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6 mars 2021 6 06 /03 /mars /2021 15:25

 

 

https://www.elwatan.com/edition/actualite/le-hirak-revient-en-force-06-03-2021

 

Des centaines de milliers de personnes ont manifesté à travers le pays, Vendredi 5 Mars 2021

Le hirak revient en force

Le cinquante huitième vendredi du hirak aura été un grand moment de communion citoyenne, rappelant les manifestations flamboyantes du mois de mars 2019. Les dizaines de milliers de personnes qui ont battu le pavé Vendredi 5 Mars 2021 dans la capitale n’ont pas manqué de réagir avec véhémence au dernier projet de loi sur la déchéance de la nationalité en scandant « vous ne nous faites pas peur avec la nationalité, nous avons été forgés par le patriotisme ».

Alger, Vendredi 5 Mars 2021 à 12 heures 05, la capitale arbore un visage paisible en cette fin de matinée ensoleillée. Comme tous les vendredis, et surtout depuis le retour du hirak, la présence policière sature le paysage urbain. Mais nous sentons moins de tension que Vendredi 26 Février 2021.

Autour de la mosquée Errahma, épicentre du hirak à Alger-Centre, les éléments des forces de sécurité se font discrets. Aucune interpellation ne nous a été signalée, hormis celle du maire du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) de la commune d’Abi Youcef, dans la daïra d'Aïn al Hammam, Hamid Oudjoudi. Nous avons appris Vendredi 5 Mars 2021 en fin de journée qu’il a été relâché.

Les hirakistes, disséminés dans les rues, les places et sur les flancs de la rue Didouche Mourad, à Khelifa Boukhalfa et rue Victor Hugo, piaffent d’impatience de pouvoir battre le pavé. Tout le monde attend la fin de la prière du vendredi.

Dans les groupes de discussion, le sujet dominant est la dernière lubie du gouvernement, le projet de loi sur la déchéance de la nationalité, une mesure interprétée comme une attaque frontale contre le hirak et ses animateurs au sein de la diaspora. « J'ai passé plus de dix ans en France et je connais Paris comme le fond de ma poche. Je suis rentré pour mon pays. J’ai participé à la guerre de libération et j’ai eu l’honneur de côtoyer les vrais moudjahidine. Le gouvernement qui a émis cette loi, qui n’a pas encore été adoptée, et qui viennent donner des leçons de nationalisme, si cela se trouve, il y a des harkis parmi eux. Décidément, ils n’ont pas honte », fulmine un homme d’un certain âge rencontré rue Mustapha Ferroukhi. Ammi Akli, un hirakiste à la ténacité militante jamais prise en défaut, assis à côté de lui, s’indigne à son tour en rappelant que « la révolution algérienne a été soutenue par des militants de toutes nationalités ».

Vendredi 5 Mars 2021 à 13 heures 44, à peine l’imam de la mosquée Errahma a-t-il annoncé la fin de la prière, la foule des fidèles rejoints par des milliers de citoyens ont bondi comme un seul homme. Ils crient « état civil, non militaire ». Contrairement aux scènes chaotiques du Vendredi 26 Février 2021, cette fois, la police a d’emblée libéré la rue Victor Hugo.

Il y avait juste quelques cordons des forces antiémeutes qui barraient certaines ruelles, à l’image de la rue Mohamed Chaâbani, et un cordon sécuritaire plus important qui bouclait l’ancienne rue Michelet à hauteur de l’agence Ooredoo. Fusant de la rue Victor Hugo, la marée compacte a ensuite déferlé avec fracas sur la rue Didouche Mourad en criant « Tebboune est un président fantoche ramené par les militaires. Il n’a pas de légitimité. Le peuple s’est libéré, c’est lui qui décide. Il faut un gouvernement civil », « les généraux à la poubelle et l’Algérie accédera à l’indépendance » et « vous avez pillé le pays, bande de voleurs ».

Les protestataires n’ont pas manqué de répondre au projet de loi de Belkacem Zeghmati sur la déchéance de la nationalité en scandant « vous ne nous faites pas peur avec la nationalité, nous avons été forgés par le patriotisme ».

Adel, vingt neuf ans, magasinier, répétait passionnément ce refrain, « cette décision est une carte de pression contre le hirak. Le pouvoir veut tester le peuple pour voir comment il va réagir. Nous lui disons que nous n’allons pas nous laisser intimider par cette histoire de déchéance de la nationalité et que nous n’allons pas nous taire. Ils ne font que s’enfoncer et aggraver leur cas. Nous avons affaire à une mafia pire que la bande que nous avons chassée. C’est pour cela que nous répétons qu’ils doivent tous partir. Cela démontre qu’ils n’écoutent pas le peuple. Ils n’ont aucune considération pour nous. Ils se disent que les algériens sortent faire du bruit le vendredi et que, après, il n’y a plus rien. C’est la raison pour laquelle nous devons sortir tous les jours. Nous sommes prêts à sortir nuit et jour et nous ne nous arrêterons pas. Nous ne lâchons rien ». Le thème de la déchéance de la nationalité revenait également sur beaucoup de pancartes. Un homme dans la soixantaine écrit en anglais « the hirak decide about nationality ».

Un jeune homme parade avec le message suivant « vous ne nous intimiderez pas avec la déchéance de nationalité, vous n’avez pas de légitimité ». Un autre déplore, « encore une fois, vous avez déçu le peuple ».

Un autre thème revient avec insistance sur les pancartes, la dénonciation de la torture et des sévices infligés à certains activistes dans les locaux de l’ancienne Direction du Renseignement et de la Sécurité (DRS). «La torture est un crime contre l’humanité», lit-on sur un panneau. Un message qui résonne avec l’un des chants qui a fait son apparition depuis le retour du hirak, et que certains considèrent excessif, « services de renseignement terroristes, à bas la mafia militaire ».

Il a encore été martelé avec force, Vendredi 5 Mars 2021. Des voix avaient appelé à ne pas relayer ce slogan, exhortant dans la foulée les hirakistes à reconsidérer certains de leurs mots d’ordre et, sur ce sujet aussi, les réponses par pancartes interposées n’ont pas manqué. « Bientôt un comité national pour installer des panneaux de signalisation pour le hirak », ironise un frondeur sur sa pancarte.

Sur cette même problématique des slogans, et notamment celui qui accable les services de renseignement, le politologue Rachid Tlemçani, que nous avons eu le plaisir de croiser lors de la marche du Vendredi 5 Mars 2021, observe que « cela pose une question absolument centrale qui est celle de la police politique et que le hirak aborde avec acuité. Il y a une frilosité des élites par rapport à cette question et le rôle pernicieux de la police politique. L’échec des printemps arabes est dû au fait qu’ils n’ont pas réussi à défaire la police politique ».

Parmi les autres pancartes brandies lors de ce cinquante huitième vendredi du hirak, il y a une pancarte, très pertinente, d’un citoyen qui résume l’essence de la crise politique actuelle, « rien de nouveau dans l’Algérie nouvelle ». Une autre proclame que « le hirak est la solution ». Une jeune activiste formule ses revendications dans les termes suivants, « les libertés puis les élections, ne fermez pas le jeu ».

Incontestablement, l’une des images fortes de la manifestation du Vendredi 5 Mars 2021, ce sont les retrouvailles de notre frère Khaled Drareni avec le hirak, deux semaines seulement après sa remise en liberté. Il a eu droit à un accueil populaire des plus fervents, la foule l’acclamant avec ardeur, en scandant « Khaled Drareni est un journaliste libre ».

C’était déjà très émouvant de le voir reprendre du service Mercredi 3 Mars 2021 en animant le Café Presse Politique sur Radio M, et c’était encore plus émouvant de le voir revenir si promptement couvrir les manifestations et répercuter la voix du hirak. Même noyé au milieu de la marée bouillante et ces flots d’aficionados débordant d’affection pour leur héros, Khaled Drareni, fidèle à lui-même, gardait sa dignité et sa sobriété. Il essayait surtout de garder le cap et continuer à faire son travail avec, comme toujours, un professionnalisme exemplaire.

Vendredi 5 Mars 2021 à 14 heures 25, carrefour Asselah Hocine, des vagues impressionnantes en provenance de Bab El Oued viennent se joindre à celles de la rue Didouche Mourad. A un moment, la foule déploie un long drapeau de plusieurs mètres. Sur l’une des pancartes, il y a les mots cinglants, « quarante et un millions d’algériens, nous sommes tous la diaspora ». De la rue Arezki Hamani se déversaient d’autres flots de manifestants en provenance de Belouizdad, de la place du Premier Mai et d’al Harrach, le boulevard Amirouche étant bouclé.

Les trois bras de la manifestation communient formidablement, partant d’un même cri, exprimant une même espérance que résume remarquablement une pancarte hissée par un monsieur d’âge mûr coiffé d’un béret, « notre unique revendication se trouve sur toutes nos pièces d’identité, République Algérienne Démocratique et Populaire ».

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