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10 mai 2019 5 10 /05 /mai /2019 16:01

 

 

http://www.leparisien.fr/international/au-venezuela-l-ex-general-en-chef-des-armees-croupit-depuis-10-ans-dans-la-tombe-07-05-2019-8067342.php

 

Au Venezuela, l'ancien général en chef des armées croupit dans la tombe

Mardi 7 Mai 2019

Raúl Isaías Baduel, soixante trois ans, compagnon de la première heure d’Hugo Chávez, avant de tomber en disgrâce, est incarcéré depuis 2009 dans les geôles de la police politique vénézuélienne.

Enfermé au quatrième sous-sol du bâtiment de la police politique à Caracas, le plus haut gradé des prisonniers politiques sert d’épouvantail pour les militaires qui seraient tentés de se rebeller.

Plus qu’un prisonnier, Raúl Isaías Baduel, soixante trois ans, compagnon de la première heure d’Hugo Chávez, avant de tomber en disgrâce quand il a dénoncé les dérives autocratiques du comandante, est un otage du gouvernement vénézuélien. Jeté à quinze mètres sous terre, dans une geôle surnommée la tombe, il subit un isolement et des conditions de détention qualifiées de torture blanche par Guillermo Rojas, l’un de ses avocats.

Lorent Saleh, un opposant au régime qui en est sorti fin 2018 après y avoir passé vingt six mois, qualifie les lieux d'asile d’aliéné futuriste.

Le général en chef des armées à la retraite, ministre de la défense durant treize mois entre 2006 et 2007, faisait partie, avec Hugo Chávez, du groupe des quatre qui a prêté serment en 1982 à Samán de Güere, dans l'état d’Aragua, promettant d’instaurer une démocratie solide et profonde, avec une attention spéciale aux moins favorisés. En 1992, il est à ses côtés dans le coup d'état manqué pour destituer Carlos Andrés Pérez. Vingt ans plus tard, il œuvre encore pour sortir les putschistes du palais présidentiel de Miraflores.

Ce proche parmi les proches a pourtant milité contre le projet de réforme de la constitution en 2007, qui avait entre autres buts de permettre la réélection sans limite du président de la république. Avant d’exprimer publiquement sa crainte prémonitoire que le pays ne tombe dans le chaos et de s’interroger sur la nature du socialisme souhaité au Venezuela, « le socialisme de Pol Pot au Cambodge, de Joseph Staline dans l’Union soviétique ou celui démocratique d’Europe ».

« Il a toujours respecté les lois et la constitution », explique Andreína Baduel, l’une de ses douze enfants, « il a toujours parlé très directement quand quelque chose lui semblait incorrect et il est devenu une pierre dans la chaussure de l'état. Lui, c’était la constitution, rien que la constitution ». Quelques mois plus tard, les vénézuéliens rejetteront cette proposition par référendum, présentée à nouveau, en 2009, et adoptée avec près de cinquante cinq pour cent des voix.

Entre-temps, Raúl Baduel a été destitué de son poste de ministre et les ennuis se sont accumulés pour sa famille. « Surveillance téléphonique et sur les réseaux sociaux, menaces et convocation par les services de renseignement (SEBIN) », détaille la trentenaire.

Une enquête est ouverte pour malversation et, le 3 avril 2009, l'ancien proche d'Hugo Chávez est incarcéré à la prison militaire de Ramo Verde, à une trentaine de kilomètres de Caracas. Condamné à sept ans et onze mois de prison pour malversation, il ne bénéficiera d’une mesure d’aménagement de sa peine qu'au mois d'août 2015. « La controlaría, un organe qui veille à l’administration transparente du patrimoine public de l'état, a pourtant montré qu’il n’y avait pas eu d’irrégularité dans sa gestion. Au mois de janvier 2017, sa libération conditionnelle a été levée sans explication et le 2 mars 2017, veille de son dernier jour de peine, une nouvelle enquête a été ouverte pour trahison à la patrie et pour instigation à la rébellion militaire, raison pour laquelle il est toujours incarcéré », poursuit la jeune journaliste.

L'ancien compagnon d'Hugo Chávez est alors jeté dans la tombe, un lieu redouté des prisonniers politiques, froid et sans lumière naturelle, au silence macabre. Il est à l’isolement, où l’absence de couleurs concourt au désespoir et à la faillite mentale, enterré vivant. La torture blanche agit au fil du temps, sapant le moral des prisonniers, à force d’humiliation, de privation sensorielle et de négation de l’essence même de l’être humain. Margaret Baduel, une autre de ses filles se désole, « il ne décide de rien, pas même de l’accès à la lumière électrique, ni du moment pour aller aux toilettes. Leur but est de détruire son psychisme ».

« Nous n’avons pas accès au dossier depuis vingt cinq mois », dénonce Guillermo Rojas, l’un de ses avocats, « et la juge n’a répondu à aucun de nos écrits. Actuellement, les visites sont interdites. Ceci sans explication et jusqu’à nouvel ordre. Le 28 février 2018, le tribunal en charge a changé mais la procédure n’a pas été transmise depuis ».

Ce qui fait dire à Andreína Baduel que son père est tombé dans les limbes, puisqu'aucune procédure ne peut actuellement avancer. Incarcéré sans condamnation ni possibilité de se défendre, son père est devenu un épouvantail qu’on agite devant ceux qui seraient tentés de se rebeller. Le président Nicolas Maduro n’hésite pas en effet à rappeler aux officiers de haut rang qu’ils sont sous surveillance et à menacer de mesures exemplaires ceux qui seraient tentés de flirter avec l’opposition.

« Quand les visites ne sont pas suspendues, comme cela l’a été en tout pendant dix mois en 2018, nous lui amenons des fruits pour les vitamines et des boîtes de conserve. Car il reçoit une alimentation avariée. Cela fait partie du processus de sape. Pour arriver jusqu’à lui, dans une pièce totalement blanche avec des caméras, et des vitres à travers lesquelles on nous regarde, on nous écoute et on nous surveille, il faut passer sept portes blindées. Nous ne voulons pas l’exposer en évoquant des thèmes en lien avec le pays, nous parlons de la famille ».

La Cour Pénale Internationale (CPI) sera bientôt saisie. « Nous l’avons dénoncé devant l'Organisation des Etats Américains (OEA) qui a notifié à l'état vénézuélien ces violations, mais ce dernier continue de piétiner ses droits », poursuit Guillermo Rojas. Le 30 avril 2019, quand la rumeur de sa libération a couru dans le pays, Andreína Baduel a fait le voyage jusqu’à Caracas au cas où, en vain, « malgré les conditions difficiles, il garde la foi comme il l’a toujours fait. Il sait qu’un jour ou l’autre la démocratie reviendra au Venezuela ».

Le Foro Penal, Organisation Non Gouvernementale (ONG) vénézuélienne qui aide les familles victimes de détention arbitraire depuis plus de quinze ans, comptait sept cent soixante quinze prisonniers politiques le 29 avril 2019, un nombre qui fluctue au gré des arrestations durant les manifestations. L’ONG Justice Vénézuélienne a dénoncé il y a quelques jours la violation des droits de cent quatre vingt treize militaires actuellement incarcérés au Venezuela comme prisonniers politiques. Parmi eux, le général en chef Raúl Isaías Baduel est le plus haut gradé et le plus emblématique.

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