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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 20:32

http://www.lci.tf1.fr/monde/moyen-orient/2010-02/assassinat-du-cadre-du-hamas-un-coup-a-double-tranchant-pour-le-5696159.html


Le Mossad et un coup à double tranchant

Par Denis BRUNETTI, correspondant permanent à Jérusalem, le 17 février 2010 à 10h26, mis à jour le 17 février 2010 à 12:48

Analyse - Pour la presse israélienne, il ne fait aucun doute que les services secrets de l'Etat hébreu sont à l'origine de l'opération parfaite qui a permis d'assassiner Mahmoud Al Mabhouh à Dubaï. Mais elle s'inquiète également des conséquences diplomatiques.

C'est un impressionnant film d'espionnage qu'a présenté et diffusé au public la police de Dubaï : grâce aux caméras de surveillance de l'aéroport, de la rue, de plusieurs hôtels et centres commerciaux, grâce aux écoutes téléphoniques et aux enregistrements électroniques, les enquêteurs montrent les allées et venues, les contacts et l'organisation par un groupe de 11 personnes de l'assassinat de Mahmoud Al Mabhouh.

Ce cadre du Hamas en exil a été assassiné le 19 janvier dans sa chambre n°230 de l'hôtel Bustan Al Rotana à Dubaï. Ancien fondateur des brigades Ezzedine Al Qassam, responsable personnellement de l'enlèvement et de l'assassinat de deux soldats israéliens, il était surtout, selon Israël, le chef du trafic d'armes vers Gaza, et en particulier celui venant de l'Iran. 

27 minutes de vidéo

Dès le début de l'enquête, les yeux se sont tournés vers le Mossad, les services secrets israéliens. Ils auraient les moyens, les méthodes et le mobile pour une telle liquidation. Mais après de nombreuses rumeurs, la police de Dubaï a été bien au-delà d'une enquête de formalité. La police a donc diffusé les photos et surtout un incroyable document de  27 minutes  reprenant les principales images vidéos où tout un chacun peut voir  les moindres détails d'une organisation sophistiquée : 11 personnes, 10 hommes et une femme, ont préparé et perpétré l'élimination dans un calme et un professionnalisme absolu sous l'œil des caméras de surveillance. 

Et l'on voit tout ou presque : une équipe de surveillance attend  tout d'abord la cible à son arrivée à  l'aéroport de Dubaï. Il est ensuite suivi à la réception de son hôtel, puis dans l'ascenseur, par deux  joueurs de tennis. Un homme note alors le numéro de sa voiture et prévient les autres. Un  autre agent sort de son hôtel avec une perruque tandis que des équipes de surveillance, toujours par deux, se relaient dans l'établissement. On amène à ce moment du matériel dans une chambre voisine puis le coordinateur, "Peter" réserve une chambre en face de la victime.

"Kevin" ouvre la porte, sans doute grâce à un dispositif électronique, le coordinateur quitte quant à lui Dubaï avant la phase d'exécution. Une première équipe de tueurs arrive, puis une deuxième tandis que "Kevin" et "Gail" surveillent le couloir. Le meurtre a lieu entre 20h27 et 20h46 dans la chambre. Puis les membres du commando s'éparpillent dans des vols pour Paris, Hong Kong ou Johannesburg avec des passeports anglais, irlandais, allemand et français.

Méthodes du Mossad

Jamais le public n'avait pu ainsi voir les images d'une telle organisation. Les agents semblent très calmes, autonomes, ils se croisent discrètement dans les halls d'hôtel, dans les centres commerciaux, communiquent avec un réseau particulier. Ils portent des lunettes, casquettes ou moustaches mais ils semblent relativement identifiables. Ces visages d'Occidentaux, les passeports européens, une technologie avancée en télécommunications et en électronique plaident naturellement pour une signature israélienne.

Mais d'autres éléments sont venus s'y ajouter  depuis mardi : sept Israéliens ont déclaré qu'on leur avait "volé leur identité". Or sept noms indiqués sur les passeports sont bien vrais mais correspondent à de simples citoyens israéliens d'origine britannique, et donc détenteurs d'un deuxième passeport. Et ceux-là ont été stupéfaits mardi matin quand les noms des onze ont été affichés à la Une. Paul John Kooley, un réparateur du kibboutz Nasholim ou Melvyn Mildiner, un rédacteur de Beit Shemesh, se disent "furieux" et "désemparés" par ce qui leur arrive. On a "emprunté" leur nom, leur numéro de passeport ou leur lieu de naissance, afin de forger d'autres passeports, avec des photos légèrement différentes, pour les agents de Dubaï.

Et cela aussi ressemble aux méthodes du Mossad. En 1979, le Royaume-Uni s'était déjà plaint de l'utilisation de faux passeports britanniques par Israël. En 1997, c'est le Canada qui avait demandé des explications après qu'une tentative d'assassinat par un agent porteur d'un faux passeport canadien. Une autre fois, l'Etat hébreu avait même dû s'excuser auprès de la Nouvelle-Zélande.

Des Palestiniens impliqués

Les images de Dubaï ne sont pas le seul indice sur l'implication israélienne dans l'affaire. La police de Dubaï a en effet également annoncé que deux Palestiniens avaient été arrêtés en Jordanie et extradés. Or, au moins l'un d'entre eux aurait eu des contacts avec Peter, le "coordinateur" et... serait un membre de la police palestinienne. Aussitôt à Gaza, le Hamas y  a vu la preuve que l'Autorité palestinienne de Ramallah est peut-être complice du Mossad.  Réponse de Ramallah : les deux hommes seraient en fait des membres de la police palestinienne... de Gaza, c'est-à-dire des membres de la milice du Hamas. Nouvel imbroglio dans l'affaire, mais en tout cas, un nouveau soupçon sur une opération régionale.

Si les agents ont réussi à "exécuter" leur cible et à s'échapper, les médias israéliens s'inquiètent désormais des problèmes diplomatiques qui pourraient s'ensuivre. Haaretz déclare même que le chef du Mossad, Meir Dagan, devrait partir. Réputé pour ses méthodes expéditives, ce dernier insiste pour se maintenir à son poste. Mais le quotidien affirme que le Mossad ne peut outrepasser abusivement les lois sous sa coupe. Le Mossad a-t-il été trop loin ? Si les journaux israéliens parlent aujourd'hui d'une "réussite opérationnelle", il qualifie aussi l'opération d'"échec stratégique". La légende du Mossad, qui fut minée durant ces dernières années par des échecs piteux, en ressort en tout cas renforcée. "Toutes ces actions, qu'elles soient d'ailleurs du Mossad ou non, contribuent à son image dissuasive, à son image féroce d'un Mossad efficace et impitoyable", souligne la presse.




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