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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 17:36

 

Front de Gauche Val d’Yerres

 

Meeting du Mardi 27 Mars 2012 à Yerres

 

Intervention de Robert Duguet sur le thème de la sixième république

 

La perspective de la sixième république est cadrée par la méthode qui a présidé à la convocation d’une marche pour la sixième république le 18 mars à la Bastille. Le choix du 18 mars n’était pas anodin puisque c’était l’anniversaire de la proclamation de la Commune de Paris, le Front de Gauche marque ainsi la volonté de s’inscrire d’emblée dans la continuité de la République laïque, sociale, démocratique et anticapitaliste dont la Commune fut l’embryon : saluée par Karl Marx lui-même comme « la forme enfin découverte de l’émancipation du travail » c’est à dire du salariat, le premier gouvernement ouvrier osant prendre entre ses mains la totalité du pouvoir politique.  

 

Après l’écrasement de la Commune ouvrière en mai 1871, la république démocratique et sociale sous la houlette de la bourgeoisie républicaine qui se met en place à partir de 1876, satisfait partiellement les revendications politiques dont celle-ci était porteuse : lois sur les syndicats dès 1885 puis sur la liberté d’association en 1901, suffrage universel et libre organisation des partis et syndicats, lois sur l’organisation de l’instruction publique en 1882-1882 qui culmine en 1905 avec la loi de séparation des églises et de l’état, début de développement des services publics. Il faut rappeler brièvement ces quelques éléments d’histoire pour comprendre qu’une constitution n’est pas définie par des discussions abstraites sur le droit universel, mais qu’elle est le produit d’un rapport de force entre les classes sociales, le capital et le travail.  

 

A la veille de la victoire de Nicolas Sarkozy en mai 2007, un responsable national du MEDEF écrivait dans l’organe du patronat français : le programme du CNR (Conseil National de la Résistance) c’est terminé, il faut en finir. A ce titre le MEDEF fixait clairement le programme que devait appliquer le candidat Sarkozy.

 

Le chef de l’Etat a tenu parole, jamais les attaques contre tous les acquis de civilisation que portait le CNR adopté en 1943 dans la clandestinité et appliqué à la Libération n’ont été aussi profondes : services publics, retraites, sécurité sociale, libertés dans l’entreprise et droit du travail, école publique, autonomie des universités, remises en cause du statut des enseignants… tout y est passé. Et ce bien avant que n’éclate la crise de l’automne 2008 avec les ravages qui aujourd’hui s’amplifient. Je tiens pour ma part, fils de déporté-résistant, à rappeler l’affaire du CNR : lorsque s’effondre la machine de guerre nazie et à sa suite l’Europe brune, c’est le programme du CNR qui s’impose en France. Le mouvement ouvrier est encore aux avant-postes et lorsque De Gaulle quitte le pouvoir contraint et forcé en 1946 (voir les mémoires de guerres) c’est dans l’impossibilité de faire face à la lame de fond et d’imposer sa propre conception de l’Etat contre ce qu’il appelle « le régime des partis ». La constitution qui sort de la seconde guerre mondiale traduit un rapport entre les classes sociales qui est largement favorable au salariat (droits sociaux, comités d’entreprise, nationalisation des entreprises ayant collaboré avec la machine de guerre nazie, libertés syndicales et politiques, extension des services publics, retraites, plan Langevin Wallon pour l’enseignement, statut de la fonction publique (Maurice Thorez)… le Gouvernement de Sarkozy s’est assez largement attaqué à beaucoup d’acquis de civilisation qui étaient sortis des rapports de force de la Libération.

 

Il en va autrement de cette monarchie républicaine qu’est la cinquième république. Dans cette circonscription où nous avons un député qui se réclame du gaullisme historique, Monsieur Nicolas Dupont-Aignan, il faut tout de même rappeler que Charles De Gaulle est un homme philosophiquement nourri du nationalisme intégral de Charles Maurras et dont les conceptions sur l’Etat-Nation, sur le rôle du chef d’Etat s’inscrivent dans cette continuité, y compris pendant la guerre. La gauche à l’époque avait rejeté le principe d’élection du chef de l’Etat au suffrage universel. Avant même que ne fut reconstitué le PS à Epinay en 71, François Mitterrand (comme Mendès France du reste) avaient fustigé le « coup d’Etat permanent ». L’affaire d’Algérie dans laquelle De Gaulle évite une guerre civile au peuple français le met en position d’imposer un régime semi-bonapartiste : l’ensemble des libertés publiques restent garanties mais l’essentiel des pouvoirs politiques sont retirés aux élus du peuple. Encore une fois cette constitution de 1958-1962 qui survit aujourd’hui n’est plus du tout en mesure d’exprimer les règles de vie en société : elle n’a pas été gravée dans le marbre pour l’éternité, elle est le produit d’un rapport de force entre les classes qui était à l’époque nettement défavorables à la classe ouvrière, eu égard en particulier par la politique de la SFIO dans la guerre coloniale contre le peuple algérien.

 

Alors la question de la sixième république est elle une nécessité de l’heure ? Une enquête d’opinion du 27 mars sur ce qu’attendent les français de l’élection présidentielle est tout à fait claire. Les questions de sécurité et d’immigration, malgré l’affaire de la tuerie de Toulouse, sont au second plan. Ce qui est premier, c’est l’emploi, le chômage, le pouvoir d’achat, bref les questions sociales de première nécessité. Alors introduire une discussion sur un éventuel changement de constitution, qu’est ce que cela signifie ?  

 

La question de la sixième république ne peut être posée qu’à travers le mouvement que nous avons commencé à construire avec les salariés et la jeunesse. Le Front de Gauche s’est construit sous l’angle de la résistance à la situation qui nous est imposée par la crise et par le régime de Sarkozy, par les capitulations progressives du social-libéralisme, c'est-à-dire l’adaptation complète de la social-démocratie européenne et du PS français au néo-libéralisme. Il y a nécessité d’une alternative politique sociale, démocratique, laïque, de rupture avec le social-libéralisme, ceci ne pouvant s’envisager qu’avec le peuple, les salariés, la jeunesse qu’à travers un processus constituant.

 

Le problème n’est pas ici de dire quels sont les principes institutionnels qui garantiront la vie en société demain : exemple quels seront les pouvoirs du parlement dans la nouvelle république ? Garderons-nous l’élection d’un président bonaparte, fut-il de gauche au suffrage universel ? Toutes choses sur lesquelles nous pouvons avoir les uns et les autres des opinions, mais ce n’est pas sur un coin de table ou dans un congrès quelconque que les options peuvent être prises. Le chemin qu’a commencé à initier le Front de Gauche est le suivant : une politique à gauche toutes appuyée sur le mouvement populaire qui s’exprime et qui rassemble la gauche à gauche, battre Sarkozy tout en rompant avec le social-libéralisme, se positionner pour être le recours demain. Si 6ème République il doit y avoir, elle ne peut sortir que d’une volonté du peuple français élisant une assemblée nationale constituante.  

 

Donc la question de la nouvelle république est indissociable du chemin à tracer, donc de la ligne politique. L’élection est nationale mais sortons par la pensée de la réalité hexagonale. Je prendrai deux exemples :

 

La Grèce tout d’abord. Le néolibéralisme, principalement les règles imposée par les accords conjoints Sarkozy-Merkel qui sont le vecteur de l’Europe actuelle, a mis ce pays en état d’effondrement. Les grèves générales à caractère quasiment insurrectionnel qui se succède chaque fois que le gouvernement impose un nouveau plan, ne trouvent pas en elles-mêmes de solutions politiques. Il y a aujourd’hui une pluralité de formation politiques à gauche du PASOK qui sont incapables à l’étape d’ouvrir une perspective politique.

 

La Tunisie : des mouvements de type révolutionnaire se développent depuis un an dans les pays arabes pour chasser les vieilles dictatures corrompues. Personnellement je n’aime pas le concept de « révolution arabe », c’est dans ces pays que la chaine du néo-libéralisme a cassé en premier de manière sérieuse.

 

L’exemple de la Tunisie est intéressant : (au passage souvenons-nous d’Alliot Marie qui proposait les CRS pour endiguer le mouvement contre la dictature de Ben Ali) les premières élections libres du pays donne une majorité à un parti islamiste modéré, alors que les partis laïques se retrouvent en minorité. Je doute qu’il y ait un accord profond entre les aspirations de la révolution tunisienne et la traduction politique majoritaire qui sort des urnes.

 

La conclusion que j’en tire, aussi profond que soit un mouvement de contestation social, la question de sa représentation politique et institutionnelle reste posée, il n’en est pas l’enfant naturel. C’est la question que nous avons à résoudre : résister, chasser Sarkozy, donner un contenu politique à la résistance, jeter les bases d’une nouvelle majorité politique, redonner les clés au peuple, engager un processus constituant. C’est ainsi que peut se trouver posée la question de la nouvelle république.

 

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