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30 octobre 2010 6 30 /10 /octobre /2010 17:13

 

1870, 1936, 1945, 1968, 2010, le peuple de France écrit une nouvelle page de son histoire, il part encore une fois à l'assaut du ciel.

Nous ne connaissons pas de mouvement social objectivement aussi fort dans le cadre d'une organisation politique subjectivement aussi faible. Le mouvement social n'est pas tout et le but politique n'est pas rien mais le mouvement social n'était jamais aussi près de la totalité et le but politique aussi près du néant.

Les confédérations syndicales françaises mettaient en place un système de digues pour la canalisation du mouvement social, un calendrier de journées d'action pour des négociations entre le gouvernement et elles mêmes pour une bonne réforme des retraites.

Il n'y avait pas de bonne réforme des retraites, il n'y avait pas le début de commencement de négociations pour une bonne réforme des retraites, le mouvement social demandait tranquillement le retrait du projet de loi dans le cadre de ces journées d'action. Le mouvement social ignorait la revendication de l'intersyndicale et réciproquement. Aucune force politique et syndicale ne contestait le calendrier des journées d'action. Plusieurs fédérations de la CGT appelaient à la grève reconductible. La confédération CGT n'appelait pas à la grève reconductible mais en même temps elle ne faisait rien contre les appels de ses fédérations.

Toute grève de masse et toute participation de plusieurs millions de personnes à des manifestations sont objectivement des grèves et des manifestations politiques et posent objectivement la question du gouvernement et pourtant aucune organisation ne posait cette question. De temps en temps, on trouvait un appel pour un référendum ou bien pour la dissolution du parlement mais ces appels n'avaient aucune sorte de réalité.

Le mor d'ordre "De Gaulle, dix ans ça suffit" sortait de la grève générale de mai 1968 et aboutissait treize ans plus tard à l'élection d'un président de gauche et d'une majorité de gauche au parlement. Depuis 1995, des présidents et des gouvernements de droite extrême appliquent un programme réactionnaire d'extrême droite. Il y avait deux candidats de droite aux élections présidentielles de 1995, Chirac et Balladur. Aux élections présidentielles de 2002, la participation de Le Pen au deuxième tour est la principale cause de la deuxième élection de Chirac. L'élection de Sarkozy aux élections présidentielles de 2007 est le résultat du vote Sarkozy d'un million d'électeurs d'extrême droite. De ce point de vue, Sarkozy est effectivement la version française de Thatcher, Reagan, Bush, Merkel et Berlusconi. Le gouvernement Sarkozy est le gouvernement des Versaillais, le gouvernement le plus réactionnaire depuis Vichy.

Le mouvement social tirait objectivement les leçons des grèves de masse de 1995, 2003 et 2006, il posait la question de la grève par procuration, de la grève reconductible et du blocage de l'économie.

Le gouvernement cassait la grève des raffineries par l'utilisation de l'arme de la réquisition pour la première fois depuis la grève des mineurs de 1963. Le parti socialiste marseillais demandait la réquisition des éboueurs de Marseille. Le gouvernement cassait la mobilisation des lycéens et des étudiants par de violentes provocations policières à Paris, à Nanterre, à Lyon et ailleurs. Il y avait des milliers d'arrestations, des dizaines de condamnations en comparution immédiate.

Quand le mouvement social de septembre octobre 2010 éclate au début du mois de septembre 2010, le mouvement ouvrier et populaire sort et traverse une longue période de trente ans de réaction, de résistance et de luttes défensives. La totalité des organisations politiques et syndicales de gauche et d'extrême gauche sort et traverse une longue période de trente ans de crise existentielle. Les organisations syndicales décident du calendrier des journées d'action. Les organisations politiques sombrent littéralement dans les immenses raz de marée de millions de personnes, elles occupent le trottoir des manifestations parisiennes. Il y avait au moins deux appels électroniques de syndicalistes pour la grève générale mais personne ne les diffusait jamais dans aucune manifestation parisienne.

Comités de grève, piquets de grève, caisses de grève, comités d'action, assemblées générales interprofessionnelles, coordination nationale lycéenne, coordination nationale étudiante, le mouvement social inventait à nouveau les formes les plus classiques de l'auto organisation des masses, de l'autonomie ouvrière et populaire, comme si nous étions à l'aube du mouvement ouvrier. L'histoire du mouvement ouvrier international est vraiment une histoire de ruptures de générations successives.

Bernard Fischer     


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