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13 décembre 2022 2 13 /12 /décembre /2022 17:59

 

 

https://www.mediapart.fr/journal/politique/111222/l-extreme-gauche-le-npa-s-est-autodetruit

 

À l'extrême gauche, le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) s'autodétruit

Par Mathieu Dejean

Lors de son cinquième congrès, le NPA a définitivement explosé. Les partisans d’Olivier Besancenot et de Philippe Poutou ont annoncé la rupture avec l’autre moitié de la formation trotskiste, hostile à tout accord avec le Mouvement de la France Insoumise (MFI).

Ambiance spectrale à la bourse du travail de Saint-Denis, dans la grande salle, Dimanche 11 Décembre 2022, beaucoup de sièges sont vides. Seule la moitié des deux cent délégués du cinquième congrès du NPA sont encore présents, l’autre moitié ayant quitté les lieux avec pertes et fracas, Samedi 10 Décembre 2022, autour de leur ancien candidat au premier tour des élections présidentielles, Philippe Poutou, en raison de désaccords profonds, tant sur l’orientation politique que sur le fonctionnement et la conception du parti, qui avaient rendu sa vie interne irrespirable depuis des mois.

« Nous allons continuer nos vies séparément », ont annoncé solennellement les délégués regroupés autour de la direction sortante, dans un texte interne que Mediapart a pu consulter, et qui a été défendu à la tribune, Samedi 10 Décembre 2022, « il y a, d’une part, ceux qui font vivre le NPA depuis des années, ses campagnes, notamment pour les élections présidentielles, ses instances démocratiques, son expression, la coordination de ses activités et sa librairie, et il y a, d’autre part, des fractions qui ont déjà leur propre vie et qui sont en désaccord avec le projet qui a présidé à la fondation du NPA, même si elles se revendiquent de son logo ».

Ce texte, signé par cent des cent deux délégués de la plateforme B, une des orientations proposées aux militants, a ouvert la voie à une séparation en bonne et due forme.

C’est l’épilogue d’une crise qui durait en réalité depuis des années, sur fond de divergences stratégiques sur l’attitude à avoir par rapport au MFI et de pratiques d’entrisme de fractions à l’intérieur du NPA. À l’issue du vote des mille cinq cent militants réunis dans les assemblées générales préparatoires du congrès, l’organisation paraissait plus fracturée que jamais. La plateforme B, « unitaire et révolutionnaire, un NPA utile face aux ravages du capitalisme », signée par l’actuelle direction dont fait partie Olivier Besancenot, a recueilli quarante-huit pour cent des suffrages exprimés, contre quarante-cinq pour cent pour la plateforme C, « actualité et urgence de la révolution », qui coalise quatre fractions internes, l’Etincelle, Anticapitalisme et Révolution, Socialisme ou Barbarie et Démocratie Révolutionnaire. Une plateforme plus modeste, réunie sous le mot d’ordre éloquent « ni scission, ni marasme », a obtenu six pour cent des voix.

Le différend entre elles est bien sûr d’ordre politique. La plateforme B, soutenue par le noyau historique de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), fondée en 1966 et dissoute à la naissance du NPA en 2009, annonçait sa volonté de se rapprocher du MFI en utilisant la phraséologie du front unique, fidèle à l’héritage trotskiste de ce courant.

« Le centre de gravité de la gauche française s’est déplacé du social-libéralisme de François Hollande à l’antilibéralisme de Jean Luc Mélenchon », écrivent ses signataires, « l'existence d’une opposition de gauche au pouvoir et d’une critique visible du capitalisme néolibéral peut redonner confiance, en particulier dans des secteurs qui ne sentaient pas représentés, et suscite des dynamiques militantes. Il s’agit donc d’assumer et de poursuivre notre orientation unitaire ». Dans cette optique, tout en se défendant de vouloir rejoindre le MFI ou de se dissoudre dans la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES), ce courant affirme que des élus anticapitalistes seraient utiles aux luttes et aux mobilisations, ainsi qu’à la critique du fonctionnement et de la nature des institutions bourgeoises.

Cette démarche unitaire favorable aux alliances électorales avec la gauche antilibérale était vivement critiquée par divers courants identitaires en interne, dont celui de Gaël Quirante, Anticapitalisme et Révolution, qui a pris la tête de la fronde.

Aux dernières élections législatives, après le refus du NPA de rejoindre la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale, du fait de l’intégration du Parti Socialiste dans la NUPES, le NPA avait toutefois décidé de soutenir les candidatures de l’union de la gauche et des écologistes, sauf celles issues du Parti Socialiste, voire d’anciens macronistes, comme dans la deuxième circonscription de Lyon. De même, aux élections régionales de 2021, l’alliance avec le MFI s’était faite dans plusieurs régions, en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, suscitant des remous à l’intérieur du NPA.

C’est contre ce rapprochement que les fractions du NPA réunies dans la plateforme C s'élèvent. Dans leur texte, elles analysent différemment la position dominante désormais occupée par le MFI à gauche, « cette percée électorale du MFI et le rééquilibrage au sein de la gauche institutionnelle au profit du MFI ne changent pas notre objectif fondamental qui est de construire des organisations indépendantes de la bourgeoisie, mais aussi de toutes les nuances de la gauche institutionnelle, dont le MFI ». Elles se défendent pour autant d’entrer dans une logique d’isolement, en reprenant à leur compte la formule léniniste « marcher séparément pour frapper ensemble », considérant que des jonctions sont possibles avec le MFI dans la rue.

La plupart de ces fractions privilégient cependant un rapprochement avec Lutte Ouvrière, l’Etincelle est d’ailleurs issue d’une scission de Lutte Ouvrière en 2008, de même que Démocratie Révolutionnaire, qui avait rejoint la LCR à la fin des années 1990. « S’il y a un front à faire, c’est avec toutes les forces d’extrême gauche, de Lutte Ouvrière au Courant Communiste Révolutionnaire (CCR) », dit Maurice Amzallay, retraité cheminot et militant de l’Etincelle. « Faire un pôle avec Lutte Ouvrière, ce serait un phare plus lumineux pour ceux qui veulent donner une perspective révolutionnaire à leur colère », dit son camarade Damien Scali.

Mais les divergences ne sont pas seulement des divergences politiques. Elles portent aussi sur le fonctionnement de l’organisation. C’était le point qui était à l’ordre du jour quand la séparation a été actée. Déjà au congrès du NPA en 2018, la direction s’inquiétait de la constitution d’un front des fractions à l’intérieur du NPA. Depuis, le groupe CCR, plus connu sous le nom de son média Révolution Permanente, a quitté le NPA et tenté de présenter la candidature d’Anasse Kazib au premier tour des élections présidentielles, en vain.

Mais la crise interne a continué, au point que la direction du NPA parle d’un véritable front d’organisations, « nous refusons que, comme c’est le cas maintenant, des fractions qui sont en réalité des organisations séparées transforment le NPA en un front d’organisations », écrit-elle, dénonçant notamment des recrutements propres, des trésoreries parallèles et un fonctionnement parallèle par rapport au NPA.

« C’est un prétexte », estime Damien Scali, ancien porte-parole de Philippe Poutou pendant la campagne pour les élections présidentielles de 2022, désormais dans la plateforme C, qui dénonce l’irresponsabilité de la direction pour casser un outil comme le NPA, « aucun délégué n’avait pour mandat explicite de faire scission. Les militants du NPA n’ont pas eu à se prononcer par rapport à la scission ».

Aux yeux de la direction, ces problèmes de fonctionnement ne sont cependant pas pour rien dans l’hémorragie militante du parti, passé de dix mille militants à sa fondation en 2009 à mille cinq cent militants en 2022. Le départ de la Gauche Anticapitaliste, qui avait rejoint le Front De Gauche (FDG) en 2012, témoignant déjà du champ magnétique exercé par le courant de Jean-Luc Mélenchon, n’était certes pas pour rien dans cet affaiblissement numérique. Il fut suivi d’autres départs vers le MFI, dont beaucoup militent dans Ensemble autour de Clémentine Autain. 

Le problème organisationnel n’a pas arrangé les choses. « Le front d’organisations ne permet pas d’échanger, nous nous sommes éloignés de ce que nous avons voulu faire en 2009, un parti unitaire et révolutionnaire », dit Philippe Poutou. « Le NPA a fait le choix de ne pas devenir un front de tendances ni une secte politique. Nous n’avons pas de rapport fétichiste au parti politique et nous voulons réaffirmer notre disponibilité unitaire », dit Olivier Besancenot, porte-parole du NPA. « Nous avons besoin d’un NPA fidèle à son histoire, radical sur le fond, mais accueillant », dit Christine Poupin, une militante historique de la LCR, qui espère renouer avec ce fil.

S’ouvre désormais une période incertaine, pendant laquelle les deux parties, qui affirment toutes les deux vouloir continuer le NPA, vont se disputer la légitimité d’utiliser le nom du parti, ses réseaux sociaux, sa trésorerie ou encore ses locaux. Une commission de contact, vouée à discuter des modalités de cette séparation, pourrait se réunir, Lundi 12 Décembre 2022. La bagarre ne fait donc que commencer. Dimanche 11 Décembre 2022, les militants de la plateforme C disaient regretter l’émiettement de l’extrême gauche. Avec cette séparation, et la fondation annoncée par Révolution Permanente d’une nouvelle organisation d’extrême gauche pendant le week-end du Samedi 17 Décembre et du Dimanche 18 Décembre 2022, la balkanisation d’un courant né il y a plus d’un demi-siècle se poursuit.

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