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INTERVIEW DE TARAS KOBZAR PAR PERRINE POUPIN
Mercredi 30 Mars 2022
Vous trouverez ci-dessous la deuxième et dernière partie d’une interview d’un militant anarcho syndicaliste ukrainien contre la guerre de la Russie contre l’Ukraine. L’interview est disponible en totalité à l’adresse ci-dessous.
Bernard Fischer
https://mouvements.info/leruption-de-la-russie-en-ukraine/
INTERVIEW DE TARAS KOBZAR PAR PERRINE POUPIN
Jeudi 24 Février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine. Depuis plusieurs semaines, la guerre fait rage sur le territoire ukrainien, l’armée russe intensifie son offensive, plusieurs villes sont assiégées et la situation humanitaire s’aggrave. A Kiev, l’étau se resserre. Afin de protéger leur ville, des milliers d'habitants de Kiev se sont portés volontaires pour la défense territoriale. Taras Kobzar, l’un de ces volontaires, nous parle de son expérience de cette guerre et du contexte politique en Ukraine. Taras Kobzar est un militant anarcho-syndicaliste, ayant porté de nombreuses initiatives sociales à Donetsk depuis 1989, ville qu’il a dû fuir en 2014 à cause de l’occupation du Donbass par les séparatistes. Il vit depuis à Kiev et il se bat actuellement dans la défense territoriale composée d'unités de civils formés à protéger leur zone de résidence sous les ordres de l’armée nationale ukrainienne.
Perrine Poupin. Comment le paysage politique a-t-il évolué en Ukraine depuis la révolution de la Place Maïdan ? Quelles sont les différentes forces politiques en présence ? Qu’en est-il du poids des mouvements d’extrême droite ?
Taras Kobzar. Au départ, j’étais sceptique à l’égard du mouvement de la Place Maïdan. Au cours des premières semaines, j’avais l’impression qu’il ne s’agissait que d’une mascarade politique destinée à préparer les élections en Ukraine. Mais avec le temps, ce soulèvement est clairement apparu comme une authentique révolution nationale et comme une profonde refondation de la communauté politique et sociale ukrainienne à partir d’une réelle auto-organisation de la société civile. Les oppositions entre droite et gauche s’effacent désormais devant la nécessité impérieuse d’affronter le problème commun de défendre la vie des ukrainiens, l’intégrité territoriale du pays et l’avenir de notre jeune démocratie. Des valeurs comme la liberté politique, l’auto-organisation par la base, les réformes sociales, la possibilité pour le peuple de s’armer, l’alternance du pouvoir appuyée sur un processus électoral, le respect des droits fondamentaux et la conscience de soi du peuple, sont au cœur de la lutte menée par l’ensemble des ukrainiens. Il y a une distinction radicale entre, d’une part, la société ukrainienne unie par un destin historique commun et, d’autre part, l’agresseur autoritaire, chauvin et raciste contre lequel nous nous battons. Trois tendances aux traditions historiques propres, issues de la révolution et de la guerre civile d’il y a un siècle, entre 1917 et 1922, se retrouvent aujourd’hui organiquement liées en Ukraine, la Makhnovschina, la Petlyurovschina et la Hetmanschina. La Makhnovchtchina puise ses racines dans la tradition anarchiste du peuple ukrainien, qui s’incarne aujourd’hui dans l’auto-organisation dont ce peuple fait preuve, notamment à travers le mouvement des volontaires et la défense territoriale. La Petlyurovchtchina, c’est l’armée et les associations nationales républicaines. La Hetmanschtchina, c’est le pouvoir d'état et le monde des affaires. Toutes ces tendances se retrouvent maintenant unies par un même désir de défendre le pays et par un même souci de voir ce pays se développer de façon libre et indépendante. Ce n’est qu’après la guerre que nous pourrons voir ce qu’il se passera vraiment, mais nous vivons actuellement une situation unique. Tout le monde se tutoie. Cela me rappelle l’Espagne républicaine de 1936. Le président Volodimir Zelensky rappelle d’ailleurs le président Manuel Azana. Donc actuellement, nous ne pouvons en aucune façon parler d’une concurrence ou d’une opposition entre ces différents courants politiques. Je sers dans une unité créée par des nationalistes, qui est approvisionnée par les autorités municipales et par des volontaires et qui est financée par des entreprises privées. Nous donnons des cours sur l’anarchisme aux combattants et nous organisons des comités de soldats qui veillent au bien-être des combattants et au respect de leurs droits sans que cela ne pose aucun problème. Nous pouvons trouver arme à la main dans une même tranchée un anarchiste, un nationaliste, un euro-optimiste, un simple paysan, un ouvrier ou un informaticien sans opinion politique précise. Tous sont unis par un même désir de protéger leur peuple, et l’indépendance et la liberté de l’Ukraine. Nous sommes tous frères et sœurs, nous sommes le peuple. C’est le slogan universellement partagé et la seule idéologie qui règne actuellement. La révolution française de 1789 a créé une nation française, la révolution ukrainienne de 2014 et surtout la guerre de 2022 sont en train de créer une nouvelle nation, la nation ukrainienne. Le peuple s’est réveillé. Les six cent ans de lutte et de souffrance du peuple ukrainien touchent à leur fin.
Perrine Poupin. Quelles sont les personnes qui s’engagent, pourquoi et dans quel but ? Que peut-on dire du nationalisme en Ukraine, sujet qui passionne certains commentateurs en France ?
Taras Kobzar. Il est difficile de dire maintenant ce qui se passera après cette guerre. Quelle que soit son issue, l’Ukraine a déjà gagné. Elle a gagné moralement, spirituellement, politiquement et socialement. Peut-être que des années de maturation et des années de batailles sociales nouvelles et de lutte de classe au sein de la société nous attendent, des luttes pour la transformation sociale, une série de nouvelles révolutions. Mais tout cela, c’est l'actuelle guerre qui le rendra possible, cette guerre qui est à la fois une guerre de libération et une guerre sociale, une guerre entre un empire et une république, entre la loi et le mépris de la loi, entre la vie et la mort et entre la liberté et l’esclavage. Dans ce contexte, le nationalisme ukrainien s’apparente au nationalisme irlandais dans sa lutte contre l’empire britannique. C’est un nationalisme libérateur et créatif. C’est une lutte de libération nationale menée par le peuple. L’influence des groupes radicaux n’est pas aussi importante qu’il n’y paraît de l’extérieur. Cette guerre fait peser une menace de génocide du peuple ukrainien. Face au danger que représente cet anéantissement, l’unité s’impose comme nécessaire, même si elle s’estompera avec le temps. Mais ce qui compte, c'est l’essence du mouvement et l’élan de libération qui parcourt l’Ukraine contre le racisme social russe qui nous refuse par principe le droit d’exister. Les mots, les bannières et les marqueurs d’identification historiques ne relèvent plus que de l’esthétique ou du symbole. Ils ont depuis longtemps cessé d’avoir les significations que l’on essaie de leur attribuer. Le drapeau rouge et le mot d'antifascisme ont un sens complètement différent en 2022 de celui qu’ils avaient il y a un siècle. Alors même que les autorités russes réduisent les villes ukrainiennes en ruines, nous pouvons parler de Guernica du vingt et unième siècle, elles se préparent à organiser un congrès international antifasciste. Est-ce de l’ironie, une moquerie ou la réalisation de la brillante prophétie de George Orwell ? Vladimir Poutine est l'Adolf Hitler de 2022. Il n’y a rien d’autre à dire.
Perrine Poupin. Qui est le président Volodimir Zelenski ? Comment a-t-il accédé au pouvoir ?
Taras Kobzar. Volodimir Zelensky était un comédien et un homme de spectacle très populaire en Ukraine. Son élection à la présidence reflètait le désir du peuple de voir émerger des personnes qui ne soient pas associées à l’ancien establishment politique d’avant-guerre et le désir d’un renouvellement de la classe politique. Le slogan de campagne de Volodimir Zelensky était la paix. De nombreux ukrainiens avaient placé leurs espoirs en lui, car ils étaient fatigués par la guerre qui durait depuis 2014. Volodimir Zelensky avait promis de trouver une issue à la situation actuelle dans le Donbass et de régler le conflit militaire. En outre, l’équipe de Volodimir Zelensky s’était engagée à mener des réformes économiques et politiques qui bénéficieraient aux gens ordinaires. Mais ces attentes ont été déçues et le gouvernement de Volodimir Zelensky, tout comme Volodimir Zelensky lui-même, ont été sévèrement critiqués par différentes segments de la société. Il est de tradition en Ukraine de constamment et publiquement critiquer toute autorité, plutôt que de la sacraliser. Au départ, le parti de Volodimir Zelensky était donc perçu comme le parti de la paix. Mais les accords de Minsk imposés par la Russie se sont révélés impossibles à appliquer, car cela aurait signifié un éternel chantage à la guerre de la part du Kremlin et une dépendance totale de l’Ukraine à la volonté de Vladimir Poutine. Ces accords prévoyaient en effet la reconnaissance forcée de républiques séparatistes au sein de l’Ukraine, lesquelles auraient été entièrement dépendantes des décisions du Kremlin. L’invasion de l’Ukraine au mois de février 2022 a mis un terme à cette situation ambigüe et elle a montré que la paix n’était pas une option envisageable pour les ukrainiens. La Russie ne souhaite en rien collaborer avec un pays partenaire indépendant, elle veut un vassal, un protectorat et un territoire entièrement dépendant. L’invasion a révélé une fois pour toutes au grand jour les véritables intentions de Vladimir Poutine envers l’Ukraine, des intentions qui datent de bien avant 2014. Alors que le président Volodimir Zelensky avait jusque-là été un homme politique à l’autorité contestée, otage des circonstances, depuis l’invasion il s’est transformé en un dirigeant fort qui bénéficie du soutien de la quasi-totalité des citoyens.
Perrine Poupin. Quelle est la situation au Donbass ? Comment analysez-vous celle-ci, vous qui êtes originaire de la région ?
Taras Kobzar. Tout ce qui se passe dans le Donbass depuis 2014 est une opération bien planifiée par le Kremlin. Le développement de sentiments séparatistes au sein de la population de ces régions qui a précédé la création des soi-disant républiques populaires a été orchestré de toutes pièces par les services spéciaux russes. Je me souviens de la façon dont tout a commencé. J'ai assisté des mes propres yeux à la mise en scène théâtrale du référendum populaire pour l’indépendance du Donbass et j’ai été témoin du nombre réel de personnes qui y ont participé. Les sentiments pro-russes dans le Donbass en 2014 étaient très limités. La situation a beaucoup évoluée au fil du temps. Selon la propagande russe, le nombre des partisans de la Russie s’est fortement accru, mais cela s’est fait progressivement, par étapes. Au printemps 2014, dans les grandes villes comme Donetsk, les pro-russes étaient en fait des citoyens russes convoyés en autobus, notamment depuis la région de Rostov, en Russie, pour soutenir les actions pro-russes en se faisant passer pour des locaux. Au même moment se tenaient des rassemblements pro-ukrainiens à Donetsk qui ont réuni un très grand nombre de véritables habitants, comme le montrent de nombreuses photographies et vidéos et comme j’ai pu en être témoin. Des combats de rue entre des manifestants pro-ukrainiens et des manifestants pro-russes ont éclaté au printemps 2014 qui ont provoqués des blessés du côté ukrainien. Les partisans de la Russie étaient activement approvisionnés en armes par des bases spécialement établies à Rostov. Donetsk a été inondée d’agents des services russes de sécurité aux ordres du Kremlin, supervisés en particulier par Sergey Glazyev, un responsable politique de premier plan. C’est alors que les assassinats de militants civils ukrainiens et que la persécution des ukrainiens ont commencé. La situation a ensuite radicalement changé lorsque des groupes militants russes se sont mis à arriver à Donetsk et qu'ils ont fait pression pour créer une milice séparatiste dirigée par le FSB. En été, la situation a dégénéré en hostilités directes contre des unités de l’armée ukrainienne avec l’emploi de l’artillerie et de l’aviation. Les services de sécurité pro-russes ont effectués des tirs de mortier dans des zones résidentielles en accusant l’armée ukrainienne d’en être responsables. Ces provocations ont permis de susciter le climat souhaité par les occupants. La troisième étape de la création d’un sentiment pro-russe a consisté en la création de la République Populaire de Donetsk (RPD), dont le territoire a été isolé du reste de l’Ukraine. Dans ce régime d’isolement, avec l’aide des médias pro-russes, l’opinion publique a été livrée à la propagande du Kremlin. Dans les institutions, les universités et les établissements scolaires, s’est mise à régner une atmosphère de 1937, lorsque les purges staliniennes ont provoqué l’exécution et la déportation vers des camps soviétiques de travail de plusieurs millions d'ukrainiens. Actuellement, d’après les informations que j’ai, une partie importante de la population des enclaves séparatistes est favorable à l’Ukraine et n’accepte pas l’état de choses dans les républiques populaires. En 2014, Donetsk était une région riche et développée, où le niveau de vie était bien plus élevé que dans de nombreuses autres régions en Ukraine, comme celles autour des villes de Zaporijia ou de Dnipro. Le parti communiste ukrainien avait peu d’influence dans la région de Donetsk. Par exemple, ses partisans n’étaient pas beaucoup plus nombreux que les anarchistes lors des manifestations du premier mai. Il est donc étrange de parler d’une quelconque nostalgie de l’URSS. Tous ces sentiments ont été artificiellement fabriqués dans le cadre du projet du printemps russe.
Perrine Poupin. Comment l’armée ukrainienne a-t-elle évoluée depuis 2014, époque où elle était quasiment inexistante ?
Taras Kobzar. En 2014, lorsque la Russie a annexé la Crimée et lorsqu'elle a déclenché la guerre dans le Donbass, l’armée ukrainienne était en effet très faible et insuffisamment mobilisée. Au cours des trente premières années d’indépendance de l’Ukraine, entre 1991 et 2014, le gouvernement ukrainien a échoué à réformer l’armée, à la réarmer, à créer une conscience civique élevée chez les militaires et à leur assurer une formation effective à la guerre moderne. Survivance de l’ancienne armée soviétique, l’armée ukrainienne était davantage une décoration qu’une véritable force armée. Il en va de même pour la marine ukrainienne. En outre, la Russie n’a jamais été considérée comme une menace militaire et il n’y avait aucun plan pour un éventuel conflit militaire. La direction militaire de l’armée ukrainienne était composée pour l’essentiel de personnes à l’esprit plus bureaucratique que militaire, pro-russes et issues d’une tradition militaire soviétique qu’ils partageaient avec leurs collègues russes. Par conséquent, il y avait très peu d’unités de l’armée ukrainienne en capacité de résister à l’invasion russe en 2014. Peu d'ukrainiens étaient psychologiquement préparés à tirer contre les russes. De ce fait, au cours des premières années de la guerre, l’effort de défense a été pour l’essentiel pris en charge par des formations de volontaires ukrainiens, des citoyens à l’esprit patriotique et des unités de partisans, mal équipés et inexpérimentés au combat. Les huit années de guerre, entre 2014 et 2022, ont vu cette situation changer radicalement. Une armée efficace et bien équipée s’est mise en place, très motivée et dotée d’une vraie expérience du combat. Une force de défense territoriale capable d’être déployée en cas de guerre générale a été créée, avec des centres communautaires de formation tenus par des volontaires où les civils pouvaient recevoir une formation militaire de base. Tout cela a permis d’opposer une résistance efficace aux troupes russes lors de l’invasion du mois de février 2022. L’armée, le peuple en armes et les volontaires civils fonctionnent à présent de façon coordonnée dans tout le pays, ce qui a permis de contrer la tentative de guerre éclair du Kremlin, qui espérait traverser la frontière et s’emparer rapidement des centres les plus importants de l’Ukraine. En outre, la population ukrainienne est bien plus organisée et unie qu’en 2014. L’armée russe n’a été accueilie favorablement par personne et il n’y a eu aucune tentative par la population civile de former de nouvelles enclaves pro-russes.
Perrine Poupin. Cette guerre suscite beaucoup de discussions et de tensions dans le monde militant occidental. Comment vous positionnez-vous par rapport à la question des relations entre l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et la Russie ?
Taras Kobzar. Chez les partisans d’une Ukraine démocratique et républicaine, le désir d’intégrer l’Europe et l’adhésion aux valeurs de la démocratie occidentale ne font aucun doute. S’il faut choisir entre le régime totalitaire de l’empire de Vladimir Poutine et la démocratie occidentale, tout en restant lucide sur ses défauts, le choix en Ukraine est clairement et irrévocablement en faveur de l'occident. Face à la perspective d’être écrasé par les ambitions impériales du Kremlin, la Russie ne reconnaissant même pas l’existence des ukrainiens en tant que peuple indépendant, l’idée de devenir un allié de l’OTAN, de l’Union Européenne et des États-Unis ne semble pas être une chose bien terrible. Le problème de l’expansion de l’OTAN vers l’Est, même s’il s’agit d’une réalité plutôt que d’un épouvantail ou d’une chimère comme à l’époque de la guerre froide, n’est pas un problème pour l’Ukraine, mais pour la Russie. Nous ne pouvons pas accepter que la Russie résolve ses problèmes géopolitiques par le génocide du peuple ukrainien. Ces questions auraient pu être résolues par la tenue de négociations internationales. Mais maintenant, Vladimir Poutine a perdu cette opportunité et il n’y a pas d’autre stratégie que la destruction du régime agresseur russe. Il est évident pour tout le monde que la machine militariste russe ne s’arrêtera pas en Ukraine. Après l’Ukraine, la guerre s’étendra aux états baltes et plus loin encore en Europe de l’Est, en passant par la Pologne. Le Kremlin parle d’un espace d’influence allant de l'Océan Pacifique à l'Océan Atlantique, donc il ne faut pas se faire d’illusions sur ce qui va se passer ensuite. C’est une répétition de l’histoire avec le Troisième Reich d'Adolf Hitler. Le désir de l’Ukraine de s’allier aux démocraties occidentales est donc justifié, il relève de l’évidence. La guerre en Ukraine est une question de survie non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour l’Europe. Si la Russie actuelle se croit autorisée à réagir ainsi pour éviter d’avoir l’OTAN à ses frontières, en admettant un instant que cette rhétorique soit recevable, alors que cette Russie aille au diable. Une question distincte pour les gauchistes et les anarchistes est de savoir quelle stratégie adopter qui soit en accord avec leurs principes idéologiques. Pour moi, la solution est simple. Tant qu'Adolf Hitler existe, personnellement ou collectivement, la gauche doit s’opposer à lui et le combattre et les ennemis d'Adolf Hitler sont nos alliés. Après la défaite d'Adolf Hitler s’ouvrira une époque nouvelle où les stratégies locales et internationales de classe auront toute leur place. C’était le cas pendant la seconde guerre mondiale, il devrait en être de même cette année. D’après moi, la vie publique en Ukraine depuis la révolution de la Place Maïdan est traversée de toutes parts par des tendances que je considère comme plutôt libertaires. Les noms, les couleurs et les formes diffèrent de ceux des forces anarchistes traditionnelles mais, dans leur essence, ces dynamiques s’inscrivent dans les principes de l’anarchisme, électivité et alternance du pouvoir, démocratie directe, auto-organisation, développement des liens horizontaux, armement universel du peuple, spontanéité, sens de l’initiative, capacité des groupes civiques de base à contrôler le gouvernement et information libre et transparente au sein de la société civile et entre les citoyens et le gouvernement. Certes, beaucoup de choses existent à l’état embryonnaire et coexistent avec les institutions bourgeoises et la corruption, mais tout est en évolution et il est en notre pouvoir de poursuivre ce que nous avons commencé depuis la révolution de la Place Maïdan. Dans la Russie de Vladimir Poutine, il n’y a rien de tout cela. La Russie de Vladimir Poutine est un état policier où règne le culte des dictateurs sanguinaires et où le militarisme, le chauvinisme et le racisme sont élevés au rang de religion d'état qui imprègne toutes les couches de la société. De ce point de vue, il n’y a aucune comparaison possible avec la présence ou l’influence de groupes radicaux d’ultra-droite en Ukraine. Ces groupes restent très minoritaires dans le pays. Bien sûr, je préférerais que notre guerre se place sous la bannière de Nestor Makhno, le fondateur de l'armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne, qui, après la révolution russe du mois d'octobre 1917 et jusqu’en 1921, combat à la fois l’armée tsariste contre-révolutionnaire et l’armée rouge bolchévique, et qu'elle ne se place pas sous le drapeau de Stepan Bandera, l'homme politique et idéologue nationaliste ukrainien qui a collaboré avec l’Allemagne nazie, encore que la figure de Nestor Makhno soit assez populaire. Je souhaiterais bien sûr combattre au nom de l’anarchie plutôt que de la nation, mais il ne s’agit que de symboles et de mots qui ne changent rien à la nature réelle du mouvement qui traverse l’Ukraine. En tout cas, actuellement, à choisir entre le roi et la nation, je choisis sans hésiter la nation.