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3 juin 2023 6 03 /06 /juin /2023 10:44

 

 

https://accueillirlesafghanes.org/

 

Des milliers d’afghanes ayant fui l’enfer taliban sont dans les limbes au Pakistan et en Iran. La France peut et elle doit les accueillir en urgence.

Cet appel a été rédigé à l’initiative de Margaux Benn, Solène Chalvon-Fioriti, Sonia Ghezali et Nassim Majidi, grandes reportrices et chercheuses spécialistes de l’Afghanistan, et de l’association France Terre d’Asile (FTA). Il est soutenu par plus de trois cent cinquante personnalités de la société civile.

Elles ont eu, pendant deux décennies, une fenêtre sur la vie, la vraie, celle qui consent le rêve. Vingt ans durant, des programmes d’éducation et des bourses universitaires ont poussé les afghanes à y croire. Elles ont repris le chemin de l’école et elles ont obtenu des diplômes en droit. Dans le département d’astronomie de l’université américaine de Kaboul, un télescope fixait leur horizon à des années-lumière de là.

Puis, tous ces rêves sont devenus obsolètes et leurs diplômes sont devenus inutiles. Au mois d’août 2021, dans un odieux et retentissant clap de fin, le président de l’Afghanistan a fui et les ambassades ont quitté le pays. Les talibans ont repris du jour au lendemain le pouvoir, instaurant le règne des mollahs.

Entre 2001 et 2021, le pourcentage de filles inscrites à l’école primaire en Afghanistan est passé de zéro à quarante pour cent. Le nombre d’étudiantes à l’université a été multiplié par vingt, passant de cinq mille à cent mille femmes. Les femmes composaient vingt-six pour cent du service public. En 2023, les compteurs ont été remis à zéro, de force, par la seule volonté d’une dictature illégitime.

L’Afghanistan est le seul pays au monde où les fillettes ne peuvent plus aller à l’école au-delà de l’âge de douze ans et où les femmes n’ont plus le droit d’accès à l’université. La majorité des femmes n’a plus le droit de travailler, plongeant d’innombrables familles dans la pauvreté. Les filles et les femmes sont traquées et battues en toute impunité. Coupables de tout, elles ne valent plus rien. L’Afghanistan est le pays le plus répressif pour le droit des femmes et des filles.

A l’été et à l’automne 2021, des évacuations menées par des pays et des initiatives privées, au milieu du chaos, ont permis d’évacuer un nombre important d’afghans et d’afghanes. Mais les femmes, en particulier les femmes seules et qui ne disposaient pas de l’entregent nécessaire, ont été largement délaissées. Pour elles, il ne subsiste maintenant que des initiatives ponctuelles, menées souvent à bout de bras par des journalistes, des chercheurs et des organisations, pour leur permettre de quitter l’Afghanistan au compte-goutte.

Quand elles arrivent à franchir la frontière et quand elles rejoignent des pays limitrophes comme l’Iran ou le Pakistan, leur route d’exil est loin d’être terminée. Car, extrêmement vulnérables, elles se retrouvent, seules, exposées à de nouveaux dangers. Difficultés à se loger et à trouver un emploi, violences et traite d’êtres humains, les afghanes n’ont d’autre choix que de rêver d’ailleurs et, pour beaucoup, d’Europe. Il y va de leur vie.

Ces femmes que nous évoquons, qui sont parvenues à rejoindre un pays limitrophe et qui pourraient être prises en charge, ne sont que quelques milliers. Elles sont courageuses, elles sont indépendantes, elles ont vu leur éducation ou leur carrière être brusquement interrompue et elles ne demandent qu’à reprendre une vie active comme celle qui leur avait été promise en Afghanistan avant l’arrivée des talibans.

Au mois de septembre 2021, le parlement européen avait appelé à la création d’un visa humanitaire spécifique pour accueillir les femmes afghanes, mais cet appel est resté sans suite et aucune politique européenne coordonnée n’a été mise en œuvre. L’Europe tangue sur les questions migratoires et les femmes afghanes ne peuvent plus attendre. C’est pourquoi la France doit agir, vite, pour les protéger, elles, spécifiquement, parce qu’elles sont des filles et des femmes et qu’elles sont, à ce titre, un groupe persécuté et en danger.

Depuis la chute de Kaboul, la France a accueilli sur son sol quelques milliers d’afghans, anciens collaborateurs des autorités françaises ou défenseurs des droits humains. C’est une démarche indispensable, bien sûr, mais bien faible comparée, par exemple, aux trente mille afghans accueillis par nos voisins allemands. Nous constatons que ce programme d’accueil s’essouffle maintenant et nous ne pouvons accepter que la France estime avoir rempli son rôle.

Nous sommes journalistes, chercheurs, enseignants, féministes, spécialistes de l’Afghanistan ou des politiques migratoires et citoyens engagés, et nous demandons aux autorités françaises de mettre en place un programme d’accueil humanitaire d’urgence pour permettre l’accès à notre territoire à ces femmes qui n’ont plus accès au travail ou à l’éducation et qui sont isolées au Pakistan ou en Iran. Ce programme d’accueil doit reposer sur trois piliers, une aide humanitaire dans les pays frontaliers de l’Afghanistan permettant de protéger ces femmes qui fuient, un engagement à faciliter et accélérer les délivrances de visa leur permettant de rejoindre la France pour y demander l’asile et un système d’accueil renforcé à l’arrivée en France, qui reconnaisse leurs besoins spécifiques et qui s’ajoute aux dispositifs déjà existant pour les autres demandeurs d’asile. La France, si prompte à affirmer conduire une diplomatie féministe, a les moyens d’agir pour protéger la vie et l’avenir de celles à qui, si récemment encore, nous promettions tant. Il est temps de passer aux actes.

Cet appel est paru dans le Monde du 21 avril 2023.

Premiers signataires

Christophe Aleveque, Christian Baudelot, Yves Bigot, Jean-Marcel Bouguereau, Claire Brisset, Michel Broué, Elie Chouraqui, François Crémieux, Virginie Despentes, Cécile Duflot, Eric Fassin, Geneviève Fioraso, Dan Franck, Romain Goupil, Benoît Hamon, Michel Hazanavicius, Agnès Jaoui, Henri Leclerc, Elise Lucet, Alain Monod, Anne Nivat, Muriel Pénicaud, Edwy Plenel, Nicole Questiaux, Laurence Rossignol, Beatrice Schönberg, Leila Slimani, Mélissa Theuriau, Philippe Torreton, Nadine Trintignant, Najat Vallaud-Belkacem, Emmanuel Wallon, Rama Yade

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