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26 octobre 2014 7 26 /10 /octobre /2014 19:05

http://www.ccr4.org/La-derniere-Assemblee-citoyenne-de-Podemos-leve-le-voile-sur-un-certain-nombre-d-interrogations

La dernière assemblée citoyenne de Podemos lève le voile sur un certain nombre d’interrogations

Par Santiago Lupe

Samedi 25 Octobre 2014

Sans l’ombre d’un doute, le débat qui a eu le plus de répercussions a été celui du mode d’organisation.

Cependant, dans cet article, nous voulons aborder la question du projet programmatique de Podemos, qui a commencé à se concrétiser, et qui, pour reprendre les termes de Pablo Iglesias, continue à se situer au centre de l’échiquier politique. Le slogan « ni de droite, ni de gauche » s’était, jusqu’à aujourd’hui, présenté comme une manière de se différencier des deux partis qui alternent sous l’actuel régime du bipartisme. Ce point de vue, permettait d’opposer « ceux d’en bas contre ceux d’en haut ». Cependant, le pari de jouer au centre, pari qui a été choisi pour coller à la stratégie, purement électorale, pour remporter les élections générales de 2015, permet d’avancer une définition beaucoup plus claire du programme de réformes que propose Podemos.

Ce virage modéré, Podemos l’a adopté depuis plusieurs mois, quand il a, au fur et à mesure, laissé de côté les nombreuses revendications qui avaient donné lieu à sa création, et qui ont été recueillies dans le manifeste « un mouvement ». Sans aucune discussion politique préalable, la rédaction de ce manifeste a été sous-traitée à un « comité d’expert » nommé par Pablo Iglesias et son cercle rapproché, avant les élections européennes. Dès ce moment-là et jusqu’à aujourd’hui, le long travail d’allégement du programme est le fruit de ses porte-paroles. Et dans la dernière assemblée, profitant du fait que le débat se centrait sur le mode d’organisation interne du parti, ils ont réussi à valider quelques définitions-clefs, comme celle de la position à adopter concernant la dette.

Toute cette élaboration du programme s’est donc faite sans discussion aucune. C’est la combinaison des positions personnelles des dirigeants de fait du parti, ceux qui profitent d’une médiatisation importante, qui se transforme in fine en propositions politiques plébiscitées sur internet, sans laisser la moindre possibilité d’ouvrir une discussion organisée et démocratique. L’attrait médiatique de l’équipe de Pablo Iglesias, cumulée à l’aval de personnalités académiques prestigieuses, garantit les votes. En recherchant une position au centre de l’échiquier politique, Pablo Iglesias fait voler en éclat les aspects fondamentaux de l’esprit des origines qui a permis le surgissement de Podemos. Au delà de ce qui est dit sur le papier, le programme de la formation Podemos a maintenu une véritable et scandaleuse omerta sur des thèmes majeurs comme celui de la loi sur l’avortement. Il s’est passé la même chose à propos du droit des catalans à se prononcer et à décider sur la question de l’indépendance de la Catalogne. Formellement reconnu et accepté par Pablo Iglesias, quand la question lui était posée, jamais ce droit n‘a été défendu par aucun des membres de son équipe, au cours des dernières semaines. Et ce n’était pourtant pas n’importe lesquelles. Durant ces derniers jours, la loi de la consultation catalane a été approuvée, les catalans étant appelés à se prononcer le 9 novembre prochain, puis la décision a été suspendue par le conseil constitutionnel. Le PP, Partido Popular, de la droite traditionnelle, comme le PSOE, Partido Socialista Obrero Espanol, « socialiste », ont lancé une campagne d’union de l’Espagne, et finalement, Artur Mas, président de la Generalitat, le parlement catalan, a transformé le 9 novembre en une consultation purement symbolique. Pour Pablo Iglesias, tous ces événements n’ont donc pas d’intérêt ? Comment peut il rester muet dans un moment aussi critique pour la lutte en défense de ce droit ?

Durant les deux jours où s’est déroulée l’assemblée citoyenne, ni Pablo Iglesias, ni Inigo Errejón, ni Juan Carlos Monedero, ni Carolina Bescansa n’ont une seule fois prononcé les mots « Catalogne », « droit de choisir », ni celui de catalan ou basque, ni même fait allusion aux femmes et à leurs droits à disposer de leurs corps. Il n’a pas non plus été question du Sénat, de la couronne, ni même du référendum sur la monarchie et sur la république, tandis qu’il en était question au travers de l’application « APPGREE » sur laquelle les votants ont pu se positionner, mais dont la majorité était bien en peine de se servir. Quelle est donc la forme que prendrait cette « rupture démocratique » que l’équipe de Pablo Iglesias ne cesse de promouvoir ? Comment est il possible qu’ils ne se prononcent pas activement en faveur de revendications démocratiques essentielles et qui abondent dans l’actualité comme le sont les questions de l’auto-détermination des nationalités, de la séparation de l’église et de l’état ou de la fin de la monarchie ? Les projets de « gouvernement décent » ou celui d’un « processus constitutionnel » qui se mettraient en place à partir des institutions issues du régime de 1978, sont bien bancals. Ils promettent un changement encore plus superficiel que celui qui a eu lieu lors de la dernière transition vers la démocratie.

Mais ces renoncements sur le terrain démocratique se reflètent également dans les premières annonces de son programme économique. Une des cinq résolutions, votées par internet par un processus que beaucoup des participants ont critiqué sur les réseaux sociaux, affirme clairement qu’il « ne s’agit pas de ne pas payer », mais prône d’abord l’audit de la dette, pour discerner quelles parties sont illégitimes et quelles parties sont légitimes, comme si les travailleurs et le peuple avaient la moindre responsabilité dans un seul euro de la dette contractée par les gouvernements de la banque et du patronat, et pour celles qui sont déclarées illégitimes, pousser à une restructuration fondée sur des réductions partielles et de nouveaux délais de paiement.

Rien de tout ça n’est nouveau. C’est ce qu’a fait Rafael Correa en Equateur en 2008, en alliance avec les marchés et avec le capital financier, y compris pour une dette substantiellement moins importante que la dette espagnole. Mais il y a un exemple plus récent, la restructuration de la dette grecque. Un accord entre l’état grec, les banques et les marchés financiers, en vue d’une réduction de la dette, n’a pas fait perdre un centime aux banquiers, tandis qu’ils ont réduit drastiquement leurs risques en les transférant à la Banque Centrale Européenne et aux autres institutions publiques. La réduction a approché les trente cinq et les quarante pour cent du total de la dette, mais rien de tout cela n’a servi au peuple et aux travailleurs de Grèce. La crise capitaliste s’est poursuivie, et si à l’époque, la dette approchait les cent vingt pour cent du PIB, aujourd’hui elle dépasse les cent quatre vingt dix sept pour cent.

L’orientation de Pablo Iglesias et de son équipe va lamentablement dans ce sens. La revendication « on ne doit rien, on ne paye pas » a fait place à une proposition pour continuer à payer, à « sauver les banques » dans des conditions renégociées avec les créanciers. Pour cette dernière option, celle ci a été saluée par différents moyens de communications bourgeois qui ont été soulagés de voir comment Pablo Iglesias commence à avancer un programme « plus réaliste ».

Pablo Iglesias a ouvert l’assemblée en parlant de stratégie. Pour lui, c’est un terme qui se réduit à la stratégie pour gagner les élections de 2015. Pour filer la métaphore sportive, il s’est présenté comme l’entraîneur d’une équipe qui a fait la sélection permettant d’amener à la victoire de l’Espagne au mondial de 2010.

Pour cela, il a expliqué qu’il devait agir de manière totalement pragmatique. Ce qui compte c’est d’arriver à la fin, qu’importent les moyens. Mais Pablo Iglesias omet oublie qu’il existe une relation dialectique entre les moyens et les fins. Sa méthode inavouée consiste à adopter un programme de réformes politiques superficielles, qui mette de côté les grandes revendications démocratiques structurelles, et à élaborer un programme des réformes économiques et sociales qui ne fait pas franchement peur aux marchés. Pour faire passer sa tactique, il lui faut structurer le parti sur un modèle présidentialiste, où toute dissidence critique soit écartée. Et bientôt les mêmes, qui avaient toutes les possibilités de gagner parce que choisis par les grandes chaînes de télévision, échoueront aux plébiscites. Les objectifs, c’est à dire le gouvernement décent ou le processus constitutionnel, pourront par conséquent difficilement donner satisfaction aux grandes revendications sociales et démocratiques qui ont poussé à sa création.

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