Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 octobre 2020 7 11 /10 /octobre /2020 15:40

 

 

https://www.liberation.fr/checknews/2020/10/07/surestime-biaise-pourquoi-le-taux-de-positivite-est-un-indicateur-bancal_1801533

 

Surestimé et biaisé, pourquoi le taux de positivité est un indicateur bancal

Mercredi 7 Octobre 2020

La méthode de calcul de Santé Publique France (SPF) conduit à gonfler le taux de positivité. Un biais qui s'accroît de semaine en semaine interdit les comparaisons régionales.

Vous nous interrogez sur un billet de blog publié par un dénommé Enzo Lolo sur Mediapart, dans lequel on peut lire que le taux de positivité des tests par Reverse Transcriptase Polymerase Chain Reaction (RT PCR) est surestimé, « la méthode de calcul du taux de positivité au coronavirus, communiqué chaque jour par SPF, présente un biais, qui conduit à sa surestimation et cette surestimation elle-même augmente avec le temps ». Depuis la reprise de l’épidémie, cet été, le taux de positivité est scruté notamment à Marseille et il a pu servir le discours des autorités pour justifier des mesures sanitaires. Or comme le relève à juste titre le blogueur de Mediapart, cet indicateur est en réalité biaisé parce que sa méthode de calcul conduit à un taux surestimé et parce que ce biais, avec le temps, va croissant. Ajoutons que la comparaison des taux de positivité entre les différentes régions peut être trompeuse. Bref, cet indicateur est en réalité à prendre avec des pincettes.

Le taux de positivité est censé mesurer chaque jour la proportion de personnes positives par rapport au nombre total de personnes testées, depuis le mois de mai 2020. Cet indicateur est donc calculé à partir du nombre de personnes positives et du nombre total de personnes testées négatives ou positives, à l’exclusion, donc, des tests au résultat indéterminé, nous indique SPF.

Quel est le problème selon Enzo Lolo ? En réalité, toutes les personnes testées ne sont pas prises en compte dans les remontées de SPF. Comme nous l’expliquions dans une réponse précédente, un patient qui aura effectué un dépistage négatif ne sera pas comptabilisé parmi les personnes testées s’il a déjà eu, même trois mois auparavant, un premier test négatif. Or ce cas de figure concerne de plus en plus de personnes.

Nous observons ce décalage lorsque nous comparons le nombre de tests réalisés par semaine et le nombre de personnes testées. Sur la semaine du 21 septembre au 27 septembre 2020, SPF recense neuf cent trente-quatre mille cinq cent personnes testées pour un million cent soixante-dix-neuf mille tests réalisés. Le taux de personnes testées négativement pour au moins la deuxième fois était donc de vingt et un pour cent. Or cela impacte directement le calcul du taux de positivité, avec pour effet de surestimer le taux de positivité. Comme le remarque Enzo Lolo, en écartant les personnes qui ont un deuxième, troisième ou quatrième test négatif, il sous-estime le nombre de résultats négatifs.

Prenons un exemple, une centaine de personnes sont testées une semaine donnée. Dix personnes sont positives et quatre-vingt-dix personnes sont négatives. D’où un taux, pourrait-on imaginer, de dix pour cent. Mais imaginons que quinze pour cent des personnes testées négatives avaient déjà subi un test négatif il y a deux mois. Ils sont sortis du calcul, selon la méthodologie de SPF. Le taux de positivité sera donc calculé en prenant en compte dix tests positifs et soixante-quinze tests négatifs. De dix pour cent, le taux de positivité bondit à douze pour cent, soit une surestimation de deux pour cent.

Contactée, SPF reconnaît que le taux donné par ses services « s’écarte d’un taux de positivité qui serait calculé en décomptant le nombre de personnes positives et le nombre de personnes testées sur une période de temps donnée. Nous sommes conscients des difficultés d’interprétation qui accompagnent cette définition et nous travaillons à une solution permettant de présenter un taux de positivité plus simple à interpréter. L'écart devrait par ailleurs être amené à augmenter au cours du temps avec l’augmentation du nombre de personnes qui font plusieurs tests ».

L’agence pointe ici le deuxième problème, plus le temps passe et plus le taux de positivité va être surestimé, car le nombre de personnes testées pour au moins la deuxième fois sur le volume total des tests effectués augmente. C'est logique, plus les personnes sont testées et plus il y a de chance que les tests portent sur des personnes ayant déjà été testées.

Deux courbes permettent de mesurer le problème et sa progression, le nombre de tests réalisés par semaine et le nombre de personnes dépistées selon SPF, qui est donc inférieur. L’écart en pourcentage entre le nombre de personnes testées retenu par SPF et le nombre réel de personnes testées augmente.

Non seulement le taux de positivité présente un décalage avec la réalité en valeur absolue, mais ce décalage grandit, ce qui biaise donc la lecture dynamique de l’indicateur.

Reprenons notre exemple, une centaine de personnes se font tester une semaine donnée. Dix personnes sont testées positives et quatre vingt dix personnes sont testées négatives, mais quinze pour cent des tests négatifs ont déjà été testés auparavant. Le taux de positivité retenue par SPF est donc de douze pour cent.

Un mois plus tard, les résultats sont strictement les mêmes, mais le nombre de personnes négatives s’étant déjà fait tester est passé à vingt pour cent. Le taux de positivité retenu par SPF sera de treize pour cent, en hausse d'un pour cent, alors qu’il n’y a aucun cas positif de plus.

Ce problème de méthode a aussi une répercussion sur les comparaisons des taux de positivité entre les territoires. Car, parmi les cohortes de personnes se faisant dépister chaque jour, le pourcentage de personnes déjà testées varie, parfois largement, selon les départements. Ce qui amène donc à avoir des taux de positivité officiels qui sont davantage surestimés dans certains départements par rapport à d’autre. D’où des comparaisons qui peuvent être trompeuses.

Ce phénomène a notamment pu être observé dans les Bouches-du-Rhône. La trente neuvième semaine de l'année 2020, derniers chiffres hebdomadaires disponibles, l’écart entre le nombre de personnes testées selon la méthodologie de SPF et le nombre de tests pratiqués est de trente-cinq pour cent, contre vingt-trois pour cent à Paris ou dix-huit pour cent dans le Nord.

Pour calculer un taux rectifié, Enzo Lolo propose de prendre en compte le nombre de tests réalisés au lieu du nombre de personnes testées, « au mois de septembre 2020, nous observons déjà un pour cent de différence entre les deux, c’est-à-dire vingt pour cent de surestimation du taux communiqué par rapport au taux que nous cherchons à connaître ».

Les écarts entre le taux donné par SPF et le taux rectifié proposé par le blogueur sont plus importants dans certains départements. Dans les Bouches-du-Rhône où cet indicateur a été particulièrement scruté, la distorsion est frappante comme le souligne Enzo Lolo. Il atteint cinquante-trois pour cent à la fin du mois de septembre 2020.

Attention toutefois, la méthode de calcul d’un taux rectifié proposée par le blogueur n’est pas non plus totalement satisfaisante puisqu’elle ne permet pas d’éviter les doublons sur de courtes périodes. Elle prendrait par exemple plusieurs fois en compte des personnes négatives puis positives, dans le cas de suivi de personnes contacts par exemple, ce qui amènerait cette fois à minorer le taux de positivité, même si ces cas de figure sont probablement très marginaux. En bref, le taux de positivité exact des tests par RT-PCR est pour l’heure inconnu. Ce qui est sûr, c’est que les données officielles s’en éloignent jour après jour.

Partager cet article
Repost0

commentaires