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10 mars 2017 5 10 /03 /mars /2017 19:48

 

https://www.essonneinfo.fr/91-essonne-info/104690/jeunes-socialistes-passent-larme-a-gauche

 

Des jeunes socialistes passent l’arme à gauche

 

Par Maxime Berthelot

 

Vendredi 10 Mars 2017

 

La fin du quinquennat de François Hollande aura irrémédiablement laissé des traces au sein du Parti Socialiste. Dernière en date, le départ au mois de janvier 2017 d’une vingtaine de membres de la fédération de l'Essonne du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) vers le Mouvement de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Et ce, avant même que l'élection primaire de la gauche n’ait désigné son vainqueur.

Samedi 25 Février 2017, les téléspectateurs de La Chaîne Parlementaire (LCP) ont vécu une expérience particulière. Au programme du soir, il y avait un retour vers le futur politique nommé Benoît Hamon, chronique d’une victoire annoncée. Bien entendu, les journalistes de LCP ne sont pas plus doués du don de voyance que leurs collègues. Mais l’exercice interpelle.

À l’heure où le Parti Socialiste a des chances de se voir exclure du second tour des élections présidentielles de cette année, le documentaire revient sur le quotidien de Benoît Hamon, du mois de janvier au mois de juin 2012, lorsque l’actuel candidat socialiste préparait les élections présidentielles et les élections législatives marquées par la victoire de François Hollande et celle de la gauche, un flash-back saisissant au regard des divisions actuelles.

Benoît Hamon pourrait-il créer la surprise et à son tour faire gagner la gauche au mois de mai 2017 ? Pour certains, la question ne se pose même pas. « Le bilan de François Hollande est indéfendable », tranche, net, Antoine Petitmangin. « Il y a eu la loi travail, les coups de force de l'utilisation du quarante-neuvième article de la constitution de la cinquième république et le projet de déchéance nationale. C’est beaucoup trop ».

Ancien responsable de la fédération de l’Essonne du MJS, il a choisi de claquer la porte du Parti Socialiste au mois de janvier 2017, à la vieille des élections primaires de la gauche. Et s’il juge la victoire de Benoît Hamon « positive puisque contre Manuel Valls », il reste persuadé qu’aucun des candidats socialistes n’est sorti crédible de ces cinq ans d’exercice du pouvoir. « Les règles de l’élection primaire ne pouvaient pas fonctionner car tous les candidats se sont engagés à soutenir le vainqueur, même si leurs convictions sont parfaitement opposées. C’est un sacré mélange des genres ».

Suivi par une vingtaine de jeunes socialistes de l’Essonne, il a donc rejoint le Mouvement de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

Pourtant, c’est bien François Hollande et le Parti Socialiste qui l’avait convaincu de s’engager en politique il y a maintenant cinq ans.

« J’ai été séduit par le discours du Bourget », se souvient-il. « C’est à partir de ce moment que s’est véritablement lancée la campagne de François Hollande. C’est sur cette ligne contre la finance que je suis entré au Parti Socialiste ». Il prend alors sa carte et rejoint le MJS pour lequel il va militer puis devenir le référent départemental en Essonne, jusqu’au tournant social-démocrate et social-libéral symbolisé par l’arrivée de Manuel Valls à Matignon au mois de mars 2014. « Notre prise de distance avec le Parti Socialiste s’est accrue avec le temps », confie celui qui, à vingt trois ans, est par ailleurs étudiant en master d’histoire à la Sorbonne. « Il y a eu une série de ruptures inacceptables. L’émergence des députés frondeurs a été un espoir, mais nous avons été déçus par leur réaction face à l’utilisation massive du quarante neuvième article de la constitution par Manuel Valls. Ils ont quand même fini par se diviser au moment de déposer une motion de censure ».

Et le MJS n’échappe pas aux débats. En interne, des désaccords font jour d’autant que, à l’image du Parti Socialiste, le mouvement n’a cessé de voir ses adhérents s’éloigner ces dernières années. Allant même jusqu’à perdre plusieurs de ses animateurs fédéraux, comme celui du Rhône ou de la Seine-Saint-Denis, mais aussi le coordinateur régional de l’Ile-de-France et Yannis Zeghbib, secrétaire général national du MJS. Dans une tribune nommée « insoumission, un choix de raison », publiée sur le blog de Mediapart le 15 janvier 2017, l’ancien chef de file du MJS explique pourquoi il a lui aussi choisi de quitter le Parti Socialiste pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon.

Celui qui a rejoint le Parti Socialiste et le MJS en janvier 2007, « face à la brutalité sociale que représentait la candidature de Nicolas Sarkozy », a soutenu François Hollande après l’élection primaire de 2011. Mais il a très vite déchanté. « Il fut élu le 6 mai 2012, avec le concours de l’ensemble des forces de gauche. Et là, c’est l’hébétude. L’espoir de changement laissa la place aux doutes sur l’avenir de ce quinquennat », observe-t-il. Cinq ans après, il a donc placé ses espoirs dans le Mouvement de la France Insoumise pour « acter que le Parti Socialiste n’est plus un outil pertinent de transformation sociale, que la stratégie de l’intérieur a échoué et qu’il est indispensable qu’une alternative à gauche émerge lors des prochaines élections ».

En Essonne, les défections sont aussi légion. « Au congrès de 2015, la section essonnienne rassemblait deux cent vingt adhérents », résume son ancien secrétaire. « Elle n’en comptait plus qu’une centaine lorsque je l’ai quittée au mois de janvier 2017 ».

Il y a eu les déçus du quinquennat, bien sûr, mais aussi ceux qui ne se sentaient pas pris en compte. C’est notamment le cas de Raphaël Lorenzo, ancien coordinateur du MJS sur le Val d’Orge. « L’aile droite du mouvement ne nous écoutait pas », explique-t-il. « Du coup, il était impossible de faire entendre notre voix ». Seulement neuf mois après l’avoir rejoint, lors de la mobilisation contre la loi travail au mois d’avril 2016, il a donc quitté le MJS en même temps qu’Antoine Petitmangin et plusieurs cadres actifs et quelques militants.

Si la décision a été prise collectivement avant l’été lors d’un comité fédéral, Raphaël Lorenzo retient une anecdote de l’époque où il militait contre la loi travail. « Le MJS de l’Essonne était particulièrement mobilisé, probablement trop pour une camarade du MJS de l’Institut d'Etudes Politiques (IEP), qui m’a alors taxé de gauchiste », raconte-t-il. « C’était révélateur de l’orientation qu’était en train de prendre le mouvement. Il fallait suivre avant tout la ligne du Parti Socialiste, peu importe les dirigeants ou les candidats, en attendant, si nous n’étions pas d’accord, que son courant ne devienne éventuellement majoritaire lors du prochain congrès socialiste ».

Gauchiste le jeune militant, peut-être, en tout cas, son ralliement au Mouvement de la France Insoumise a apporté des arguments à ses détracteurs. Ironie du sort pour celui qui, à dix huit ans, a intégré cette année l’IEP.

« C’est toujours la même logique chez Jean Luc Mélenchon. Il fracture la gauche dans un moment où il faudrait au contraire la rassembler. C’est décevant et cela va nous fragiliser, surtout dans l’Essonne ». Nouveau responsable départemental du MJS dans l’Essonne, Valentin Bodet regrette le départ de son prédécesseur et de ceux qui l’ont suivi.

Quant aux critiques concernant le manque de liberté d’expression au sein du mouvement, il les balaie d’un revers de main. « Ils pensent qu’il faut aller toujours plus loin. C’est bien car cela fait avancer, mais cela ne peut pas suffire. C’est une erreur de jugement quand on connaît la gauche. Il y a suffisamment de courants au sein du Parti Socialiste pour faire entendre sa voix. La preuve, Benoît Hamon a bien remporté l’élection primaire ».

Aujourd’hui âgé de vingt ans, il a soutenu Martine Aubry en 2011 et soutient aujourd’hui Benoît Hamon. Il se réclame donc de la gauche du Parti Socialiste qui existe bien. « Je peux comprendre les déceptions sur le ligne économique », reconnaît-il. « Mais le bilan social est bon, la garantie jeune, le mariage pour tous et les créations d’emplois dans la fonction publique, notamment pour les professeurs et les forces de l’ordre. Il ne faut pas tout jeter ».

A ces arguments, ses anciens camarades préfèrent opposer le programme de Jean-Luc Mélenchon qu’ils jugent plus concret. « Nous sommes d’accord avec quatre vingt dix pour cent de son projet », confirme Antoine Petitmangin. « Que ce soit la création d’une sixième république, la planification écologique ou encore l’augmentation du Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance (SMIC) à mille sept cent euros nets mensuels. Si certains candidats peuvent payer cinq cent mille euros en huit ans pour un emploi fictif, ne me dites pas qu’on ne peut pas revaloriser les bas salaires ».

C’est donc deux visions de la gauche et de l’avenir qui s’opposent. D’un côté, les jeunes socialistes qui estiment que, en dehors du Parti Socialiste, aucun salut n’est possible. « Le Parti Socialiste a toujours été la maison maire de la gauche. Partir dès qu’il y a des difficultés, c’est empêcher la victoire, que ce soit en interne ou au niveau national », conclut Valentin Bodet. « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous permettre de nous diviser face à Emmanuel Macron, l’extrême-droite et la droite qui représentent de réelles menaces pour notre avenir ».

De l’autre, les militants sécessionnistes, désormais mélenchonistes, pour qui la rupture était souhaitable. « Il faut construire quelque chose de nouveau et réinventer un système à bout de souffle », estime Antoine Petitmangin. « Benoît Hamon dit qu’il veut abroger la loi travail mais Myriam el Khomri, qui l’a portée, est investie par le Parti Socialiste pour être candidate aux élections législatives dans le dix huitième arrondissement de Paris. Tout cela manque de clarification ».

La bataille des idées se fera donc sur le terrain entre des militants qui risquent de se croiser sur les marchés ou devant les lycées. « Nous sommes pour le rassemblement de la gauche et, s’il le faut, nous militerons ensemble », envisageait encore il y a quelques jours Valentin Bodet. Mais Jeudi 9 Mars 2017, Alexis Corbière, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, a mis fin au suspense. « Je ne crois pas que, après cinq ans de François Hollande, il soit possible aujourd’hui de se rassembler derrière un candidat du Parti Socialiste », a-t-il déclaré sur BFM Télévision, dénonçant une guerre d’ego dans laquelle Benoît Hamon refuserait d’envisager un rassemblement sans en être la tête de proue.

Comme s’il était encore nécessaire de prouver que ces deux gauches sont décidément irréconciliables.

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