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1 juin 2009 1 01 /06 /juin /2009 18:48

Les manœuvres de diversion : la question du foulard islamique.

Au terme de ce rappel historique, nous insistons sur le fait que le combat laïque a une carte d’identité, il revendique la rupture définitive entre le pouvoir, les services publics et les religions ; en France cette question s’est toujours concentré sur les rapports spécifiques de l’Etat et de la hiérarchie catholique ; les laïques revendiquent l’application intégrale du principe républicain de 1905, la République ne subventionne aucun culte ; fonds publics à l’école publique ! Nous avons connu depuis bien des manœuvres de diversion.

C’est le cas des affaires qui ont tourné autour du port du foulard. La première remonte à 1989 dans un collège de Creil, dont le proviseur sera ensuite candidat du RPR aux élections législatives qui suivront. Une campagne médiatique outrancière monte en flèche le fait que trois élèves refusent de retirer leur voile à la porte de l’établissement scolaire. C’est aussi l’époque où l’Elysée et François Mitterand en particulier utilise la question du vote des immigrés dans les élections locales pour diviser la droite et favoriser le vote populiste en faveur de Le Pen. La question du foulard est purement et simplement une manœuvre politicienne qui n’a pas grand-chose à voir avec le combat des laïques.

A l’époque un courant jouant sur ses relations au sein du Grand Orient de France, avec le soutien de plusieurs associations (dont Europe et Laïcité et le CNAFAL), se déchaîne contre le port du voile à l’école. Ainsi donc les trois gamines de Creil menaceraient la puissante République une et indivisible et la ferait trembler sur ses bases… Bernard Teper, un des responsables de cette mouvance montera en 1992 un éphémère mouvement politique, Initiative Républicaine.

Les ambiguités de la ligne républicaine…

Après la défaite laïque de 1984, le PS connaîtra une première hémorragie; de nombreux militants le quitteront en raison de la trahison du mandat laïque que représentait la loi Savary, assortie à l’époque de plans de réforme du lycée (rapport Prost) et du collège (rapport Legrand) largement rejetés par la profession enseignante. Des fédérations entières du parti se casseront en deux. Le départ de nombreux militants accroîtra encore le poids des élus dans le contrôle de l’organisation politique. Parmi ces militants beaucoup chercheront des engagements qui, à leurs yeux, pouvaient leur permettre de continuer le combat laïque. Les années 1984 verront un mouvement vers la franc maçonnerie, en particulier le Grand Orient. Sain au point de départ ce mouvement sera progressivement endigué dans les limites offertes par l’organisation qui les accueillait. Quelque part il y avait la nostalgie de la république franc-maçonne, l’illusion d’une laïcité « centre de l’union » et bien des ambiguïtés sur la question du voile, par exemple… 

Le mouvement Initiative Républicaine jouera un rôle dans la naissance de la Coordination Nationale de la Gauche Républicaine ou Gauche Républicaine dans la perspective de rassembler l’ensemble de l’arc politique de la gauche républicaine. Son secrétaire national est l’ancien député Pierre Carassus. On retrouve dans ce rassemblement l’Association pour une Gauche Républicaine, Initiative Républicaine (Bernard Teper), le club Société et Démocratie, des dissidents du MRC et plusieurs groupes locaux. Le projet politique de la CNGR se définit par sa fidélité aux valeurs fondatrices de la Révolution Française, telles qu celles-ci sont définies dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et du programme du Conseil National de la Résistance.

La montée de la discussion dans l’électorat socialiste et au sein du PS à la fin de l’année 2004 conduit un certain nombre de ses membres à adhérer ou réadhérer au PS, tandis qu’une partie des autres soutiennent le PCF. En 2005 la CNGR jouera un rôle dans la campagne et au sein des collectifs pour le non au TCE ; Par la suite elle participera aux collectifs du 29 mai, qui ont rédigé la charte antilibérale, ainsi qu’au collectif national d’initiative pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes, en vue des élections présidentielles de 2007. En juillet 2006, la CNGR, rebaptisée Gauche Républicaine et le Mouvement pour une alternative républicaine et sociale annoncent leur rapprochement, qui doit aboutir à terme à la fusion des deux organisations. Les deux mouvements fusionnent le 27 mars 2007 et donnent naissance au MARS-Gauche Républicaine. Lorsque les courants Forces Militantes (Marc Dolez) et PRS (Jean Luc Mélenchon) rompent avec le PS au congrès de Reims (octobre 2008) pour fonder le Parti de Gauche, le MARS de Eric Coquerel rejoint le nouveau parti.

La gauche républicaine, comme son nom l’indique, se fonde sur les valeurs de la République, pas sur le socialisme, c’est une composante « républicaine » qui a sans doute sa respectabilité, ce n’est pas une orientation anticapitaliste, dont la lutte pour l’émancipation sociale met comme préalable d’affranchir « les organes de la pensée publique » (Jaurès) de tout lien avec les religions. De plus l’itinéraire des républicains de gauche s’est plus concentré sur le combat contre le port de signes d’appartenance communautaire dans les services publics que sur la revendication laïque de rupture du concordat imposé par les gouvernements de la Vème République. L’ensemble des courants de la gauche républicaine ne se sont jamais fixés comme objectif de remettre clairement cette question à l’ordre du jour…

Au bout de la chaîne Riposte laïque ou la dérive outrancière.

En septembre 2007 une composante du journal Respublica, dont Bernard Teper, a été une cheville ouvrière, fondait le journal Riposte Laïque ; le texte de la déclaration de principes stipule ceci :

« Nous sommes, pour un certain nombre d’entre nous, issus du journal en ligne Respublica. Après avoir participé avec beaucoup de plaisir à cette aventure, le rédacteur en chef, ainsi que celui qui écrivait la plupart du temps la chronique d’Evariste et d’autres collaborateurs ont décidé de créer un nouveau média plus spécifiquement ancré dans la priorité du combat laïque. Nous pensons que le moment est venu pour cela. »

Troublant ! A la lecture de cette citation on peut se demander s’il s’agit d’une scission ou d’un complément ? J’aimerais bien recevoir une réponse sur ce point…

Il suffit de prendre quelques thèmes traités par ce journal pour être édifié sur son orientation. Le lundi 12 janvier, alors qu’un mouvement d’instituteurs se développe contre Darcos, une certaine Christine Tassin dans un article intitulé « halte à l’imposture des enseignants désobéisseurs » écrit :

« Depuis plus d’un mois, un mouvement d’ « enseignants-désobéisseurs » se développe. Il concerne environ 1 millier de professeurs des écoles qui refusent d’appliquer les programmes du primaire 2008 et d’organiser l’aide personnalisée. On croit rêver. Non seulement ces enseignants, qui, comme fonctionnaires, doivent (devraient) appliquer les textes et les programmes ne le font pas, mais, en plus, non seulement ils s’en targuent mais ils osent protester contre les sanctions administratives dont ils font l’objet, avec le soutien, comme d’habitude, de plusieurs syndicats coresponsables de l’état de déliquescence de l’école publique. »

Dans un article du 12 janvier, intitulé « les laïques doivent abandonner à l’extrême droite le combat contre l’offensive islamiste », un certain Pierre Cassen écrit :

« L’arrogante offensive de l’islam contre la laïcité exaspère de plus en plus de citoyens de notre pays qui ont en mémoire la bataille de leurs ancêtres contre l’hégémonie de l’église catholique. La prolifération de voiles et de burquas est ressentie comme une agression par de nombreuses femmes, pour qui cet accoutrement constitue une régression et nie les combats féministes et laïques. D’autres faits, piscines communautaristes, constructions de mosquées de plus en plus visibles, souvent payées par le contribuable, annulation du mariage de Lille, affaire des caricatures, revendication de viande halal dans les cantines scolaires, refus de mixité à l’hôpital, etc font comprendre aux moins politisés qu’aujourd’hui l’islam est le fer de lance d’une vaste offensive contre la laïcité, et plus largement la liberté et l’égalité, en France et d’autres pays d’Europe. »

L’offensive contre la laïcité c’est l’Islam. Le paragraphe que nous venons de citer aurait pu parfaitement être rédigé par Jean Marie Le Pen…

Sous le pseudonyme de Cyrano, un collectif d’auteurs nous crédite toutes les semaines de textes, dont ce dernier rédigé après les grandes manifestations en France contre le carnage de Gaza :

« On se souvient des manifestations à l’époque de Gaza. Nul n’a oublié ces démonstrations ahurissantes de haine de certains manifestants, cet amalgame systématique entre Israël et le régime nazi, entre Israël et l’Afrique du Sud, la références à des crimes de guerre, l’antisémitisme déguisé en antisionisme. Nous avions, sans aucune concession, dénoncé les Buffet, Besançenot et Mélenchon qui, en participant à des manifestations, notamment à Paris et à Marseille, où les Allah akbar faisaient bien plus de bruit que l’Internationale, s’étaient déshonorés en marchant avec les adorateurs d’un parti religieux fasciste, le Hamas.

Il est particulièrement intéressant de regarder la composition de nos nouveaux miliciens, avec l’uniforme vert (quel symbole !) On y voit très peu de femmes arabo-musulmanes, et pas de voile de service. On y voit beaucoup de militants « souchiens », comme dirait l’inimitable porte-parole des indigènes de la République, Houria Bouteldja. Les islamistes ont été assez malins pour instrumentaliser leurs idiots inutiles, et les mettre en avant. L’homme qui finit dans une prise de parole est tellement dans cette caricature qu’on ne sait si on doit rire ou pleurer. Il ressemble tellement à tous ces marxistes, en Iran, qui ont aidé l’ayatollah Khomeiny à prendre le pouvoir, et qui ont compris leur erreur le jour où ils se sont retrouvés en prison, avant d’être exécutés. Tous ces gauchistes compassionnels dégénérés, qui doivent lire la prose d’Alain Gresh, ont l’air très fiers d’eux, et sont convaincus de lutter contre l’impérialisme et ses alliés. Ils oublient juste qu’ils sont en train, en France, d’exporter le conflit israélo-palestinien, et de servir la soupe aux Hamas et à ses militants hexagonaux. Ils sont incurables, irrécupérables, et nous savons que nous aurons ces collabos en face de nous, comme lors de la bataille pour une loi contre les signes religieux à l’école, quand il s’agira de défendre la République laïque, face aux communautaristes religieux islamistes.

Nous avons eu droit à un discours du barbu de service, qui ose dire, au-delà des diatribes habituelles sur le conflit israélo-palestinien : « on est chez nous, chez nous c’est la France, et on va prendre les choses en main pour imposer le boycott d’Israël. »

Lors des dernières élections municipales, Riposte Laïque a produit un modèle de lettre aux listes se présentant aux suffrages des électeurs, où l’on peut lire ceci :

« Si, une fois élu, vous êtes l’objet de demandes directes (ou indirectes par le biais de baux emphytéotiques portant sur des terrains) de financement public de construction ou d’entretien de lieux de culte (église, synagogue, mosquée,temple….), quelle sera votre réponse ?...

Si vous êtes soumis à des revendications de type communautariste portant sur des spécificités alimentaires, comportementales, vestimentaires (ou autres), quelle sera votre décision ? Par exemple, si dans une des écoles publiques de votre commune, des accompagnatrices de sorties scolaires prétendent imposer leur « voile islamique », comment réagirez-vous ?.. »

Les églises, temples et synagogues étant construites dans ce pays depuis longtemps, l’aide publique par le biais de baux emphytéotiques ne peut donc concerner que les communautés musulmanes (pour les non-initiés, un bail emphytéotique est le prêt d’un terrain pour y construire un bâtiment pour une période de 33 ans et en général pour un euro symbolique accordé par une collectivité locale). Quant à la question vestimentaire, elle n’est envisagée naturellement que pour le port du voile…
 
Une « discussion » de Riposte Laïque avec Henry Pena Ruiz.

Le philosophe et écrivain Henry Pena Ruiz est intervenu lors des rencontres internationales de Saint Denis sur la laïcité le 5 avril, rencontres organisées par diverses associations laïques européennes. Il y disait en substance ceci :

« Du Mahgreb, de France, d’Europe et du monde entier, osons dire les principes d’une humanité réconciliée de la seule façon qui permette d’éviter le retour des fanatismes meurtriers : l’union des hommes par ce qui les élève au meilleur d’eux-mêmes. Liberté authentique fondée sur l’autonomie de jugement, égalité des droits rendue crédible par la justice sociale et internationale, se conjugueront alors, et elles le feront grâce à l’émancipation laïque des sociétés comme des personnes.

Un tel idéal n’est le produit d’aucune civilisation. Il a été conquis de haute lutte dans l’Occident comme il peut l’être ailleurs. A l’époque c’était le cléricalisme catholique, essentiellement qui lui faisait obstacle. Rompons aussi avec les illusions de perspective et avec les amnésies sélectives. Il ne faut pas que la géographie présente rende aveugle sur l’histoire passée. Chaque monothéisme a engendré ses formes d’oppression et de communautarisme, et nul ne peut donner la leçon à l’autre en la matière. C’est en Occident « chrétien » que furent inventées les croisades, les bûchers de l’inquisition, l’ « index des livres interdits », les expéditions coloniales assorties d’ethnocides, les bombardements massifs de populations civiles et les camps d’extermination à caractère raciste. Joli bilan. C’est en terre arabo-musulmane qu’a été sauvé l’immense héritage de la civilisation grecque, qu’on a inauguré une coexistence harmonieuse et un dialogue exigeant des grandes cultures, que s’est inventé le principe de lecture rationnelle des textes (avec Averroès) : les « Lumières » y ont devancé les Lumières européennes de plusieurs siècles. Serions-nous assez amnésiques pour l’oublier, et feindre de croire aujourd’hui qu’il n’y a d’islam qu’intégriste et de Christianisme que libérateur ? Certes, la figure intégriste de l’Islam politique est venue depuis ternir singulièrement l’image évoquée. Mais faut-il oublier Averroès sous prétexte qu’il y a eu Ben Laden ? A suivre un tel amalgame, il faudrait oublier le Christ, sous prétexte qu’il y a eu Torquemada.

En réalité, nulle civilisation n’est réductible à un de ses moments, et c’est faire preuve d’une lecture partisane – à moins qu’elle ne soit simplement mal instruite – que de vouloir hiérachiser les civilisations, comme prétend le faire Samuel Huttington dans vision apocalyptique du « clash des civilisations ». Ceux qui dressent la croix contre le croissant en prétendant faire de l’Europe un club chrétien sont les ancêtres momifiés des fous de Dieu qui dressent l’Islamisme politique contre les « croisés ». Symétrie des ostracismes. Les uns et les autres développent une critique de la modernité laïque, de la Raison, des Lumières, comme si on pouvait leur imposer les pires maux de notre époque. Il est si commode de prendre à témoin l’opinion en insistant sur les indéniables ravages produits par la mondialisation capitaliste inhumaine, et de faire semblant de les imputer aux idéaux laïques et démocratiques !

C’est pourquoi aujourd’hui on ne peut s’acharner unilatéralement contre une figure théologico-politique particulière, celle de l’islamisme politique, évidemment distincte de l’Islam. Certes, il ne faut lui faire aucune concession, et être intraitable tant sur la laïcité des institutions publiques que sur l’égalité des femmes. Mais cela doit se faire au nom d’une laïcité universaliste, qui ne soit pas à géométrie variable. La France laïque de la loi sur les signes religieux de mars 2004 a demandé aux élèves d’ôter le voile, la kipa ou la croix charismatique en entrant dans les espaces scolaires. La même France, entre 1883 et 1905 a fait ôter les crucifix des salles de classes, des mairies, des palais de justice. Et en 1937 une circulaire de Jean Zay avait déjà prohibé les religieux dans les établissements scolaires. Ce n’est donc pas « une loi sur le voile » qui a été votée sur proposition de la commission Stasi, mais une loi sur l’ensemble des manifestations ostentatoires des religions. Il afut y insister, afin de rendre lisible l’exigence universelle qui légitime la loi. Et d’éviter toute stigmatisation. »

L’intervention de Henry Pena Ruiz a suscité une violente polémique provoquée par un thuriféraire de « Riposte laïque » dans un article intitulé : « l’affligeante complaisance de Henry Pena Ruiz avec l’offensive islamique », où l’auteur polémique sous l’angle habituel, l’ennemi principal de la laïcité c’est l’islamisme, déformant grossièrement l’argumentation de notre écrivain. Ce dernier demande un droit de réponse, et il désignera assez justement ce qui fonde in fine la démarche de ce journal :

« L’heure n’est pas, ou ne devrait pas être, aux invectives contre des personnes qui entendent défendre la laïcité. Le débat oui, mais pas la déformation polémique. A moins que sous prétexte de laïcité on ne nourrisse un autre projet politique. Mais alors, il faut le dire. La défense d’Israël par Riposte Laïque au moment où il bombardait les populations civiles de Gaza ne me semble pas précisément relever de l’esprit laïque. En fait, Riposte laïque ne combat pas seulement l’islamisme, mais aussi et surtout l’Islam, et dissimule mal sa volonté de hiérarchiser les religions, mais aussi les différentes cultures. Elle reprend en fait à son compte la thèse du « choc des civilisations », de si triste mémoire. Je crains donc qu’avec elle la défense de la laïcité ne devienne la couverture d’un autre combat, qui n’est pas du tout le mien. De là à déformer mes propos pour mieux me disqualifier il n’y avait qu’un pas, et il a été franchi. »

Robert Duguet

www.socialisme-maintenant.org


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