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16 octobre 2010 6 16 /10 /octobre /2010 19:12

 

http://www.socialisme-2010.fr/socialisme-maintenant/france.htm#bresil1610

Entre les manifestations du 12 et celles du 16 octobre: à quel moment de la situation sommes nous ?

Lettre à un camarade Brésilien

Nous sommes encore dans un « entre deux ».

L’arrivée de la jeunesse change tout. D’abord parce qu’ elle inquiète la bourgeoisie, le patronat et le gouvernement, mais aussi les appareils syndicaux. Cette inquiétude peut provoquer des fautes politiques. Un faute politique par exemple c’est le fait pour le  gouvernement d’avoir engagé la réforme des ports en même temps que la réforme des retraites, ce qui provoque une grève puissante dans certains ports où les dockers intègrent comme une seule  la lutte contre les deux contre réformes.
 
Quel est l’acquis central du mouvement jusqu’ici ?

Depuis le 7 septembre les appareils syndicaux, avec Chérèque (CFDT)  et Thibault (CGT) à leur tête, ont organisé des journées d’action  successives (évitant soigneusement comme on le sait les mobilisations et l’ affrontement le 15 septembre jour du vote de la réforme à l’ Assemblée nationale et refusant de fixer la perspective du retrait du projet gouvernemental au nom d’une amélioration de la réforme présentée). Ils misaient sur un épuisement  du potentiel de résistance des salariés. Ils n’ ont pas réussi. Le mouvement s’est maintenu face au gouvernement et aux appareils syndicaux. Maintenant la jeunesse le rejoint : le mouvement progresse.

Il s’agit d’un échec politique du gouvernement et des appareils.

Ce sont les militants qui ont obtenu ce résultat, c’ est leur succès.

La crise propre du gouvernement ne lui a même pas permis d’offrir une porte de sortie honorable aux appareils. Chérèque avait proposé comme concession acceptable, le report jusqu’en 2015 par un vote au parlement, le passage de 65 ans à 67 ans, pour l’ obtention du taux plein de la pension de retraite.  Comme l’ écrit un conseiller patronal : « à force de dire qu’ il ne cèdera pas, le gouvernement a créé une situation très difficile pour les syndicats. Ils ont fini par avoir l’ opinion publique avec eux et sont maintenant dans une situation qui les accule à se radicaliser, alors que ce n’ était souhaité ni par la CGT ni par la CFDT. Le plus gros danger, ce n’est pas que les fédérations syndicales les plus dures appellent à la radicalisation, mais que le degré de colère de l’ opinion pousse les états majors syndicaux à aller sur cette pente dangereuse. »

Nous sommes en effet face à un gouvernement isolé et très faible. Le président marche sur un fil.

Selon les sondages, 70% de la population estime qu’il s’agit d’une réforme injuste et lui-même recueille un pourcentage de rejet comme on n’ en a jamais vu sous la cinquième République. Rappelons nous : en 2005 la mobilisation des militants et des salariés contre le Traité Constitutionnel Européen a contraint l’ appareil de la CGT (concrètement Thibault)  à se prononcer en faveur du Non, l’ obligeant à casser  conjoncturellement le fil du scénario qui devait conduire à une victoire de la bourgeoisie pour le Oui . C’est l’inverse  qui se réalisa. Dans le cas présent la mobilisation politique est d’un niveau supérieur parce qu’il s’agit de la lutte des classes.

Les manifestations du 12 octobre

L’impétuosité et la gaieté des cortèges lycéens  qui ont intégré les manifestations du 12 octobre leur ont apporté un nouveau souffle. Les manifestations se sont affirmées puissantes, sereines, faisant éclater avec plus de force encore le caractère parasitaire de la chambre d’enregistrement là haut prétendument indépendante et son vote de la réforme. L’important c’est d’être là, rassemblanttous les motifs que nous avons de lutter contre le gouvernement et la société capitaliste dont il veut nous faire payer la crise, renforçant notre cohésion, la compréhension de nos intérêts communs…des manifestations qui viennent du tréfonds de la société, de ses motivations et démarches diverses et qui convergent là

Un journaliste de Médiapart écrit justement: « par la volonté de passer en force qui est la marque de sa contre réforme des retraites, Nicolas Sarkozy a réhabilité à sa façon la lutte des classes ».

De nombreux cortèges intersyndicaux d’entreprise sont formés au delà des rivalités syndicales,  des collectifs et réseaux interprofessionnels autour des Unions locales ou de grosses boîtes, se mettent en place. Le mot d’ordre de « retrait » du projet Sarkozy s’étend au-delà des colonnes toujours aussi combatives et nombreuses de Solidaire-SUD  et le « Tous ensemble, tous ensemble, grève générale » gagne du terrain. Les manifestants se disputent les faux billet de cinq cent euros frappés des têtes de Woerth et Sarkozy avec le « Dehors !…parce qu’ils le volent bien » édité par le NPA. Comme l’ a déclaré un conseiller de l’ Elysée ; « On est désormais dans une manifestation politique …(…) Avant il y avait des revendications, sur les femmes, les carrières longues. Maintenant, il n’ y en a plus : c’est le retrait du texte ou rien »

Charriant des approches multiples, des contradictions aussi, la situation s’ ordonne autour d’une réflexion commune : comment vaincre Sarkozy ?

La situation peut se précipiter et basculer mais à l’heure où nous écrivons on n’en est pas encore là.

Les appareils syndicaux, tout en restant fermes contre le mot d’ordre de retrait, ont été contraints de lâcher de la vapeur et de modifier leur dispositif. Dans les secteurs les plus en pointe ils déposent des préavis de grève : « que les militants décident » c'est-à-dire que chacun dans son atelier, son collège, son hôpital décide d’ entrer dans la lutte pour vaincre Sarkozy. Les syndicats n’ ont-ils pas été construits pour surmonter l’ état d’atomisation des salariés face au patronat et à son état ? Des Assemblées exigent un mot d’ordre de grève générale jusqu ‘au retrait du projet .de la part des confédérations syndicales. D’autres, parfois les mêmes,  ne se contentent pas d’un tel vœu et cherchent à construire leur grève en cherchant à l’ étendre, à la coordonner par quartier, par localité…

Après ce mois de mobilisations, ce mouvement qui ne faiblit pas et progresse  cherche des ouvertures. Plus de 60% des salariés se prononcent dans les sondages en faveur « d’une grève qui dure ». Mais jusqu’à présent ils ne s’y sont pas engagés en masse..

Car la grève générale ce n’ est pas les « grèves reconductibles ». La grève générale ne se proclame ni par l’ effet d’ incantations ou de mises en conditions artificielles. Elle se construit, se forge. Elle est le produit d’un climat, d’une respiration, d’une réflexion multiple  et unifiée qui prend le temps dont elle a besoin pour se déployer, et surtout elle est démocratique ou n’est pas. Elle a besoin de construire des lieux de réflexion, d’échanges et de décisions qu’elle puisse contrôler.

Les appareils dans les secteurs les plus mobilisés comptent sur l’ isolement  d’ initiatives isolées pour conduire à un essoufflement afin de  pouvoir calmer le jeu. En même temps les dépôts de préavis de grève ont un aspect cumulatif qui encourage les militants.  Ceux ci combattent, entraînent des grèves partielles... dans les lycées, écoles, SNCF… et des secteurs s’affirment avec force : les raffineries particulièrement et certains ports. Depuis quelques jours les lycéens se lancent avec impétuosité dans la mobilisation. Il semble manquer cependant encore l’ entrée de secteurs significatifs du privé comme par exemple la métallurgie ou les routiers par exemple si leur entrée annoncée vendredi va au-delà d’un effet d’annonce, pour contribuer à une modification qualitative du climat.

Il y a des tentatives de constructions d’ AG inter professionnelles. Ceux qui y assistent sont encore essentiellement les équipes militantes Les « militants » d’ailleurs ne sont pas une entité homogène. Beaucoup d’activités se réalisent de façon dispersée et une multitude d’initiatives empêchent parfois une réflexion plus approfondie. Il manque surtout le compte rendu des AG  à faire circuler d’ établissements à établissements, de sites internet à des groupes internet, provoquant l’ échange : quels ont été les arguments échangés, les hésitations, les désaccords, les accords,  les certitudes, les décisions et les propositions d’initiatives.


Parfois certains appareils ne rechignent pas à lancer des actions coups de poing qui éloignent de l’ action pour aller convaincre localement les autres secteurs qui ne sont pas encore entrés dans l’action directe et se coordonner avec eux…

En réalité nous sommes au milieu d’  un fleuve plein de multiples initiatives, de réalités diverses où se mélent des contradictions  mais ordonné (et c’est en cela que réside la radicalité de la situation ) autour de la recherche de vaincre Sarkozy , de s’en débarrasser, et à travers cela de reprendre le contrôle de notre sort.

Les manifestations de samedi 16 seront sans nul doute massives, avec la présence renforcée des jeunes des lycées qui se sont lancés dans l’ action jeudi et vendredi.

Jeudi 14 , quelques centaines de lycéens manifestent devant le siège du MEDEF, dans cet arrondissement super privilégié du septième; sur les trottoirs des personnes âgées les applaudissent. Voilà qui peut changer définitivement le climat : la fusion et la solidarité des générations, comme elle commença à s’affirmer en 2006 dans le rejet du CPE, contre le sort que nous réserve la société capitaliste en crise…

Par milliers et milliers des jeunes et de moins jeunes sont en train de s’engager dans cette lutte. Une nouvelle génération commence à s’organiser et à faire son expérience. Elle cherche la jonction avec d’autres forces militantes. Certains entrent dans le mouvement forts de leur combativité, de la confiance en leur énergie ; d’autres y sont engagés chargés de leurs expériences, de leurs illusions parfois et d’autres fois de leurs méfiances. Il nous semble essentiel  que se dégage de tout cet élan la compréhension de la nécessité de la construction de nos instruments propres de lutte, le besoin  de nous organiser nous-mêmes, de prendre entre nos mains le contrôle de la lutte contre le gouvernement.

Jean Puyade



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