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27 décembre 2020 7 27 /12 /décembre /2020 13:33

 

 

https://theconversation.com/fact-check-us-est-il-vrai-que-dans-un-autre-pays-que-les-etats-unis-joe-biden-ne-serait-pas-dans-le-meme-parti-que-la-gauche-democrate-149024

 

Est-il vrai que, dans un autre pays que les États-Unis, Joseph Biden ne serait pas dans le même parti que la gauche démocrate ?

Jeudi 29 Octobre 2020

Alexandria Ocasio-Cortez a déclaré au cours de l’été 2020 que, dans un autre pays que les États-Unis, elle et Joseph Biden n’auraient jamais été dans le même parti et que le parti démocrate pouvait donc ressembler à une maison trop grande. Pour comprendre cette déclaration et l’analyser au regard du centrisme de la machine démocrate américaine, revenons d’abord sur le positionnement de la jeune élue, considérée comme l’icône de la gauche américaine.

Lorsqu’elle remporte la primaire démocrate du quatorzième district de l'état de New York au mois de juin 2018 et lorsqu'elle fait une entrée remarquée sur la scène politique, Alexandria Ocasio Cortez est à la fois membre du parti démocrate et de l’organisation activiste Democratic Socialists of America (DSA), qui n’est pas un parti mais une structure militante politique de quarante cinq mille membres, fondée en 1982. Alexandria Ocasio Cortez gagne ensuite l’élection et elle devient la plus jeune représentante jamais élue du congrès américain. Elle symbolise dès lors la génération émergente des jeunes turcs politiques, animés par la volonté de combattre l’injustice économique et sociale. Avec elle, trois autres jeunes femmes nouvellement élues en 2018 comme démocrates sont proches des DSA, Ilhan Omer, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley. Leur quatuor a été surnommé la brigade par la presse et elles ont été attaquées par Donald Trump.

Alexandria Ocasio Cortez conserve, au congrès, le style des DSA. En effet, cette mouvance se distingue par son positionnement à l'extérieur et à l'intérieur du Parti Démocrate, tout comme Bernie Sanders, qui n’a jamais fait partie des DSA, mais que ces derniers ont fini par soutenir en tant que seul déclaré socialiste démocrate du Parti Démocrate. Longtemps indépendant, Bernie Sanders a êté obligé, une fois devenu sénateur en 2007, de se rattacher au Parti Démocrate car les commissions du sénat se répartissent entre les deux grands partis.

Les DSA, tout comme Bernie Sanders, balancent entre plusieurs tentations, la défense de leur indépendance, la fondation de leur propre parti et la diffusion de leurs idées à l’intérieur du Parti Démocrate. Les DSA veulent briser le centrisme. Ils défendent, entre autres, le projet révolutionnaire écologique du Green New Deal porté par Alexandria Ocasio Cortez, et celui d’une sécurité sociale universelle et publique, Medicare for All, issu du mouvement syndical et des Doctors for Single Payer, repris par le candidat Bernie Sanders. C’est en raison de leur existence que Donald Trump accuse la machine démocrate d’être socialiste, les confondant sciemment avec les groupuscules radicaux antifascistes qui utilisent la violence de rue contre les suprémacistes d'All Right.

Au mois de juillet 2020, dans un long entretien au New York Magazine, Alexandria Ocasio Cortez justifié son appartenance au Parti Démocrate en concédant que, dans un autre pays, elle et Joseph Biden n’auraient jamais été dans le même parti, ce que le magazine proche des DSA, Jacobin, s’est empressé de confirmer. Alexandria Ocasio Cortez joue tout de même le jeu. Elle est devenue coresponsable avec John Kerry du Climate Task Force, le groupe de réflexion sur le climat de Joseph Biden lancé en fin de campagne.

De même, rappelons que Bernie Sanders a jeté l’éponge au mois d'avril 2020 en appelant ses troupes à soutenir et à voter pour Joseph Biden et à ne pas recommencer le scénario de la division de 2016. Mais pour autant, jamais le Parti Démocrate n’ira défendre publiquement des idées socialistes.

Le système électoral uninominal à un tour est la raison principale pour laquelle les DSA soutiennent les candidats du Parti Démocrate lors des élections nationales. Sans doute, s’il était remplacé par un système proportionnel plurinominal, si les partis présentaient des listes et si les candidats étaient élus en fonction du nombre de voix recueillies comme aux élections européennes, la donne serait modifiée. Mais, malgré les critiques constantes, l’organisation bipartite n’est pas près d’être réformée. C’est donc en restant dans le système, même en étant de gauche, qu’il est possible d’obtenir des changements tangibles.

Il faut ensuite souligner le rôle que joue le financement privé des élections dans la modération du Parti Démocrate, qui dépend des dons des grandes entreprises. Il est révélateur que Joseph Biden ait choisi comme colistière Kamala Harris plutôt que la tout aussi brillante Elizabeth Warren, candidate progressiste aux élections primaires sur un programme d’imposition forte des grandes fortunes et de régulation des marchés financiers. Kamala Harris, en plus d’être une femme issue de deux minorités ethniques, est réputée très centriste. Tout comme Joseph Biden qui vient du Delaware, un état à la fiscalité ultra-light où les sièges sociaux d’entreprises sont plus nombreux que les habitants, Kamala Harris a le soutien de Wall Street.

Depuis son tournant néolibéral des années 1980, le Parti Démocrate n’a pas franchement défendu la demande des syndicats d’un renforcement de la vie syndicale et des droits des salariés notamment après la promesse non tenue de Barack Obama de soutenir l’Employee Free Choice Act qui aurait réformé la procédure complexe de syndicalisation en faveur des travailleurs.

Ensuite, l’électorat du Parti Démocrate est bien plus disparate que celui du Parti Républicain. Ce dernier a l’avantage d’être plus homogène et plus concentré géographiquement. Une étude de l'université du Texas montre en effet que le système des grands électeurs favorise, malgré sa proportionnalité démographique, les états les moins peuplés et les plus ruraux par rapport aux états les plus peuplés et les plus urbains. Si le Parti Démocrate veut gagner ou éviter de perdre les élections nationales, il doit récupérer les voix les plus modérées des petits états. C’est ce qui s’est passé aux élections de mi-mandat de 2018. Un certain nombre de gouverneurs démocrates ont été élus dans les états du Midwest, justement du fait de leur discours modéré centriste.

Néanmoins, les lignes ont bougé au sein du Parti Démocrate. Comme l’écrit Laurence Nardon, il est sorti de sa période néo-libérale qui a caractérisé l’ère de William Clinton et dont les défenseurs sont devenus l’establishment du parti au sein du Democratic National Committee (DNC).

Hillary Clinton a été la dernière et malheureuse candidate du règne des New Democrats. Le tournant a commencé avec la crise de 2008 et la nécessité pour Barack Obama de proposer plus de protection et de régulation. Les mannes du New Deal, programme de relance pensé par Franklin Roosevelt dans les années 1930, ont été ranimées avec l’Obamacare, loi permettant d’étendre la couverture maladie à des millions d'américains. Même si, au même moment, le président Barack Obama ne proposait pas de vraie réponse face aux mouvements sociaux comme Occupy Wall Street, qui dénonçait l’impunité des marchés, ou Fight for Fifteen, qui défendait les travailleurs très précaires et et qui revendiquait pour eux un salaire minimum de quinze dollars de l’heure.

La tragédie sociale engendrée par la pandémie en cours a accéléré la mue du Parti Démocrate. Désormais, devant l’évidence criante d’une concentration incontrôlée des richesses, la spirale de l’endettement privé et le chômage dévastateur, il n’est plus possible, même aux plus centristes des démocrates, de négliger le besoin de régulation et de redistribution.

Certes, le projet d’une sécurité sociale universelle défendu par Bernie Sanders ou Alexandria Ocasio Cortez n'a pas été retenu par Joseph Biden. Ce dernier promet l’élargissement de l’assurance publique sans toucher au marché des assurances privées. Certes, le candidat retient seulement du Green New Deal la priorité à donner aux énergies propres. Mais le programme de Joseph Biden est le plus social jamais élaboré depuis trente ans. Il reste cependant une marge infranchissable pour le taxer de socialiste.

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