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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 21:11

 

http://www.liberation.fr/monde/01012378243-wikileaks-le-proces-du-gi-taupe

 

Wikileaks : le procès du GI taupe

 

Accusé d’avoir divulgué des documents diplomatiques et militaires, Bradley Manning comparaissait vendredi.

 

Par Fabrice Rousselot, correspondant à New York

 

Parmi les nombreux mails dans lesquels il reconnaît avoir transmis des câbles diplomatiques confidentiels sur les guerres en Irak et en Afghanistan à WikiLeaks, Bradley Manning s’est justifié en écrivant qu’il voulait «que les gens sachent la vérité».

 

Dix-huit mois après son arrestation, cela lui a valu de comparaître vendredi devant un tribunal militaire du Maryland, qui doit déterminer si le soldat et ancien analyste en renseignements sur une base proche de Bagdad va bientôt passer devant une cour martiale. Manning, qui fête ce samedi ses 24 ans, est sous le coup de trente sept chefs d’inculpation, dont «collusion avec l’ennemi», «diffusion de renseignements militaires», «publications sur Internet de renseignements qui seront accessibles à l’ennemi» et «fraude et violation du règlement militaire». Il risque la prison à vie.

 

Inconnu. Au printemps 2010, Bradley Manning fut ainsi la principale victime collatérale du scandale WikiLeaks, quand le site de Julian Assange a commencé à publier des milliers de rapports sur les coulisses américaines de la guerre en Irak et en Afghanistan.

 

Il est interpellé fin mai, accusé d’être à l’origine des fuites, notamment d’une vidéo montrant l’équipage d’un hélicoptère américain riant aux éclats après avoir abattu onze «combattants», dont on apprendra plus tard qu’ils comptaient en réalité un photographe de Reuters et son chauffeur. Le soldat, alors un illustre inconnu au visage d’adolescent, a eu le malheur de confier ce qu’il faisait sur le Net à un hacker du nom d’Adrian Lemo, qui l’a ensuite dénoncé au FBI.

 

Depuis, Manning est au cœur d’une vaste bataille d’opinion aux Etats-Unis. Il a le soutien de nombreux groupes qui estiment qu’il est un «héros» pour avoir divulgué les dessous des interventions américaines. Pour d’autres, il n’est ni plus moins qu’un «traître», qui a mis en danger la nation tout entière. En août 2010, l’élu républicain du Michigan Mike Rogers avait estimé que «l’exécution était la seule punition à la hauteur du crime commis». La semaine dernière, il a ajouté que «le fait de livrer des informations classées défense et de compromettre la sécurité nationale américaine était un crime extrêmement sérieux».«Il est emprisonné pour avoir fait ce que tout citoyen honnête devrait faire», rétorque Zach Pesavento, l’un des responsables de Free Bradley Manning, son réseau de soutien. Le traitement subi en détention par le soldat a soulevé une vaste polémique en Amérique.

 

La comparution, vendredi, de Manning devant la cour militaire de Fort Meade est sa première apparition publique depuis son arrestation. Pendant plusieurs mois, il a été maintenu en isolation totale et sous surveillance constante dans le pénitencier militaire de Quantico, au sud de Washington. En mars, il a été contraint durant plusieurs jours de dormir nu, sous prétexte qu’il aurait pu s’étrangler avec l’élastique de son slip. A tel point qu’Amnesty International a protesté. et que le porte-parole de la Maison Blanche, PJ Crowley, avait du démissionner après avoir jugé que ces conditions de détention étaient « ridicules, contre-productives et stupides »Finalement, en avril, Manning a été transféré dans une prison du Kansas. L’ONU s’est néanmoins intéressée à son cas, et un rapporteur spécial sur la torture, Juan Mendez, doit prochainement publier un rapport.

 

Durant les cinq jours que vont durer ces audiences préliminaires, David Coombs, l’avocat de Manning, devrait à la fois tenter de minorer l’impact des documents rendus publics par WikiLeaks et insister sur la santé mentale de son client. Durant ses échanges de messages électroniques, Manning avait souligné combien il était choqué par ce qu’il voyait en Irak. Il disait aussi se sentir isolé du fait de son homosexualité, qu’il ne pouvait révéler à cause de la politique «Don’t ask, don’t tell» alors en vigueur dans l’armée. Surtout, Coombs a fait part de son intention de faire témoigner une partie du gouvernement, plus précisément Barack Obama. En avril, le Président avait en effet répondu à une question en assurant que Manning «avait enfreint la loi». Mais la requête de l’avocat a pour l’instant été rejetée par la cour militaire. «C’est absolument inadmissible, poursuit Pesavento. Cette remarque va évidemment avoir une influence sur les procédures à venir. Manning ne peut pas bénéficier d’un procès juste

 

Déclencheur. Les partisans de Manning assurent que son action a pu servir de déclencheur au printemps arabe. Plusieurs des câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks montraient par exemple pour la première fois que l’administration Obama ne soutiendrait pas le président Ben Ali en Tunisie en cas de potentiel coup d’Etat. «Il est aussi un héros pour ces mouvements que toute la planète a applaudis», écrivait il y a quelques jours un anonyme sur le site Free Bradley Manning.

 

Vendredi, le soldat Manning s’est présenté devant le tribunal du Maryland dans des conditions de sécurité renforcées. Très peu de journalistes ont eu l’autorisation de suivre sa comparution, interdite aux caméras de télévision. A l’extérieur, des dizaines de partisans, dont certains membres d’Occupy Wall Street, le mouvement qui proteste contre les inégalités depuis plusieurs semaines aux Etats-Unis, brandissaient des pancartes pour réclamer «une libération immédiate».

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