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2 octobre 2015 5 02 /10 /octobre /2015 15:40

http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/09/14/la-ville-turque-de-cizre-epicentre-de-la-reprise-des-combats-entre-ankara-et-les-kurdes_4756558_3214.html#

La ville turque de Cizre, épicentre de la reprise des combats entre Ankara et les kurdes

Par Marie Jégo, correspondante du Monde à Istanbul

Trente-six heures après avoir levé le couvre-feu établi sur la ville de Cizre, un fief du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est du pays, les autorités turques l’ont réimposé « jusqu’à nouvel ordre », Dimanche 13 Septembre 2015.

Privés d’eau, d’électricité, de téléphone et de soins médicaux, depuis Vendredi 4 Septembre 2015, les habitants de Cizre ont profité d’un court répit pour se réapprovisionner et enterrer leurs morts, soit vingt et une personnes tuées lors des récents combats de rue avec l’armée, avant de se barricader à nouveau chez eux.

Les combats entre l’armée turque et le PKK dans les régions du sud-est à majorité kurde ont repris de plus belle depuis la fin du mois de juillet 2015, une fois rompus les pourparlers de paix entre Ankara et les rebelles kurdes.

Depuis, il ne se passe pas un jour sans l’annonce d’un nouvel attentat du PKK contre les forces de l’ordre. Deux policiers ont péri lors d’une attaque à la voiture piégée survenue à Sirnak, Dimanche 13 Septembre 2015. Le même jour, un autre policier a été tué à Silvan, non loin de Diyarbakir, lors d’une attaque à la roquette.

Combats et tirs de roquettes

Située près des frontières irakienne et syrienne, la ville de cent vingt mille habitants est un bastion du mouvement de la jeunesse patriotique révolutionnaire (YDGH), un mouvement constitué de jeunes kurdes du PKK formés à la guérilla urbaine. Récemment, ces jeunes avaient creusé des tranchées dans certains quartiers de Cizre afin d’empêcher les soldats turcs d’y pénétrer.

Avant l’imposition du couvre-feu, Vendredi 4 Septembre 2015, des affrontements violents avaient éclaté. Suite au blocus, plusieurs quartiers de la ville ont été réduits à l’état de ruines par les combats et les tirs de roquettes, donnant à la petite ville des allures « de Beyrouth », selon les rares témoins qui ont pu se faufiler en ville à la faveur de la levée du couvre-feu.

La députée du parti démocratique des peuples (HDP) Sibel Yigitalp a ainsi diffusé les photographies de la dépouille d’une mère de famille de Cizre entourée de bouteilles d’eau glacée. Empêchées de transporter à la morgue ou au cimetière les corps de leurs proches tués dans les accrochages, les familles font l’impossible pour conserver les cadavres.

Situation politique paradoxale

Pendant l’opération de nettoyage menée par les forces turques du Vendredi 4 Septembre au Samedi12 Septembre 2015, aucun journaliste n’a pu entrer dans Cizre. Une trentaine de députés du HDP, dont le coprésident du parti Selahattin Demirtas, ont tenté de marcher vers la ville dès le Mercredi 9 Septembre 2015. Ils ont dû rebrousser chemin après avoir été stoppés par des cordons de police. Dans le groupe de marcheurs figuraient Ali Haydar Konca, ministre de l’intégration européenne, et Muslim Dogan, ministre du développement, inclus dans le gouvernement intérimaire nommé récemment afin de mener le pays vers de nouvelles élections législatives, prévues pour Dimanche Premier Novembre 2015.

La situation est on ne peut plus paradoxale. Seul parti d’opposition ayant accepté de participer au gouvernement intérimaire dominé par les islamo-conservateurs du parti de la justice et du développement (AKP), le HDP détient deux portefeuilles mais il est régulièrement vilipendé par le président turc Recep Tayyip Erdogan pour sa collusion avec le PKK, tandis que son coprésident Selahattin Demirtas est sous le coup d’une double accusation de « terrorisme » et « d’insulte » au chef de l’état.

Tout récemment, une nouvelle organisation pro gouvernementale baptisée « foyer ottoman » s’est livrée à des attaques contre les bureaux du HDP et contre des commerces tenus par des kurdes dans plusieurs villes de Turquie. A Istanbul, Ankara, Alanya et Kirsehir, des hordes de nervis ont lancé des opérations punitives tout en brandissant des drapeaux turcs et en chantant des slogans favorables à Recep Tayyip Erdogan.

Recep Tayyip Erdogan renforcé au sein de l’AKP

La semaine dernière, les bureaux du quotidien Hurriyet à Istanbul ont été caillassés à deux reprises par une foule hostile chantant « allah o akhbar » et « vive le président Recep Tayyip Erdogan ». Sur les réseaux sociaux, des partisans de l’AKP avaient appelé à brûler les locaux du journal d’opposition « tout comme le Madimak », un hôtel incendié en 1993 par des islamistes radicaux à Sivas, en Anatolie, où trente-cinq intellectuels laïcs réunis pour réciter des poèmes perdirent la vie.

La rédaction d’Hurriyet était accusée d’avoir déformé les propos de Recep Tayyip Erdogan, prompt à déclarer à la télévision que la situation serait différente si les élections législatives du Dimanche 7 Juin 2015 avaient donné à l’AKP quatre cent députés au lieu de deux cent cinquante-huit députés. « Si un parti avait obtenu quatre cent sièges aux élections législatives et atteint le nombre requis au parlement pour changer la constitution, la situation serait différente », avait déclaré Recep Tayyip Erdogan.

A la tête du groupe qui a attaqué Hurriyet se trouvait Abdurrahim Boynukalin, député de l’AKP et chef de son mouvement de jeunesse. Une initiative payante puisqu’il a été élu membre du comité exécutif du parti lors du congrès annuel de l’AKP à Ankara, Samedi 12 Septembre 2015. Intitulé « l’amour comme au premier jour », le cinquième congrès de l’AKP a vu l’emprise du président Recep Tayyip Erdogan se renforcer. La majorité des cinquante membres du comité exécutif du parti sont des fidèles du chef de l’état, parmi lesquels son beau-fils Berat Albayrak ainsi que son avocat Hayati Yazici. Les « pères » historiques de l’AKP, à l’instar de l’ancien président Abdullah Gül, qui s’est fait porter pâle Samedi 12 Septembre 2015, ou de l’ancien vice premier ministre Bülent Arinc, apparaissent totalement marginalisés. « Au moment de sa fondation, l’AKP était le parti du nous. Il est désormais le parti du moi », a déclaré Bulent Arinc à la presse une fois le congrès achevé.

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