la vieille théorie est éliminée.

Thomas Kuhn aboutit à la conclusion selon laquelle cette situation est le résultat d'une inertie émotionnelle et intellectuelle dans la communauté scientifique. Trop de personnes, des universitaires, des instituts de recherche, des organismes de financement et des experts, sont investis dans la théorie établie. Ils ont progressé dans leurs études en raison de leur connaissance de la théorie. Les professeurs de premier plan dans leur domaine ont fait leur réputation en donnant des preuves de la théorie.

De vastes sommes ont été dépensées pour essayer de confirmer la théorie. Les départements universitaires ont été mis en place sur la base que la théorie était correcte. Trop de personnes avaient trop à perdre à admettre qu'ils avaient tort.

Un changement de paradigme, fait valoir Thomas Kuhn, arrive lorsqu’une nouvelle génération de chercheurs exposés à la théorie rivale se sent suffisamment frustrée par cette inertie et atteint des postes suffisamment élevés pour pouvoir lancer un assaut contre la vieille théorie. À ce moment-là, les partisans de la théorie traditionnelle font face à une crise.

L'establishment scientifique résiste, souvent de manière agressive, mais à un moment donné les fortifications protégeant la vieille théorie croulent et s’effondrent. Puis, soudain, presque tout le monde passe à la nouvelle théorie, traitant la vieille théorie comme si elle était une relique des âges sombres.

La science et la politique ne sont pas, bien sûr, précisément analogues. Néanmoins, je dirais que ceci est un moyen utile de comprendre ce qui arrive à la gauche britannique en ce moment.

Une jeune génération n'accepte plus les hypothèses du néo libéralisme qui ont guidé et enrichi une élite pendant près de quatre décennies.

Les idées de la croissance économique sans fin, le pétrole inépuisable et une planète infiniment adaptable n'ont plus de sens pour une génération qui cherche son avenir plutôt que son passé glorieux. Ils voient une élite avec deux têtes qui crée une illusion de choix, mais qui applique un strict conformisme. Sur les fondements de la politique économique et internationale, les conservateurs rouges sont peu différents des conservateurs bleus.

Ou du moins ce fut le cas jusqu'à l’avènement de Jeremy Corbyn.

Jeremy Corbyn et ses partisans menacent un changement de paradigme. Les anciennes élites, que ce soit dans le parti travailliste parlementaire ou dans les éditoriaux de la rédaction du Guardian, sentent le danger, même si elles manquent de la conscience nécessaire pour apprécier l'importance de Jeremy Corbyn. Elles se battront bec et ongles pour protéger ce qu’elles ont. Elles le feront, même si leurs efforts créent tant de colère et de ressentiment qu’ils risquent de libérer les forces politiques les plus sombres.

Le style de socialisme de Jeremy Corbyn puise dans les traditions et les valeurs durables de la compassion, de la communauté et de la solidarité, que les jeunes n’ont jamais vraiment connues, sauf dans les livres d'histoire. Ces valeurs semblent très attrayantes pour une génération piégée dans les derniers jours d'un monde profondément atomisé, matérialiste et hyper compétitif. Ils veulent le changement et Jeremy Corbyn leur offre un moyen de changement.

Mais en dépit de ce qu’affirment ceux qui le critiquent, Jeremy Corbyn n’est pas seulement une relique de la politique du passé. Malgré son âge, il est aussi un personnage très moderne. Il affiche un calme zen, une conscience de soi et une abnégation qui inspirent ceux qui ont été élevés dans le monde du narcissisme de vingt quatre heures.

En ces temps de plus en plus désespérés, le message de Jeremy Corbyn porte bien au-delà des jeunes, bien sûr. Un changement de paradigme ne se produit pas seulement parce que les jeunes remplacent les vieux. Il implique que les vieux viennent à accepter, à contre cœur, que les jeunes peuvent avoir trouvé une réponse à une question dont ils avaient oublié la réponse nécessaire.

Beaucoup de membres de l'ancienne génération connaissent la solidarité et la communauté. Ils peuvent avoir été éblouis par les promesses d'un style de vie ambitieux et les hochets de la consommation effrénée, mais ils prennent conscience lentement eux aussi que ce modèle a une date limite de vente qui approche rapidement.

Les personnes les plus liées au modèle néo libéral, les élites politiques, économiques et médiatiques, seront les dernières à être sevrées d’un système qui les a si richement récompensées.

Elles préfèrent détruire toute la maison que de donner à Jeremy Corbyn et à ses partisans la chance de la réparer.

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