Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 juin 2018 6 16 /06 /juin /2018 13:51

 

 

https://paris-luttes.info/ni-papiers-ni-logements-paris-8-10477

 

Ni papiers, ni logements, université de Saint Denis, laboratoire des politiques racistes de l'état français

Communiqué des habitants du bâtiment A de l'université de Saint Denis suite à l’échec des négociations avec la présidente de l'université de Saint Denis et ses ministères de tutelle et à la menace d’expulsion pour le Dimanche 17 Juin 2018.

Nous, exilés, migrants, sans papiers et personnes solidaires, occupons le bâtiment A de l'université de Saint Denis depuis le Mardi 30 Janvier 2018. Nos revendications sont claires, des papiers et des logements pour tous. Samedi 19 Avril 2018, après trois mois de mobilisation, la présidente de l'université de Saint Denis, Annick Allaigre, nous annonce que, selon ses ministères de tutelle avec qui elle avait entamé des négociations, touts les occupants auront des papiers et un logement. Un mois et demi plus tard, elle nous apprend l’échec du plan de négociation et nous informe de son souhait de nous voir quitter les lieux pour le Dimanche 17 Juin 2018. Face à la situation actuelle, nous dénonçons les manipulations dont se sont rendus coupables les ministères de tutelle de la présidence.

Face aux logiques individualisantes du droit d’asile et du droit des étrangers, qui trient entre bons et mauvais migrants à rafler, à enfermer et à expulser, et face au règlement criminel de Dublin, nous avons choisi de faire bloc. Notre stratégie a été celle d’une lutte collective et de la construction d’un rapport de force contre les institutions de l'état français.

Nous avons manifesté plusieurs fois devant la préfecture de Bobigny pour exiger un rendez-vous avec le préfet du département de la Seine-Saint-Denis en vue d’un dépôt collectif de demande de régularisation, pas de tri administratif entre bons et mauvais migrants. Depuis le début de cette mobilisation, nous n’avons cessé de créer des alliances avec les Collectifs de Sans Papiers (CSP), avec différents collectifs de la région parisienne notamment antiracistes et féministes et avec les étudiants, mais aussi avec des élus, des artistes et des universitaires.

Le mouvement social du printemps qui a vu le jour contre l’ensemble des réformes néo libérales portées par le gouvernement n’a fait qu’accentuer ce mouvement de solidarité, notamment à travers les différentes occupations d'universités et une deuxième occupation étudiante d’un autre bâtiment de l'université de Saint Denis.

Durant ces mois d’occupation, nous avons pratiqué l’autodéfense politique et juridique, équipes d’accompagnement en préfecture pour les rendez-vous à risque, politisation des questions de santé et manifestation devant le Centre de Rétention Administrative (CRA) du Mesnil Amelot pour faire libérer un camarade enfermé depuis plus de trois semaines. Alors qu’Annick Allaigre fermait son université pendant quatre jours pour de soi-disant problèmes de chauffage et brandissait la menace d’expulsion en pleine trêve hivernale, nous avons mobilisé un rassemblement de plusieurs centaines de personnes qui a fait annuler son plan d’évacuation. Pendant quatre mois et demi, nous avons tenu un bâtiment, où ont vécu jusqu’à cent cinquante personnes de nationalités différentes. Nous nous sommes organisés pour faire de la régularisation des exilés de l'université de Saint Denis l’exemple concret de luttes contre les politiques migratoires racistes et criminelles de l’Union Européenne et de la France. Pendant cette lutte, les exilés du Bâtiment A ont mené leur propre combat politique et revendiqué leurs droits. Les négociations et les assemblées générales se sont faites en cinq langues grâce aux traductions, parfois effectuées sans l’aide de traductions des soutiens.

A la suite de cette mobilisation et au pic du mouvement social, la présidente, accompagnée d’un comité de médiation, nous a informé que ses ministères de tutelle, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) et le ministère de l'intérieur, allaient régulariser l’ensemble des occupants. Il y avait une seule condition à cette offre de régularisation. C'était le silence au sujet de ces négociations. Le but était de ne pas créer de précédent pouvant inciter les dizaines d’universités occupées en France à accueillir des exilés pour exiger des papiers.

Tout en saluant les initiatives de la présidence, notre réaction face à cette victoire a été lucide. Cet événement était le produit du rapport de force local à l'université de Saint Denis et plus global, puisque nous étions à l’apogée du mouvement social. Ce n’était en aucun cas un cadeau. Nous étions donc sceptiques. Il y avait trop d’intermédiaires entre nous et les décideurs, le comité de médiation, la présidente, le préfet, puis enfin les ministères. Chacune de ces médiations a empêché des négociations claires et directes dans lesquelles nous aurions pu peser de tout notre poids. Après plusieurs assemblées générales, nous avons pris la décision collective de donner la liste des occupants à la présidente pour qu’elle la transfère aux ministères afin de procéder aux régularisations, ceci malgré les risques connus de fichage des exilés qui nous avaient poussés à garder cette liste confidentielle pendant des mois.

Suite à cela, nous avons attendu des nouvelles de la présidente, qui s’est alors terrée dans un mutisme inquiétant. Nous avons ensuite compris que les autorités nous faisaient attendre pour mieux nous affaiblir et nous opposer un refus. C’est ce qui n’a pas manqué d’advenir quelques mois plus tard, dans une conjoncture plus favorable au gouvernement puisque le mouvement social s’était essoufflé et que seuls de rares mouvements d’occupation subsistaient.

L'université de Saint Denis célèbre en toute hypocrisie le cinquantenaire de Vincennes, créée à la suite du mouvement du mois de mai 1968. Alors qu’ici, des soixante-huitards ont créé le Groupe d’Information et de Soutien aux Travailleurs Immigrés (GISTI) et soutenu les luttes des sans-papiers, on nous met aujourd’hui dehors sans solution. Maigre consolation, dénotant toutefois le volontarisme de la présidence, nous avons obtenu de l'université l’engagement d’inscrire à l'université de Saint Denis une trentaine d’exilés pour l’année universitaire 2018-2019.

Comme cadeau pour l’Aïd, les ministères, la préfecture et la présidente de l'université veulent nous voir partir avant le Dimanche 17 Juin 2018 et ainsi renvoyer les exilés à la rue. Cette évacuation a lieu alors que tous les campements de Paris ont été détruits ces derniers jours et que les rafles et les chasses à l’homme dans les rues visent celles et ceux refusant de monter dans les bus de la police. Dans ce contexte, forcer le retour des exilés à la rue pour les rafler ou envoyer la police ici à l'université de Saint Denis ne fait aucune différence. Dans tous les cas, c’est une condamnation aux violences policières qui fait suite à quatre mois de mépris et de manipulation politique.

La manœuvre politique qui nous a pris au piège a permis à l'état d’avoir entre les mains une liste de cent quarante six personnes exilées, migrantes et sans-papiers, qui ont participé à une occupation illégale de plusieurs mois. Dans le contexte actuel de radicalisation des politiques racistes de l'état français, vote consensuel de la loi asile et immigration, opérations policières d’évacuation des campements parisiens ces derniers jours et rafles et chasses à l’homme quotidiennes à Jaurès, à La Villette et à La Chapelle, ce fichage politique des étrangers met les exilés de l'université de Saint Denis en danger.

Ici, tous les échelons de l'état ont collaboré, depuis Gérard Collomb et les ministères jusqu’à la préfecture en passant par la manipulation de l’administration de l'université de Saint Denis. Traversant l'état de haut en bas, c’est une même politique raciste qui a opéré contre les exilés de l'université de Saint Denis.

Partager cet article
Repost0

commentaires